Nuit sans encombre et réparation en bonne voie pour APIVIA, Charlie Dalin : "Fabriquer une cale de substitution"

Pointé en 3e position du classement ce mercredi 16 décembre à 9h00, Charlie Dalin et APIVIA naviguent ce matin à 20,7 nœuds. Si le skipper d'Apivia a réussi à limiter l’hémorragie de milles, suite à l’avarie survenue lundi après-midi sur la cale basse du foil bâbord, il est important de constater ce matin qu’APIVIA a navigué 12 heures consécutives hier, tribord amures soit en appui sur le foil réparé. Un vrai test grandeur nature dans un vent forcissant de plus de 20 nœuds. Rapide retour sur les faits et témoignage de Charlie Dalin pour décrire la situation.


Crédit : Ch Dalin


Explications d’Antoine Carraz, (Directeur Technique d’APIVIA) 

« Charlie a fabriqué une pièce de 70 cm de large en sandwich carbone / mousse qu’il est venu poser en remplacement de la pièce abîmée. Pour cela, il a dû mettre le bateau à la cape avec la quille sous le vent pour le faire giter le plus possible. Il est ensuite monté sur le foil en prenant les mesures de sécurité nécessaires pour aller remplacer la cale basse. En tout, il y a d’abord eu un temps de réflexion et par la suite 14-16 heures de mise en œuvre. »

L’observation se poursuit pour valider la réparation effectuée, si elle est bien conforme à celle imaginée.

Arrivé aux portes de la zone des glaces en milieu de nuit, APIVIA a de nouveau empanné pour longer la zone interdite, qu’il ne devrait plus quitter plusieurs jours durant. Un long bord bâbord amures (vent venant de la gauche), dans un vent maniable. La chasse pourrait alors être lancée.


Charlie Dalin raconte le déroulé des opérations

« Lundi soir en fin de nuit pour moi, environ 2 heures avant le lever du jour, je réalise que j’ai de l’eau qui, de temps en temps, coule dans le cockpit par le tunnel alors que ça n’arrive jamais. Je trouve ça bizarre, j’envoie un message à l’équipe pour leur en faire part. Je continue à cogiter. Je me demande si ce n’est pas le peigne du tunnel… J’en parle à l’équipe. La 2e alerte, une alarme d’envahissement d’eau dans la zone du puits de quille. Je vais voir et il y a effectivement un peu d’eau qui est rentrée mais je ne sais pas trop par où. Je finis par me rendre compte que le puits de foil est plein d’eau et je vois mon foil bouger dans un sens dans lequel il ne le devrait pas. Il a un degré de liberté dans lequel il devrait être contraint… Je me dis tout de suite que j’ai dû perdre la cale basse… Au début je n’ose pas y croire. J’ai pris ma caméra que j’ai mis sur une perche et ralenti le bateau pour filmer à l’extérieur et voir autour du foil. Est-ce que je vois la cale ? Je réalise que la cale basse inférieure a disparu. Ça a été horrible car instantanément j’ai vu mon Vendée Globe se terminer. C’était l’abandon à coup sûr… J’ai éclaté en larmes de désespoir de me rendre compte de ça, je me suis dit que c’était fini et que ça n’allait jamais le faire. Toute l’équipe était très déçue de cette avarie, ça les a marqué aussi. »

« J’ai tout de suite remonté le foil au max, ainsi il a tendance à se plaquer contre la cale du haut et j’ai fait des essais de navigation en accélérant au fur et à mesure pour voir ce qu’il se passait… Malgré tout, je voyais que de temps en temps, il y avait des inversions de force et que le foil redescendait et s’appuyait sur le puits, qu’il était plein d’eau et que ça le mettait trop sous pression. »

« Il y a une période où l’équipe a réfléchi en fonction de ce que j’avais à bord et de toutes les contraintes que l’on connait, d’être tout seul sur un IMOCA à l’autre bout du monde pour réparer ce genre de truc. On a convenu de fabriquer une cale de substitution avec des morceaux de carbone et un morceau de mousse. J’ai découpé mes bouts de carbone à la meuleuse (NDLR : disque diam). Puis j’ai assemblé mes pièces et fait le collage. Pendant qu’il prenait, je dormais un peu car je savais que la suite allait être compliquée… »

« Pour la phase d’installation de la pièce, je savais que j’allais avoir à me suspendre dans mon baudrier à une drisse pour atteindre le niveau de la sortie du foil et réussir ainsi à l’installer en la maintenant en position avec des bouts qui viennent de l’intérieur. »

« Je me suis mis à la cape au dernier moment car je savais que j’irais dans le mauvais sens à ce moment-là. J’y suis allé quand vraiment tout était prêt : mon baudrier, mon harnais, ma combinaison étanche… J’étais accroché à une drisse et à une longe qui me reliait au pont. J’avais une double sécurité. J’ai commencé mes allers-retours. J’allais au niveau du foil par l’extérieur du bateau pour tenter d’insérer ma cale, voir où il y avait trop de carbone et là j’ai fait je ne sais pas combien de dizaines d’allers-retours pour ajuster la pièce, dégraisser à droite et à gauche, pour réussir à la faire rentrer dans le puits. Là, ça a été long, et je voyais le soleil qui commençait à baisser. Il fallait que je continue et que j’y arrive avant la tombée de la nuit. C’était vraiment mon objectif. Ça aurait été dur pour moi d’attendre le jour suivant pour continuer. Vraiment au bout de mes forces et au bout de ma fatigue, j’ai réussi à insérer la pièce. »

« Heureusement, ça a fini par rentrer. J’ai réussi à sécuriser la pièce par l’intérieur comme on avait prévu de le faire. J’ai pu réempanner et reprendre ma route. Au début, je ne pensais qu’à dormir… mais il n’y avait plus beaucoup de vent donc ça a été plus fort que moi et j’ai déroulé une voile plus grande pour aller plus vite. Même si je restais sur des valeurs tranquilles de vitesse. Par la suite, je n’ai fait que dormir. »

« Ce matin, j’ai observé mon foil. On a commencé à faire des essais en allant un petit plus vite, en accélérant… pour voir si le foil bougeait et dans quel sens. La conclusion, c’est que le foil bouge peu au final. A priori, ça a l’air d’aller… Une fois empanné, j’ai refait une inspection en reprenant des photos par l’extérieur du bateau pour voir si la pièce avait bougé mais elle ne paraît pas avoir bougé. C’est plutôt bon signe après quelques accélérations de voir que tout est en ordre de marche et que ça a l’air de tenir. »

« On continue de réfléchir s’il faut encore sécuriser davantage mais, en tous cas, le tribord que j’ai fait cette nuit pour moi était plutôt encourageant et ça m’a donné confiance dans la réparation qu’on a effectué.
»

 

 Source : Apivia