Istanbul Europa Race / En rangs serrés en mer Egée

24 heures de mer dans cette Istanbul Europa Race 2009 et déjà la course tient toutes ses promesses. Depuis le départ sur le Bosphore, les six protagonistes jouent en effet leurs rôles à merveille, confirmant ainsi que cette Odyssée vers Nice ne sera pas dénuée de suspense. Abordé au coucher du soleil, le détroit des Dardanelles a libéré les équipages au petit matin, ne leur réservant pas systématiquement le même sort. En tête, le chassé croisé s'organise, distribuant au fil des classements le leadership. Pour l'heure, l'honneur de mener les débats revient à Kito de Pavant et son équipage. Mais dans leur tableau arrière la concurrence est féroce et les protagonistes à vue. Avec la mer Egée comme terrain de jeu et son lot de difficultés, la suite s'annonce palpitante. Faites vos jeux…

Crédit : © Gilles Martin Raget

On le pressentait au départ d'Istanbul hier, avec le niveau des forces en présence, la régate européenne ne tarderait pas à prendre ses droits. A y regarder les classements se succédant depuis le départ et les trajectoires des uns et des autres, force est de constater que la bande annonce est restée fidèle au scénario. Ainsi, depuis le coup de canon libérateur, les équipages n'ont-ils pas ménagé leur peine. Premier postulant à la victoire finale, Michel Desjoyeaux avait d'entrée fait valoir la hiérarchie, s'emparant du commandement de la flotte. Mais, alors que les prémices de la bataille des Dardanelles se faisaient sentir, la mer de Marmara se trouvait un nouveau héro en la personne de Kito de Pavant. Entre les hommes, la partie pouvait commencer avec comme premier juge de paix le fameux détroit. Dans un passage extrêmement réduit et alors que les six monocoques recevaient l'escorte des gardes côtes turcs, la lutte s'intensifiait, livrant un tableau dont les invités se souviendront longtemps. Malgré l'étroitesse de la zone de navigation, nulle intention chez les marins de se livrer à la contemplation, bien au contraire. A bord des monocoques, une bagarre d'empannages s'engageait, chacun exploitant au maximum la veine de vent plus généreuse au centre du détroit et évitant les pièges générés par la désertion d'Eole. A ce jeu là, tous ou presque tiraient leur épingle. En effet, si les cinq premiers faisaient leur adieux aux Dardanelles en flotte, Marc Thiercelin et ses acolytes se voyaient quant à eux contraints de profiter du paysage un peu plus longtemps que souhaité, se trouvant ainsi crédités d'une trentaine de milles de retard sur la tête de course alors occupée par Michel Desjoyeaux.

Micro météo, l'arme fatale
Depuis ce matin, les six monocoques de l'Istanbul Europa Race naviguent donc dans les eaux égéennes. Alors que dans la nuit, chacun avait cherché à prendre l'ascendant grâce à l'enchaînement incessant de manœuvres, aux premières heures de la matinée, des divergences sont apparues dans les trajectoires. Ainsi, alors que la majorité de la flotte choisissait de contourner Bozcaada par l'Ouest, Kito de Pavant et ses équipiers optaient pour un passage entre l'île et la terre. Un temps piégés par l'absence du vent, il leur fallait patienter pour en regagner les faveurs. Depuis la fin de cette matinée, la négociation de la navigation entre les îles Cyclades s'organise avec en tête les hommes de Groupe Bel. Derrière, l'espagnol Guillermo Altadill démontre qu'il est plus qu'un candidat sérieux et fait preuve d'audace en jouant un décalage à l'Est dont il espère certainement qu'il lui prodiguera plus de pression quand le vent attendu fera son entrée. Navigant en rangs relativement serrés, les cinq premiers concurrents savent que la maîtrise de la cuisine grecque ne s'acquiert pas sans un peu d'expérience et de patience. En la matière, comme en stratégie, les différents ingrédients seront à doser sans excès... Dans le dédale d'îles qui les accueille sur cette portion du parcours, la science des champs de vent n'aura pas place. Devant la chapelet de terres à négocier, certaines prenant parfois la forme de confettis, les as de la micro météo seront précieux et ceux qui sauront en manier l'art susceptibles de faire la différence. Des révélations devraient tomber...

