Transat Bénodet Martinique / Erwan Tabarly à 438 milles de l'arrivée

L'influence néfaste de la dépression installée au Nord des Antilles n'aura donc pas soumis les marins de la Transat Bénodet - Martinique à la roulette russe comme imaginé il y a quelques jours. En lieu et place des grands chambardements envisagés, ces dernières 24 heures ont permis au trio de tête de consolider son échappée. Tirant finalement parti du ralentissement général pour recharger les batteries en prévision de l'arrivée à Fort-de-France, les leaders affichent une forme propre à aiguiser la perspective d'un final haletant. Alors que l'alizé annonce un retour pour la journée de demain, Erwan Tabarly (Nacarat) a repris le commandement des opérations de cette mission à grande vitesse sur l'Atlantique, devant Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) et Thomas Rouxel (Bretagne - Crédit Mutuel Performance).

Crédit : A Courcoux

L'histoire de la course au large et tous les amateurs de belles aventures salées se souviennent forcément de la première édition de la Route du Rhum. C'était en 1978 et Pointe-à-Pitre accueillait avec les honneurs le vainqueur, Mike Birch, engagé sur un multicoque, et son dauphin pour 98 secondes, Michel Malinovski, à bord d'un grand monocoque. C'était il y a trente trois ans et déjà la confrontation des marins avec l'Atlantique et les 23 jours pour passer d'un continent à l'autre, suscitaient l'admiration et le respect. Depuis le 10 avril dernier, les concurrents de la Transat Bénodet - Martinique sont en train d'écrire une autre page du grand livre des épopées hauturières. Ainsi, alors que les estimations d'arrivée s'affinent de jour en jour et annoncent le premier solitaire pour la fin de journée du 27 avril (heure de Paris) en Martinique, le chronomètre s'emballe. Défiant toutes les prédictions, les figaristes sont sur le point de nous offrir un finish aussi serré que Birch et Malinovski en leur temps, et un temps de parcours de dix-sept jours... à bord de bateaux deux fois plus petits que celui du regretté skipper de Kriter V ! Certes, il conviendra, à l'heure des bilans, de remettre les choses dans le contexte d'une saison, de moyens différents pour les deux évènements et surtout d'une météo particulièrement favorable entre le Finistère et Fort-de-France cette année. Il n'empêche que ce que les hommes et la femme de cette course sont actuellement en train d'accomplir est au delà de ce que l'on aurait pu imaginer il y a quelques mois et que preuve est encore une fois faite du caractère Ô combien complet et minutieux de leur préparation.

La flotte en 30 heures
Néanmoins, si l'on est sûr et certain d'avoir affaire à des marins aussi valeureux que talentueux, une question reste posée : qui l'emportera ? En la matière, les prétendants ne manquent pas et trois d'entre eux ont, depuis quelques heures, pris une sérieuse option. "Privés" d'une redistribution des cartes toujours possible au moment du passage d'une dépression orageuse, les poursuivants ont ainsi vu le trio infernal prendre la poudre d'escampette. Touchés par les quelques grains venus semer le trouble ces dernières heures, tout juste Erwan Tabarly, Fabien Delahaye et Thomas Rouxel auront-ils eu la "décence" de se trouver parfois un peu gênés aux entournures. Mais les milles perdus par l'un ou l'autre, n'auront pas laissé au peloton la possibilité de recoller au classement. Dans moins de douze heures environ, les alizés seront de retour et avec eux l'établissement d'un flux de secteur Est qui devrait accompagner l'ensemble de la flotte jusqu'à l'arrivée. Entre temps, confrontés à un vent de Nord Est et donc dans l'axe de la route, les solitaires devront placer de la manière la plus judicieuse qui soit quelques empannages. A ce jeu là, aucune erreur ne devra être commise pour rester devant. Derrière, on misera sur quelques grains attardés d'ici à la fin de cette journée pour espérer relancer le jeu. On le sait, il faudrait vraiment envisager un tassement général et a priori improbable pour permettre de donner un nouveau départ. Mais quand on sait que la "traine" qui a piégé Nicolas Lunven (Generali) hier, lui a fait perdre de très précieux milles, on se dit que tout peut arriver. Quoi qu'il en soit, avec ou sans chamboulement global, avec 330 milles d'écart entre Erwan Tabarly et Yannig Livory (One Network Energies), il faut s'attendre à une arrivée très groupée et à 30 heures de fête non-stop sur les pontons martiniquais...

Ils ont dit...

Erwan Tabarly (Nacarat)
"Ca va très bien. La nuit a été plutôt calme par rapport à d’habitude, un peu moins d’activité sur le pont. J’ai pu me reposer un peu donc ce n’est pas plus mal. Il fait jour depuis à peu près deux heures. On a encore un ciel avec des nuages et quelques grains mais beaucoup moins que d’habitude. Les grains ont beaucoup moins d’activité, donc ça passe par-dessus la tête. On a quelques bascules de vents et 2-3 nœuds de vent en plus, mais pas comme hier où on avait carrément 25 à 30 nœuds de vent sous les grains et puis de la pluie. Ce n’est pas encore le grand ciel bleu, il y a des nuages mais on peut dire qu’il fait quand même beau.


