Vendée Globe / Armel Le Cléac'h en tête à Bonne Espérance, les marins fatiguent

Après avoir été mis en ballottage lors du contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène, Armel Le Cléac’h a remis les compteurs à zéro en passant en tête la longitude du cap de Bonne Espérance à 12h48 (heure de Paris). Il établit un nouveau temps de référence entre Les Sables d’Olonne et Bonne-Espérance en 22 jours 23 heures 48 minutes et bat ainsi les 24 jours 2 heures 18 minutes de Vincent Riou en 2004.
 
Armel Le Cléac'h a repris les commandes du Vendée Globe et prend un record au passage.
Credit : A.Le Cléac'h/Banque Populaire

" On est allé vite, raconte le skipper de Banque Populaire. Même encore la nuit dernière… Tenir des moyennes de plus de vingt nœuds, c’est quelque chose. Mais les conditions étaient propices avec une mer ordonnée et un vent assez stable. Là j’ai franchi la longitude du cap de Bonne Espérance ce lundi à 12h 48 (heure française) et nous avons maintenant 1 000 milles à couvrir pour atteindre la prochaine porte de Crozet. "

La « petite pause » de ce lundi midi ne devrait pas durer très longtemps : une nouvelle dépression pointe son front dès ce soir et le tempo va encore être très élevé. La difficulté s’annonce pour demain mardi quand la bascule du vent aura lieu brusquement sous les grains, du secteur Nord-Ouest 25-30 nœuds au Sud-Ouest 30-35 nœuds. La mer risque fort d’être très difficile à négocier et Armel Le Cléac’h se prépare déjà à ce passage de front violent.

« Le vent adonne déjà vers l’Ouest et ça va de nouveau accélérer. La trajectoire s’annonce plutôt rectiligne vers la prochaine porte mais il ne va pas falloir se tromper de configuration de voilure quand le front va nous passer dessus. Ce n’est pas sur cette tranche de parcours que nous allons nous départager. C’est plutôt ensuite quand l’anticyclone va s’installer sur la porte de Crozet. Il faut avant tout préserver le matériel. Mais en ce moment, ça va bien : les températures restent douces, la mer n’est pas trop formée et le bateau file vite vers le but. »


Jean Le Cam revient sur sa plongée sous son bateau :"Je peux vous dire que j’étais content de remonter !"
« Sacré moment d’émotions. Je suis quand même tout seul au milieu de nulle part, dans de l’eau froide et il faut que je me jette à l’eau pour plonger au bout de la quille qui fait 4m50. Ce n’est pas anodin quand tu réfléchis bien. Avant de le faire, j’ai hésité. J’ai pensé et repensé la manœuvre pour ne pas laisser place à l’improvisation. Il m’en est arrivé des aventures sur un Vendée Globe mais pas celle-là. Je peux vous dire que j’étais content de remonter !  Quand je suis remonté, j’étais heureux, c’est pour cela que j’ai filmé. C’était tellement un moment exceptionnel et je crois que ça se voit dans les vidéos. Après tant d’émotions, j’ai pris un café, je me suis posé 5 minutes, le temps de réaliser ce que je venais de faire. C’était une vraie libération. Rapidement, j’ai fait en sorte de reprendre ma route et la course. J’ai dû remonter la grand-voile et en solitaire, c’est compliqué car il faut la guider. J’ai dû mettre 20 minutes pour la hisser, ce qui au final était assez rapide. Et puis j’ai repris ma route et ranger le bordel, les cordages du cockpit … Il faut que je me recale par rapport à la marque des Aiguilles car sinon je ne vais pas faire la porte. Donc j’ai quelques empannages à réaliser… »

Jean-Pierre Dick :"Ne pas être obsédé par la rapidité du bateau"
« La mer est très hachée et agitée avec un vent extrêmement instable et des claques de vent qui monte à 27 nœuds. Les conditions sont fatigantes, il faut toujours être sur le pont à régler, c'est difficile de se reposer. Depuis ce matin, ce n'est pas jouasse à bord. C'est toujours stressant quand les conditions météo changent.  Avec Armel (Le Cléac'h) et François (Gabart), c'est un peu la course dans la course. On a toujours envie de faire mieux que les petits camarades d'à côté. Comme on a un jugement de paix toutes les 4 heures (ndlr : le classement) cela nous met un peu la pression. Cependant il faut toujours agir en bon marin et ne pas être obséder par la rapidité du bateau. Je vais essayer d'éviter au maximum le centre de l'anticyclone. Je vais jouer avec lui. Cette nuit je devrais pas mal manœuvrer à bord de Virbac-Paprec 3. »

Bernard Stamm :"C’est éreintant"
" Je file sous spi dans 21 nœuds de vent avec des bouffes à 25 nœuds et des “molles” à 18 nœuds. Le vent est instable en force et en direction, c’est un travail de tous les instants. Surtout sous spi, il faut être dessus. Il fait beau, le vent adonne et a l’air de se renforcer. Je prépare mon futur empannage d’ici cette nuit. C’est tonique, le bateau marche bien, mais il est vraiment exigeant. J’enchaîne les manœuvres c’est éreintant. Tu attaques une manœuvre et deux heures après tu es encore en train de ranger. Heureusement la nuit dernière j’ai pu me reposer un peu. J’ai vu mon copain Al Batros, plusieurs même. Mais ce matin il y en avait un beau vraiment près. C’est toujours impressionnant. Ils sont limites énervants, car ils ne font pas un mouvement et ils vont plus vite que toi."

Arnaud Boissières :"Maintenant, il faut aller droit et rattraper le temps perdu."
« Ça va super bien. J’ai retrouvé du vent depuis cette nuit. J’ai un peu de soleil et j’approche des mers du sud. C’est que du bonheur. Les conditions sont plus adaptées au bateau à voile que ce que j’ai eu avant. Hier, j’ai eu les dauphins autour de moi pendant 2 – 3 heures, c’est peut-être annonciateur. Sainte Hélène m’a laissé le temps de faire le tour du bateau. La vérification est faite, maintenant, il faut aller droit et rattraper le temps perdu. C’est super dur de voir le paquet de trois qui avance entre 15 et 20 nœuds et moi qui était à 3 nœuds. C’est dur mais ça fait partie des choix que j’ai fait. Psychologiquement, c’est dur mais la prochaine fois, ce sera peut-être pour moi. J’ai vu plein d’oiseaux et certains ressemblent à des albatros. J’ai hâte parce qu’on ne voit pas souvent dans une vie. »

Classement à 16 h
1 - Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) à 17873.1 milles de l’arrivée
2 - Jean Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) à 45.6 milles du leader
3 - François Gabart (MACIF) à 66.6 milles du leader
4 - Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 108.4 milles du leader
5 - Alex Thomson (Hugo Boss) à 187.9 milles du leader

Sources : JP Dick / Banque Populaire / Jean Le Cam / Akena Vérandas / Poujoulat