La Route du Rhum / Paroles de marins

A quelques jours du départ, chacun peaufine les derniers détails, sans oublier de profiter des derniers moments à terre.

Crédit : AFP

Yann Guichard (Gitana 11) : « J’avais plutôt l’habitude de voir le départ de mon bureau, quand je participais au routage… "
"Gitana 11 est bien placé dans le bassin Vauban avec Côte d’Or devant et les trois sisterships « ultimes » derrière. Il y a pas mal de monde et une bonne ambiance ! Nous n’avons plus rien à faire à bord, si ce n’est installer mes affaires personnelles : l’équipe a superbement travaillé ! Et je sais ce qu’elle va vivre ces jours prochains. En fait, le plus angoissant, c’est le départ parce qu’il y a du monde sur l’eau et que nos bateaux vont très vite. Après, ce sera à moi de jouer… »« A quatre jours, ce n’est pas facile de savoir ce qui va nous arriver dessus : il y a un front, mais est-ce qu’il sera passé ou devrons-nous le traverser juste après le coup de canon ? Ce qui est sûr, c’est que nous aurons du vent de Nord-Ouest à Ouest de 25 à 30 nœuds en sortie de Manche, avec une mer formée… Ce n’est pas vraiment calé ensuite, mais on sait que nous ne subirons pas 50 nœuds dans les étraves ! Mais ce ne sera pas non plus comme il y a quatre ans. »

Crédit : M Lloyd / Oman Sail

Sidney gavignet (Oman Air Majan) : « Je suis serein parce que je me sens parfaitement prêt. "
"Je sais que je n’ai pas l’étiquette d’un des « favoris » de la classe Ultime. C’est logique. C’est ma première participation, cela fait 10 ans que je n’ai pas fait de course en solitaire (Le Figaro en 2000) et Oman Air Majan n’a pas les petits « plus » techniques qui attirent le regard des spécialistes et des pronostiqueurs. Mais j’ai confiance car personne n’est à l’abri d’une victoire dans la Route du Rhum ! Dans une course en équipage, comme la Volvo que je connais bien, le bateau est mené à 100% de son potentiel technique. Les bateaux les plus performants sont donc presque assurés de la victoire. C’est différent dans une course en solitaire. Les différences techniques sont aplanies parce qu’un solitaire ne peut pas tirer 100 % du potentiel technique de son bateau. La différence se joue donc au mental, au physique et à la confiance dans le bateau. Sur ce dernier point, j’ai une confiance absolue dans Oman Air Majan sur lequel je navigue depuis 8 mois presque sans interruption. Est-ce que cela va suffire pour combler le déficit de vitesse indéniable que j’ai parce mon bateau n’a pas de foils ni de mât basculant ? Verdict dans deux semaines.»
Crédit : J.Y. Nicolas CMB


Nicolas Troussel,  (Crédit Mutuel de Bretagne)  : « j'en ai toujours rêvé de cette course "
" J'ai décidé de passer toute la semaine ici contrairement à certains skippers qui sont rentrés chez eux. Ça fait parti de notre métier aussi et puis je vais être seul pendant quinze jours, donc c'est plutôt sympa de recevoir le soutien des amis et du public. J'essaye de m'accorder chaque jour un peu de temps pour aller courir sur la plage ou sur les remparts, c'est magnifique ! Et tant que c'est possible, je m'accorde une petite sieste en début d'après-midi, ça fait du bien aussi de prendre un peu de recul sur la course, sur toute cette effervescence... »
Crédit : Y Zedda / Foncia

Michel Desjoyeaux (Foncia): « Entre 11 et 13 jours de course… J’ai embarqué 14 jours de nourriture ! »
« Le parcours se divise globalement en trois parties et demie. Il y a la portion côtière du début pour sortir de la Manche avec pas mal de courant, d’algues et de trafic. Cette phase est rapide, elle dure une douzaine d’heures. Une fois sorti de la Manche, il faut quasiment prendre une décision pour la deuxième partie du parcours : soit affronter le régime perturbé d’ouest, c’est à dire choisir la face nord (qui est aussi le chemin le plus court), soit plonger au sud le long du Portugal pour aller chercher plus bas des alizés, en espérant ne pas avoir à descendre trop bas, jusqu’aux Canaries. La route est plus longue, il faut donc espérer être proportionnellement plus rapide. Troisième partie : le tapis roulant des alizés. Pour rejoindre ces vents portants et parfois soutenus, la difficulté pour les partisans de la route nord sera de traverser l’anticyclone des Açores. Ensuite, c’est une course de vitesse jusqu’à l’approche de la Guadeloupe. Le dernier morceau est le contournement de l’île par le nord avec un risque de trouver de la pétole sous le vent. En pratique, le classement est souvent scellé dès le nord de l’île. »

Crédit : Nicolas Michon /AKENA Vérandas

Arnaud Boissières (Akena Vérandas), la pression grimpe doucement mais surement  :
« Je regarde la météo tous les jours de plus en plus précisément et je fais un point quotidien à distance avec Gérald Véniard. Ça me permet de me mettre dans le bain pour des choix stratégiques jusqu’à J+4 (mercredi 3 novembre, ndlr). Ce n’est vraiment pas simple. La dépression se déplace et les modèles ne disent pas la même chose. On peut partir dans 10 nœuds de vent au portant ou avoir 20 nœuds d’ouest au départ avec un 30 nœuds bien chargé au passage d’Ouessant. En attendant d’être fixés, on s’attend à de la brise et le bateau est préparé en fonction. Les voiles de brise sont prêtes alors que les spis sont bien rangés puisqu’on risque de ne pas les utiliser tout de suite. Il faut veiller à ce que tout soit bien attaché à bord. Si c’est un départ au près, il faudra donc tirer des bords avec une contrainte importante qui est le trafic maritime. En Manche, que ce soit en course ou en convoyage, il faut être très vigilant, une collision est très vite arrivée. »

Sources : Foncia, Akena Vérandas, Crédit Mutuel de Bretagne, Gitana Team et Oman Sail