Je les (Thomas Rouxel et Fabien Delahaye) voyais hier soir, on était vraiment pas loin les uns des autres sauf que dans un grain, le dernier de la soirée, j’ai gardé le spi volontairement assez longtemps. Ca m’a éloigné un peu de la route mais ça m’a permis de gagner un peu dans l’Ouest. Thomas Rouxel par exemple était obligé d’affaler. Il était dessous et est remonté sous génois. Du coup on s’est un peu retrouvé, j’étais quand même un peu devant mais on était à vue hier. A un moment donné, on avait les trois bateaux dans un cercle de 4-5 milles nautiques. On se voyait, on discutait, c’était sympa


On ne s'est pas vraiment posé de questions pièges. On était surtout là pour discuter, c’était sympa de se retrouver. On a parlé un peu la course, de ce qui nous était arrivé, comment on avait vécu la course chacun de notre côté. Après, on a abordé d’autres sujets de conversation dans la bonne humeur et sans trop de langue de bois j’avais l’impression.


Ca a un côté sympa, mais maintenant j’aime autant faire ma route sans regarder ce qu'il se passe à côté pour ne pas trop m’influencer. J’étais plutôt content de m'être décalé encore un petit peu, mais bon c’est plutôt sympa de se voir.


On rêve de manger un bon petit repas, manger des fruits. aux Antilles il y à beaucoup de fruits exotiques donc c’est assez sympa de manger une part d’ananas ou de mangue fraiche, une salade de fruits. Quand ça s’arrête, la pression retombe un petit peu. Là, on bataille pour la première place donc il y a quand même un peu de tension. On fait tout pour que le bateau avance vite, on est très concentré quand ça s’arrête, on est content d’être un peu au calme".

Thomas Rouxel (Bretagne - Crédit Mutuel Performance)
"Il fait beau, le soleil s’est levé, on a eu quelques grains ce matin qui nous ont emmenés plutôt de la molle. Ils sont entrain de se dissiper plus ou moins, mais on n’est pas à l’abri d’en toucher encore. Il fait chaud, nous sommes au portant, on n’a pas trop de vent, environ 10 /12 nœuds. Je suis à côté de Fabien et pas très loin d’Erwan.
Nous sommes très proches, mais je n’ai pas trop le choix, la situation est telle qu’on doit faire avec. J’aurai préféré être 15 milles devant tout le monde, mais je préfère être là au contact, plutôt que 15 milles derrière.
Ca va nous donner un finish intéressant, les positions évoluent pas mal, chacun a ses temps forts. On ne va pas rester très loin les uns des autres jusqu’à l’arrivée. On verra si des écarts se creusent. Sinon autour de l’île, on pourra essayer des petits coups pour l’emporter.
On a regardé avant le départ ce tour de l’île pas le Sud, mais j’ai aussi regardé hier : l’heure à laquelle on arrive, la force du vent … C’est un parcours rapide, à peine 25 milles, mais on sera sous le vent de la Martinique et donc sujets aux dévents. Ce sera surement un peu foireux, peut-être plus faible, c’est une situation qu’on redoute, mais on verra comment ca va se passer.
Avec l’expérience, on sait que le pire de tout serait de ne pas dormir et de craquer au final. Là, on perdrait beaucoup. A se reposer, on sait qu’on va perdre un peu mais ça fait partie du jeu. Ca peut permettre, bien reposé, de revenir plus tard quand d’autres se reposent. Faut l’accepter et ne pas perdre la tête à cause de quelques milles perdus et surtout rester concentré.
A l’arrivée, on a envie de retrouver les proches qui nous ont soutenus. Comme il fait chaud on a envie de choses fraîches, un bon repas, une bonne salade ou alors une bonne viande même si ce n’est pas frais. Ca me manque ! Et puis on a envie de se reposer, depuis le départ on n’a rien lâché, mis à part hier soir. On en a profité, c’était bien la première fois depuis le début de la course. On a envie de relâcher la pression, je redoute un peu de l’effet que ça fait après vingt jours !"

Classement au 24/04/2011 à 19:00
1 Erwan Tabarly NACARAT à 438.5 milles du but
2 Fabien Delahaye PORT DE CAEN OUISTREHAM à 2.7 milles du leader
3 Thomas Rouxel BRETAGNE - CREDIT MUTUEL PERFORMANCE à 3.0 milles du leader
4 Nicolas Lunven GENERALI à 13.8 milles du leader
5 Jeanne Grégoire BANQUE POPULAIRE à 29.0 milles du leader
6 Romain Attanasio SAVEOL à 48.5 milles du leader
7 Eric Peron MACIF 2009 à 97.9 milles du leader
8 Francisco Lobato ROFF à 146.6 milles du leader
9 Anthony Marchand BRETAGNE - CREDIT MUTUEL ESPOIR à 149.4 milles du leader
10 Gildas Morvan CERCLE VERT à 173.1 milles du leader


Source : Transat Bénodet Martinique