La plus longue étape jamais vécue en 50 ans d'histoire de The Ocean Race - Cape Town (Afrique du Sud)-Itajaí (Brésil) - débute aujourd'hui (14h10) avec une première décision importante pour les skippers IMOCA.
Crédit : Sailing Energy
Toute la question est de savoir s'il faudra rester près de la côte dans la zone du Cap de Bonne Espérance ou partir au sud - voire même au sud-ouest - pour aller chercher une brise soutenue, signe des premiers vents d'ouest qui emmèneront les cinq IMOCA dans les océans Indien et Pacifique.
Le Français Christian Dumard, consultant météo officiel de The Ocean Race, confie que si un équipage décide de faire cap au sud, les autres pourraient bien lui emboîter le pas de peur de manquer une belle occasion. Pour lui, l'étape devrait commencer avec de fortes conditions de près dès dimanche soir, suivies d'une possible bascule du vent.
"Les bateaux pourraient remonter au vent et se rapprocher du Cap de Bonne Espérance, mais certains pourraient aussi mettre cap directement au sud-ouest pour aller chercher la bascule de vent (sud-est à sud-ouest) dans l'anticyclone. Ils ne vont pas aimer avoir leur VMG négative (à l'inverse de la route), mais si un ou deux bateaux choisissent la route sud-ouest, les autres pourraient bien suivre", déclare Christian Dumard.
Un événement intéressant a marqué l'histoire de la course en 1997. En effet, le Whitbread 60 'Swedish Match', skippé par Gunnar Krantz, s'était éloigné de la flotte après avoir quitté Table Bay et s'était dirigé seul au large. Cette manœuvre lui avait permis de prendre 35 milles d'avance sur ses poursuivants dès minuit le premier soir et de remporter l'étape de Fremantle en Australie 15 jours plus tard !
"Si nous regardons à plus long terme, il y a un système de basse pression les 2 et 3 mars", explique Christian Dumard. "La position de cette dépression, et la profondeur qu'elle atteindra, varient encore beaucoup en fonction des modèles météo. Pour l'instant, l'idée est de descendre le plus vite possible vers le sud pour attraper les vents d'ouest. Si la dépression se déplace plus au sud que prévu, alors il pourrait y avoir d'autres options pour se faufiler au nord de celle-ci. Il me semble plus probable que ce soit l'option sud qui l'emporte, mais le jeu est encore ouvert et cela pourrait encore changer."
Dans l'ensemble, l'étape devrait se dérouler dans des conditions variables, avec des zones de vents légers se propageant vers le sud du parcours, mais aussi des tempêtes qui pourraient bien être violentes. "C'est la saison des cyclones dans les océans Indien et Pacifique, donc nous avons eu beaucoup de tempêtes tropicales récemment et, lorsqu'elles sont en phase avec un système frontal, c'est-à-dire lorsqu'elles sont prises dans le front d'un système de basse pression, alors elles peuvent redevenir très actives."
Si cette étape sera néanmoins dominée par des conditions typiques des mers du Sud, l'ordre du podium ne pourrait bien ne s'établir qu'après le Cap Horn. Selon Christian Dumard, cette partie de la course sera un nouveau grand défi, car les équipages traverseront différents systèmes météorologiques et donc plusieurs transitions stratégiques.
"C'est probablement la partie la plus difficile de l'étape", déclare-t-il. "On parle beaucoup de la difficulté de l'océan Austral, mais ensuite il faudra gérer des systèmes de basse pression venant du Brésil et des hautes pressions qui arrivent rapidement derrière eux. Aussi, comme les bateaux ne se déplacent pas avec les systèmes, mais à travers eux, les conditions changent très rapidement."
Ensuite, les dernières heures vers Itajaì pourraient être bien hasardeuses. "A Itajaì, on peut avoir du vent léger, des orages, des grains, tout peut arriver sur la dernière ligne droite", résume-t-il.
Le directeur de course Phil Lawrence, quant à lui, garde un œil sur l'activité des icebergs et l'empiètement des eaux froides sur le parcours. L'étape comporte une zone d'exclusion constante des glaces, conçue pour éloigner les équipages des icebergs et des petits grolers qui pourraient endommager gravement un IMOCA naviguant à pleine vitesse.
Selon Phil Lawrence, la limite nord de la zone sera réexaminée, notamment dans le Pacifique Est, en direction du Cap Horn. "Au cours de l'étape, nous effectuerons de nouveaux balayages du Pacifique et il est fort probable que nous ajustions la limite des glaces si nécessaire", explique-t-il. "Soit, nous la placerons plus nord, si nous identifions un risque, soit plus au sud si nous ne voyons rien d'inquiétant. En ce moment, la situation est inhabituelle dans le Pacifique oriental, où il y a beaucoup d'activité glaciaire très au nord. Aussi, la limite actuelle est très nord dans la zone, mais les scans plus récents nous feront peut-être changer cela dans les semaines à venir".
Phil Lawrence dit que l'équipe de The Ocean Race a été impressionnée par le bon état général des bateaux à leur arrivée à Cape Town. Il est cependant bien conscient que cette étape pourrait être critique si les bateaux subissent des avaries en très haute mer. "Sur chaque tronçon du parcours, nous avons un gros plan d'urgence, pas seulement sur l'étape des mers du Sud", annonce-t-il. "Nous avons donc déjà planifié l'étape avec tous les centres de coordination des secours en mer, et nous avons identifié des ports de repli tout au long de la route où les bateaux pourraient se rendre s'ils devaient se dérouter."
Un facteur dont les équipages devront se méfier au début de l'étape est le risque de heurter des débris au sud du Cap de Bonne Espérance, une zone à l'origine de bien des problèmes pour les IMOCA dans le passé et pour les équipages du Trophée Jules Verne également. Pour cette course, Phil Lawrence explique qu'un protocole a été mis en place pour s'assurer que si un équipage subit une collision, il devra immédiatement en informer la direction de course afin que les détails puissent être rapidement partagés avec le reste de la flotte.
Source : Imoca