Grande attraction de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe, les huit Ultimes ont fait leur entrée pour la première fois cette année dans le bassin Vauban.
Huit bateaux, l’affiche est inédite, même si tous les acteurs n’y tiennent pas la même place. Il suffit de jeter un oeil aux 23 mètres de Use it again ! By Extia, conçu en 2004 pour Dame Ellen Mac Arthur, pour comprendre qu’on a changé d’époque. L’anglaise avait mis 71 jours autour du monde par les trois caps quand François Gabart en mettait 42 sur Macif (Actual d’Yves Le Blévec aujourd’hui) douze ans après…
Trois familles
Quelques longueurs derrière le sage trimaran qu’aligne pour la deuxième fois Romain Pillard, on trouve côte à côte Mieux d’Arthur Le Vaillant, presqu’au maximum des dimensions de la classe 32/23, tout comme le bateau de légende Idec Sport de Francis Joyon, tenant du titre.Ces deux-là forment la génération intermédiaire. Les foils y génèrent de la puissance mais ne soulèvent pas la plateforme. N’empêche, le format reste impressionnant et Arthur Le Vaillant (Mieux), avoue en rêver parfois la nuit : « Bien sûr que j’ai peur. Qui n’aurait pas peur ? J’ai le bateau le plus lourd de la flotte, on n’ a pas eu le budget pour changer certaines pièces comme les haubans,…» dit-il en regardant les 45 mètres de son espar qui bascule comme les autres et pèse 1,2 tonnes ! «Je me rassure lorsque Francis me dit « qu’il a 10% de chance de gagner … et que moi aussi », même si mon objectif est surtout d’arriver avec le bateau entier ! Ce qui est certain, c’est que si la météo est clémente, on va prendre une sacrée dérouillée ! »
Le Club des cinq
Faisant référence aux 5 Ultims réellement volant (Actual, Banque Populaire XI, Maxi Edmond de Rothschild, Sodebo Ultim 3 et SVR Lazartigue), le skipper de Mieux pointe l’écart de vitesse colossal à certaines allures. C’est le cas notamment au près où un bateau volant peut marcher à plus de 30 noeuds dès 15 noeuds réel quand l’ancienne génération plafonne à 22.Mais pour que ces cinq-là tiennent le haut de l’affiche à Pointe à Pitre, il faudra : 1/ que les accidents structurels d’ il y a quatre ans soient un mauvais souvenir, 2/ conserver dans le meilleur état possible des appendices indispensables au vol.
Sur le premier point, les skippers semblent confiants, à l’image de Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) : « Après l’accident d’Armel, on a mis à plat les données et on a appris à ne plus naviguer à la testostérone, à celui qui a le moins peur. Nous sommes plus intelligent parce qu’on est éclairé par des chiffres. J’ai de la fibre optique dans tous les bras, flotteurs, foils, qui me dit à quel dosage je suis de l’exploitation du bateau. L’ensemble des acteurs qui se penchent sur les Ultims, architectes, techniciens, chantiers, a énormément muri. A chaque sortie, un rapport structure est édité. Aujourd’hui, on reboucle les données réelles avec les simulateurs et on travaille sur de la matière vraie ».
Mieux surveillés par les datas que récupèrent en temps réel les équipes à terre (y compris en course), la connaissance des Ultims a, de l’avis de tous, nettement progressé. Même si comme l’explique Yves Le Blévec « il y a de fortes chances qu’au départ de Saint-Malo, on navigue dans des situations météo qu’on évite soigneusement toute l’année. Personne ne va jamais par plaisir dans 40 noeuds avec 4 mètres de creux au près. Je ne suis pas catégorique sur le fait qu’on soit au bout des surprises… »
Step structurel
Pourtant, tous les bateaux existants ont été renforcés, au niveau du bras avant et avec des fonds de coque en monolithique. Quant aux bateaux neufs, ils ont revu leur conception. Celui qui est allé le plus loin est Armel Le Cléac’h en doublant la structure du bras avant quitte à alourdir son nouveau plan VPLP d’une tonne « Je suis confiant par ces choix techniques et l’expérience cumulée sur 40000 milles et 4 transats en un an et demi… dit le skipper de Banque Populaire XI. On nous attend au tournant, mais je pense que le step structurel est passé et je suis confiant dans le fait d’avoir le maximum de bateaux à l’arrivée. Il a fallu cet épisode de 2018 pour y parvenir, comme les IMOCA ont à une époque perdu des quilles ou des mâts. » Hors casse structurelle, c’est l’état des appendices qui pourrait rebattre les cartes entre volants et non volants, et faire un tri dans le groupe des meilleurs bateaux comme l’évoque en conclusion Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) « En montant à Saint-Malo, deux bateaux ont tapé, c’est inévitable. Les avaries ne sont pas catastrophiques mais est ce qu’ils auraient pu continuer en course, je ne sais pas ? Je pense qu’il faudra de toutes façons s’habituer demain à finir des courses avec des bateaux qui ont perdu un peu de leur potentiel. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il n’y aura pas de compétition et un vainqueur».Source : RDR