Yannick Bestaven tricote, Charlie Dalin efface les trois-quarts de son retard, Jérémie Beyou bientôt au Horn

Au large du Brésil, les leaders du Vendée Globe ont la tête au front froid permanent qui dresse sur leur route une barrière de hautes pressions longue de 1 800 milles. Contraint par du près dans du vent faible, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) ne compte plus que 97,7 milles d'avance sur Charlie Dalin (Apivia), propulsé cette nuit au portant.

 

Crédit : G Lebec

Bestaven tricote, Dalin revient

Le mur anticyclonique débute à 400 milles environ des côtes du Brésil au point le plus proche de la côte, à hauteur de Rio de Janeiro et de Cabo Frio, et il s’étire vers l’Est sur plus de 1800 milles. Autour de ce front s’articulent plusieurs vents, actuellement. Du Nord – Nord-Ouest le long de la côte, dans l’Ouest du système ; du Sud – Sud-Ouest dans le Sud de la zone de hautes pressions.
 
À défaut le pouvoir le traverser, il faudra donc le contourner, et c’est ce que s’échine à entreprendre Yannick Bestaven, qui navigue à 200 milles de Cabo Frio et de la micro région des lacs. Le hic : dans ce couloir continental, le vent vient de face et le leader a la lourde peine de devoir tricoter son chemin au près, au 64e jour de course. 

Un peu plus bas et 100 milles plus à l’Est, Charlie Dalin bénéficie encore d’un flux d’Ouest d’une douzaine de nœuds qu’il exploite à merveille pour, au classement de 5 heures de ce lundi matin, pointer son nez à 97,7 milles derrière le leader. En quatre jours, le skipper d’Apivia a effacé les trois-quarts de son retard. Il lui reste un dernier petit bout de pain blanc dans lequel croquer avant d’être contraint de progresser au près à son tour.

 

Louis Burton savoure

Si Thomas Ruyant (LinkedOut), 4e, est dans le sillage du deuxième, Damien Seguin fait du gain 80 milles à l’Est de ses rivaux. Une position qui plaît bien à Louis Burton, calé dans la roue du skipper de Groupe Apicil. Joint ce matin, le solitaire de Bureau Vallée 2 ne boude pas son plaisir : « Mon plaisir ? Attendre et regarder les classements ! J’y suis complètement accro, j’attends les réactualisations comme un enfant attend le père Noël. Je regarde la trajectoire de ceux qui sont devant, j’essaie de voir comment je pourrais recoller encore un peu, et c’est exceptionnel : je n’avais pas connu ce plaisir il y a quatre ans ! »
 
Le miraculé de l’île Macquarie, qui réalise un come-back époustouflant, ne détesterait pas aller chercher mieux que cette cinquième place, mais il sait la chose peu aisée : « Je suis en bonne forme : j’ai changé mon dessalinisateur. Le précédent me donnait une eau ‘dégueulasse’, et je commençais à ressentir des troubles physiques. Ça va désormais vraiment mieux. Quand tu reviens dans ces eaux de l’Atlantique, après avoir longé l’Antarctique, tu as l’impression de naviguer dans le golfe du Morbihan… ce qui est marrant, puisque tu n’as pas du tout cette impression pendant la descente. Il y a quand même pas mal d’incertitudes sur ce que nous allons affronter demain soir, ce front froid permanent. Cela peut aussi bien se passer que mal se passer. À l’aller, en l’abordant par le Sud, je l’avais bien négocié. Mais le vent y est en pagaille et, derrière, c’est du près jusqu’à ce que ça adonne. Mes foils sont en bon état, et j’ai l’ambition de continuer à remonter doucement et d’arriver à l’entrée du pot au noir en étant satisfait du travail fourni ».
 
Si Charlie Dalin (Apivia) est le skipper qui a eu le plus gros gain sur Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) entre le classement de 21 heures hier et celui de 5 heures ce matin, le reste du top 10 a gagné entre 45 et 60 milles sur le leader. Cette tendance devrait se poursuivre encore au fil de la journée.

 
300 milles environ derrière Maxime Sorel (496,6 milles du leader), Armel Tripon (L’Occitane en Provence) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) « jouent » avec une cellule de hautes pressions qui leur barre la route et leur imposera du vent de face en se décalant vers l’Est. 400 milles plus loin, entre les 46e Sud et les 48e Sud, Romain Attanasio (Pure – Best Western) se prépare à négocier le passage de deux phénomènes dépressionnaires liés qui, en cours de journée, viendront de sa gauche d’abord, avec du vent de Nord, puis de son Sud, avec un vent de Sud – Sud-Est de plus de trente nœuds.
 

Le Horn pour Jérémie Beyou

Mille milles derrière, Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle), Alan Roura (La Fabrique), Jérémie Beyou (Charal) et Pip Hare (Medallia) se préparent à parer le cap Horn. Sans doute n’en verront-ils pas grand-chose, comme l’explique Jérémie Beyou, qui franchira le cap Horn pour la troisième fois en quatre ans : « J’ai mis du temps à passer le premier, c’était lors du dernier Vendée Globe, puis j’ai récidivé ensuite lors de la Volvo Ocean Race. Et, les deux fois, j’ai vu le caillou. Ce ne sera sans doute pas le cas cette fois-ci : une dépression secondaire naît dans notre Nord, on va s’en éloigner. Mais je ne serai pas fâché de quitter ce Pacifique, qui a été un vrai rouleau compresseur ». Le retour sur des routes a priori mieux pavées devrait s’opérer dans l’après-midi.

 

Isabelle Joschke, bientôt la fin du bagne 

Entre ces groupes, Isabelle Joschke (MACSF) se débat et résiste dans son IMOCA dont la quille n’est plus fixe. Dans une douzaine d’heures, la navigatrice contrainte à l’abandon sortira de la dépression qui l’a malmenée hier, notamment dans un départ au vrac. Une fois sortie de la zone de danger, Isabelle Joschke, avec Alain Gautier son team manager et la direction de course chercheront la voie la plus sûre et la plus efficace pour ramener le bateau à bon port.
 
Derrière enfin, Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) et Miranda Merron (Campagne de France) sont à l’avant d’une dépression qui va leur passer dessus, mais ils resteront dans le Nord des vents les plus forts.
 
Hors-course mais déterminée à avancer vite, Sam Davies est passée devant Alexia Barrier (TSE – 4myPlanet) et Ari Huusela (STARK). Les deux concurrents ont des options différentes : le Sud pour la navigatrice, qui va essayer de se laisser porter le plus longtemps possible par la dépression qui arrive dans son dos ; le Nord pour le Finlandais, qui choisit régulièrement les options les plus sûres, et qui n’y perd finalement pas au change. En queue de peloton enfin, Sébastien Destremau (merci) bénéficie pour l’heure de conditions maniables pour ses premiers milles dans le Pacifique, à 7 108 milles de Maître CoQ IV.

 

Source : OConnection