Trouver le rythme
Alors que pour les spectateurs, le premier acte de la pièce qui se joue est à la hauteur des attentes ; pour les acteurs la grande chevauchée est lancée. Entre le début d'un parcours totalement inédit et une navigation menée dans des vents erratiques, la mer n'a laissé aucun répit aux hommes et tous l'auront confirmé à l'occasion de la vacation quotidienne. Difficile en effet de s'organiser et de gagner en repos quand les conditions sont aussi sollicitantes. Devant la nécessité d'enchaîner les manœuvres, les systèmes de quart ont volé en éclat, chacun oeuvrant sur le pont, à la barre et aux réglages. Les heures à venir, si elles n'en seront pas moins exigeantes, offriront espérons-le d'avantage de possibilité de s'accorder sur un rythme habituel. A bord, chacun le sait, la course se gagnera autant à l'inspiration et au talent qu'à la fraîcheur et la lucidité... pourvu qu'Eole leur prête repos !

Ils ont dit :
Kito de Pavant – Groupe Bel :
« Cette première nuit a été la confirmation de ce que j'imaginais. Il a fallu jouer avec des trous d'air et on s'est tous trouvés scotchés sur l'eau. Finalement, à la sortie des Dardanelles, on retrouve cinq bateaux ensemble. Cela risque d'être un match racing jusqu'à Nice. J'avais imaginé que le vent qui souffle de terre était plus fort. C'a été le cas dans le passage et puis plus rien. On a été obligés d'empanner et puis ça s'est stabilisé. Plus tard le vent est revenu de la terre. J'ai l'impression de prendre des options différentes de mes petits camarades. Je sens les coups à jouer mais je n'ai pas une grande réussite avec le vent. On tente des trucs. J'espère que ça va tourner. Nous avons beaucoup manoeuvré, surtout dans les Dardanelles. On a passé le détroit plein vent arrière, avec beaucoup de changements de voiles et d'empannages. On changeait de route sans arrêt et pour les Turcs qui surveillaient le trafic, ce ne devait pas être très compréhensible. Bon, nous sommes en tête mais l'avantage est très maigre. Il y a peu de brise thermique et notre vitesse a été parfois inférieure à deux noeuds. C'est variable et on essaie de grappiller vers le sud. Les îles de la Mer Egée sont perturbantes pour le vent et il va y avoir beaucoup d'options au milieu de cette centaine d'îles. L'équipage est fatigué, on n'a pas dormi cette nuit. Il faut s'appliquer à se reposer, manger, dormir le jour plus que la nuit. On va trouver notre rythme. De toute façon, la première journée, en général, on n'arrive pas à dormir, quelle que soit la course. »

Michel Desjoyeaux – Foncia :
« C'est assez disputé mais on a bien rigolé dans la mer de Marmara. On a vu passer des animaux qu'on voit d'habitude passer dans les champs, je veux parler de la vache de Kito De Pavant. Avant les Dardanelles, il y a eu un chassé-croisé en tête de course avec beaucoup d'empannages à faire. J'aurais bien aimé traverser les Dardanelles de jour. On a eu le coucher de soleil à l'entrée des Dardanelles, le lever à la sortie et la nuit entre temps. Depuis qu'il fait jour, on n'a pas vu grand chose, étant passé loin des îles. Il y a un peu de brouillard et il faut des jumelles pour voir les camarades. On a une direction de vent qui ressemble relativement à ce qui est écrit dans les fichiers. Cela va donner du vent, à priori, jusqu'en bas de la mer Egée avec une progression plus régulière. »

Classement du 30/08/09 à 16h :
1. : Groupe Bel 1 189,4 milles
2. : Foncia +7,1 milles
3. : 1876 +8,5 milles
4. : Paprec Virbac 2 +11,4 milles
5. : Veolia Environnement +14,5 milles
6. : DCNS +36,1 milles

Source : Istanbul Europa Race