La Solitaire du Figaro / Du plaisir et des chiffres

Très dure, mais magnifique et passionnante première étape. Voilà pour résumer l’avis général des skippers croisés sur le quai de Gijón, cette nuit et ce matin. On veut bien les croire. Côté chiffres, chacun fait ses comptes et estime ses chances pour la suite.

Crédit : Courcoux Marmara / Le Figaro

La Solitaire du Figaro serait-elle une épreuve pour grands masochistes ? Chez une catégorie d’êtres humains, il semble surtout que le plaisir soit proportionnel aux difficultés surmontées et à l’engagement consenti. Le degré d’exigence de cette première étape de 515 milles entre Le Havre et Gijón, son intérêt stratégique et ses multiples rebondissements ont fait le bonheur des 45 solitaires arrivés fourbus dans le port espagnol ce samedi matin entre 1h14 et 8h13. Ils en ont bavé, mais ils ont aimé ça. Ils n’ont jamais aussi peu dormi, se sont « cramés » à en oublier les alarmes du réveil et à halluciner. Ils ont gambergé à chaque renverse de courant et chaque caillou doublé. Ils se sont délectés de leurs bons coups et se sont surpassés pour surmonter les mauvais. Certains confessent n’y avoir rien compris mais tous évoquent une étape magnifique, magique, et même « la plus belle de leur vie ». Bien sur, de retour sur la terre ferme, l’euphorie de la fatigue et de la course retombée, ils refont leur match. Et à l’heure du déjeuner sur les terrasses du port de Gijón, vient l’heure des premiers bilans…

Ecarts : faisons le point
Une façon commode de présenter le bilan de cette première étape est de dire, comme le veut la formule convenue : « les écarts sont limités ». Sauf que c’est faux, à tout le moins incomplet. Pour résumer, c’est vrai dans la première partie du classement… et beaucoup plus sujet à caution dans la deuxième. Ok en tête : le podium tient en moins de trente minutes et les six premiers en moins d’une heure. Le tout sans préjuger de la pénalité qui sera infligée à Yann Eliès (Generali-Europ Assistance) dont le cas sera jugé à Brest. Yoann Richomme, premier bizuth (DBLC, 7e à 1h11) est, lui, au premier rang de 15 bateaux dont les retards sont compris entre 1h et 1h30 (du 7e au 21e). Parmi eux, deux autres bizuths dans le coup : Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat, 16e à 1h26) et Anthony Marchand (Espoir Région Bretagne, 18e à 1h28). Un théorème bien connu des vieux briscards de la course dit que c’est là - 1h30 - le retard maximum autorisé à l’issue de la première étape pour toujours espérer jouer la gagne ensuite.

13 bateaux à plus de 3 heures
Admettons que, dans notre légendaire bonté, nous doublions la mise et décrétions que trois heures de retard sont encore acceptables. Et bien même dans ce cas, on constate que 13 bateaux – plus d’un quart de la flotte – accusent à Gijón un débours supérieur à ces 3 heures. Parmi eux, des ténors. A commencer par le tenant du titre Nicolas Lunven (Generali) : 42e à 4h19 suite à une avarie de spi, « Nico » a compris et le dit lui-même que, sauf miracle, il lui fallait maintenant jouer les victoires d’étape et ne plus trop rêver à un doublé devenu hypothétique. Ce sera dur aussi pour l’italien Pietro D’Ali (I.Nova 3) tout près de la victoire en 2005 et qui se retrouve aujourd’hui… 35e à 3h39. Pas simple non plus pour Sébastien Josse (Vendée), héros du Vendée Globe déjà monté sur le podium de La Solitaire : 39e à 4h05. Son camarade Frédéric Rivet (Vendée 1), pourtant un très bon lui aussi, n’est pas mieux loti : 38e à 4h04.

Des favoris à la peine
On peut noter encore que des cinq anciens vainqueurs de la course, il n’y a qu’Armel Le Cléac’h (Brit Air) – et pour cause !- à s’en sortir de manière strictement idéale. Jérémie Beyou (BPI) n’était guère satisfait cette nuit d’être arrivé 14e à 1h20… Mais il est pourtant le mieux loti des « ex » : outre le cas Nicolas Lunven donc, Kito de Pavant (Groupe Bel) termine 21e à 1h29 et Eric Drouglazet (Luisina) 22e à 1h32. Voilà qui donne une petite idée de deux choses : le niveau requis d’une part - l’excellence, sinon rien – et d’autre part l’extrême difficulté de cette première étape magnifique. Personne n’est réellement battu bien-sûr et le suspense est parfaitement préservé dans la première partie du tableau au moins. Mais au-delà certains ont plus de soucis à se faire que d’autres. Cela changera-t-il leur façon de naviguer ? C’est probable. Il va falloir attaquer. A fond. Tant mieux.

Source : La Solitaire