Figaro / Veille d'arrivée de Bretagne-Martinique, Erwan Tabarly : "Seule la victoire m'intéressait"

Après trois semaines d'océan, les solitaires vont vivre cette nuit leurs derniers milles en mer. Ils s'apprêtent à sentir les odeurs de la terre, apercevoir les premiers bateaux, poser le pied sur un sol statique. Demain, ce sera le retour sur terre… Erwan Tabarly (Armor Lux - Comptoir de La Mer) devrait arriver au lever de soleil à Fort-de-France. Le marin, prudent à une poignée d'heures d'une possible victoire, n'ose y penser.


Erwan Tabarly file vers la victoire de la Transat Bretagne-Martinique. Bagarre pour la 2e place.
Credit : A.Courcoux

A Fort-de-France, tout est bordé. L'accueil martiniquais promet d'être à la hauteur de l'aventure maritime qu'ont vécue nos marins. Car cette édition de la Transat Bretagne – Martinique restera probablement ancrée dans la mémoire des Figaristes, même les plus expérimentés. Départ dans la baston, arrivée dans les grains musclés : diantre, les solitaires n'auront jamais été épargnés !

Suspense pour le podium
Derrière Erwan Tabarly, il y a toujours le duel Gildas Morvan (Cercle Vert) et Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) à 8 milles d'écart. Régate en vue jusqu'à la pointe du Bout ?

Après, les dés sont quasiment jetés. Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance), flamboyant sur la traversée de l'Atlantique, devrait logiquement se placer 4eme. Yoann Richomme (DLBC – Module Création), 5e, après avoir doublé cette nuit Adrien Hardy. Un Adrien qui vit ses dernières heures de course comme une souffrance, car privé de son safran tribord. La remontée vers Fort-de-France sera compliquée. Pour lui, c'est comme conduire sur une piste verglacée…


Les marins racontent
Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer) : "seule la victoire m'intéressait"
« Je n'ai pas une l'impression d'avoir un mental différent, seule la victoire m'intéressait. Je suis parti avec l'idée de gagner et presque de me dire que si j'arrivais 2e, je serai déçu. Ca n'a pas changé, ça s'est bien goupillé jusqu'au bout. Avant ça allait jusqu'à mi parcours, mais sur la fin je ne sais pas ….

Je n'arrivais pas à garder ma place et je me suis fait avoir 2/3 fois. La partie alizés qui semble la plus facile est en fait la plus aléatoire avec les grains, les fichiers moins précis, ça ne me réussissait pas. Cette année, j'ai enfin réussi à bien négocier cette partie, qui sur le papier est simple, mais pour moi posait problème. Je suis confiant, je suis dans ma course et j'y crois. Si les conditions sont bonnes, l'arrivée va se faire sentir et j'espère que … j'en sais rien, je n'ai jamais connu ! »

Yoann Richomme (DLBC - Module Création) : "un challenge en soi."
« Je suis heureux d'avoir fait une traversée de l'Atlantique en solitaire. Je m'étais dis que c'était déjà un challenge en soi. Ca reste compliqué. Encore 326 milles avant l'arrivée. Je suis content d'avoir été dans la bagarre. Je le suis toujours avec Adrien, mais il s'accroche le bougre. Le plus difficile fut de tenir le rythme. Les deux anciens devant ont mis la barre haute, les autres ont aussi beaucoup cravaché. Mais le rythme est intense, c'est usant. Je n'ai rien cassé. ETA ? 18hTU je pense à îlet Cabrits. »

Adrien Hardy (Agir Recouvrement) : "fier d'arriver quasiment en même temps qu'eux"
« Cette nuit c'était plutôt bien, j'attendais que le vent diminue pour aller me reposer car ça faisait 24h que je n'avais pas dormi. J'ai même aperçu le feu de Yoann (Richomme) qui est passé sous le vent. Je continue à me bagarrer avec les autres. Le vent est fort, avec 25 nœuds et des grains. J'ai affalé le spi et je dors à l'intérieur. Je suis un ris dans la grand-voile et solent. Pour moi, c'est un bord vraiment difficile. Je suis fier d'arriver quasiment en même temps qu'eux. Cette nuit dans les grains, j'arrivais à faire du surf, c'était un exercice de conduite et de réglage très fin sur le brassé du spi. »

Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) : "J'espère que je vais réussir à le manger ! "
« J'aimerais bien passer devant mon copain !! J'essaye de beaucoup barrer. Je sais qu'il n'a plus de grand spi, donc il y a un avantage psychologique. Si ca mollit, ça devrait aller plus vite pour moi. Je me suis décalé mais ce n'est pas terrible ; l'angle n'est pas top. Ca pourrait être marrant qu'on finisse à vue à Fort-de-France. J'espère que je vais réussir à le manger ! Mais on ne m'avait pas dit qu'une Transat passait par la Mauritanie ; j'étais embarrassé ! Ca devrait le faire avec le gasoil, c'est tout juste, au pire je finirai les dernières 10 heures un peu à l'arrache, mais ça va le faire. Damien est derrière, sans spi je crois. Normalement, ma place est assurée et si je peux aller chercher la 7e, ce serait bien ! »

Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) : "Je ne me rends pas trop compte de l‘arrivée"
« Ca ne se passe pas trop mal. Avec mes histoires de spi, j'ai fini par réparer le spi lourd hier, en fin de journée, ça a molli je l'ai donc renvoyé. Ca tenait et je l'ai gardé jusqu'à 22 nœuds. Je l'ai affalé dans la nuit quand il y a eu des grains. Je suis sous génois du coup depuis, ça marche comme ça et je ne préfère pas mettre mon spi à plus de 22 ou 23 nœuds, car après je n'ai plus rien. Je ne me rends pas trop compte de l‘arrivée qui approche car je suis concentré sur mes histoires mais c'est sûr que j'aurais hâte. »



Les cinq premiers à 16 h 
1 : Armor Lux – Comptoir de la Mer (Erwan Tabarly) à 184,98 milles de l'arrivée
2 : Cercle Vert (Gildas Morvan) à 36,23 milles
3 : Skipper Macif 2012 (Fabien Delahaye) à 45,27 milles
4 : Bretagne – Crédit Mutuel Performance (Anthony Marchand) à 73,21 milles
5 : DLBC – Module Création (Yoann Richomme) à 100,88 milles

Source : Rivacom