Les Sables - Horta - Les Sables / Dispersion germanique

Quelle mouche a donc piqué la flotte de Horta – Les Sables ? Le bel ordonnancement qui semblait de mise en début de matinée a volé en éclat sous l'influence manifeste de la trajectoire de Tzu-Hang, pointé en moyenne plus rapide que ses concurrents, d'environ deux nœuds. La route du nord ressemble de plus en plus à une voie royale quand les aventuriers du sud doivent prendre leur mal en patience en attendant de retoucher du vent…


©Stéphanie Gaspari

Axel Strauss associe toute la délicatesse de l’artisan ébéniste qu’il est, avec un certain sens de la rigueur tout alémanique. On pourrait donc supposer chez lui cette politesse exquise qui serait de ne pas faire d’ombre aux ténors de la course. Arrivé en 9ème position de la première étape, il avait ainsi démontré que lui et son coéquipier Juerg Burger, savaient faire marcher un bateau. Mais, visiblement, derrière ses yeux bleus, le garçon cache aussi des trésors de malice : en refusant de marcher dans les brisées de Telecom Italia, en persistant vers le nord à l’aide d’un empannage judicieux, l’équipage de Tzu Hang sème un sacré bazar. Pointé en 6ème position à moins de dix milles du leader, il avance à plus de huit nœuds quand la majeure partie de la flotte peine encore à se maintenir à plus de six nœuds. Le branle-bas de combat est donc de rigueur et tout un chacun cherche à protéger au mieux ses arrières. Telecom Italia le premier qui ne se contente pas de sa position de leader de la flotte retrouvé : visiblement Giovanni Soldini et Karine Fauconnier ont senti le vent du boulet et leur route indique clairement leur volonté de réduire le décalage de latitude avec les voiliers les plus au nord.

Guerre des nerfs

Au bout du compte, ces premières heures de course ont été plus éprouvantes que prévu : petits airs et grande houle se conjuguent mal avec sérénité. Les voiles qui battent, le bateau qui peine à progresser, les réglages sur le fil détruits en un quart de seconde par une vague revêche, sont autant de petites piques qui viennent entamer le moral des navigateurs. Et ce d’autant plus, que la diversité des options rajoute une pression supplémentaire. On a beau avoir fait tourner les logiciels de routage, être confiant dans ses choix, il n’est jamais simple de partir à la perpendiculaire de la route : les chemins de l’école buissonnière, passées les minutes de l’inconscience, ont toujours un arrière-goût de culpabilité. Et si l’on était en train de jouer la course sur un coup de poker hasardeux ? Même les plus solides des concurrents partis au nord le laissaient transparaître dans leurs messages : il n’est jamais facile d’accepter de descendre au classement général, même si l’on sait que c’est pour mieux rebondir. Olivier Grassi (Grassi Bateaux) a ainsi pu fêter ses quarante ans en mer par une place de dernier au classement provisoire de ce matin. Mais le cadeau d’anniversaire, s’il vient avec un léger retard, sera peut-être plus luxueux que prévu.
Pour les hommes du sud, la punition est lourde : ainsi Courrier de l’Odet (David Consorte – Arnaud Aubry) qui, vingt-quatre heures plus tôt, caracolait en tête de flotte et se trouvé relégué au classement de quatorze heures en dernière position : sic transit gloria mundi.

Benoît Panaudeau et Jean Saucet (Entreprendre en coopérative) faisaient ce constat légèrement désabusé : quand Telecom Italia entrouvre une porte à la faveur d’un choix de route peu orthodoxe, le plus souvent celle-ci débouche sur un mur ou sur un précipice. Si le constat vaut pour la route du sud, il se peut que cette fois-ci le chat italien ait laissé entrebâillé un petit passage vers la route du nord. Rien qu’à cette idée, la souris germanique Tzu-Hang s’en pourlèche déjà les babines.

Source : PFB / Les Sables - Horta - Les Sables

Ils ont dit
Denis Lazat (Les enfants changeront le monde)
« Apres 24 heures de pétole et de concentration non-stop pour extraire des moindres bouffées d'air évanescentes un petit dixième de nœud vite reperdu, la course au large: travail ou vacances? C'est une question de force de vent. S'il fallait que je donne des chiffres, je dirais moins de 10 noeuds ou plus de 15 : travail. Entre 10 et 15 nœuds : vacances. Donc aujourd'hui, c'est clairement du boulot!
En attendant le vent, nous nous abimons les yeux devant l'écran du bord, cherchant a percer les secrets de fichiers météo qui déroulent des encéphalogrammes désespérément plats. Je regrette le temps ou la météo était moins fiable.
»

Pierre-Yves Chatelain (Destination Calais)
« Les 24h qui viennent de se passer ont été longue et éprouvante, vent très faible et instable, houle encore importante qui fait claquer les voiles, mais ce matin le temps est magnifique, superbe soleil, et le vent commence à revenir doucement, cinq à six noeuds, nous sommes sous spi et tout va bien. La mer aussi se calme ce qui facilite bien les choses, il n'y a plus qu'à se concentrer pour partir à la chasse aux dixièmes de milles et essayer de revenir sur le groupe juste devant nous, la course est encore longue.... »