Sans assistance, principe fondateur du Vendée Globe, vient d'être précisé par l'organisation dans l’Avis de course

"Redéfinir certaines choses." En solitaire, sans escale et sans assistance sont les trois piliers du Vendée Globe. Le dernier des trois principes fondateurs vient d’être précisé et largement détaillé dans l’avenant n°3 de l’Avis de course publié ces derniers jours. Décryptage.  


Crédit : G Lebec


Jusqu’à présent condensée en une vingtaine de lignes assez généralistes, le principe de « Sans assistance » est aujourd’hui décliné en 7 articles très fournis.

Les limites de la non-assistance bougent avec les nouvelles capacités qu’ont les marins de communiquer avec la terre, avec les technologies embarquées, toujours plus pointues, toujours plus connectées et, en résultante, avec la nature des informations qui pourraient être échangées.

Redéfinir les limites

Aujourd’hui, les communications satellite permettent de transmettre instantanément toutes sortes de données. Voix, images, textes, datas provenant de la machine ou de l’homme, vont directement de la mer au plancher des vaches, que l’on soit près des côtes ou en train de doubler le point Nemo au milieu du Pacifique Sud. Les marins communiquent avec leur famille, avec leur équipe, avec la direction de course du Vendée Globe, avec les journalistes, leurs partenaires, pour nous faire vivre leur épopée, partager leurs émotions, mais aussi pour des motifs médicaux ou techniques, des impératifs de sécurité. 


Contraire à l’esprit

Côté terre, les teams suivent 24/24 la progression de leur IMOCA et veillent à la sécurité de leur skipper. Techniquement, il leur serait également possible de récupérer en temps réel les données du bateau (conditions de navigation, vitesse, cap, capteurs de charges, de tension, réglages etc), des paramètres concernant l’état de forme de leur skipper (rythme cardiaque, sommeil, dépense énergétique) et d’émettre des conseils. 

Plus encore, il est aujourd’hui possible de mettre à jour, à distance, les logiciels de navigation du bord, de prendre la main sur les pilotes automatiques, bref, d’être potentiellement un soutien pour la performance et la stratégie. Ce qui serait contraire à l’esprit du Vendée Globe.


Nécessaire de préciser les limites de la non-assistance

« Il devenait donc nécessaire de préciser à nouveau les limites de la non-assistance, fondée jusqu’alors essentiellement sur l’interdiction de recevoir une aide météo extérieure », explique Jacques Caraës. Le chapitre 4.3 des fondamentaux du Vendée Globe s’est largement densifié. « C’est une question tellement vaste, poursuit le Directeur de course. C’est un texte qui ne sera jamais totalement parfait et sur lequel il est toujours très facile de polémiquer ». 


Le droit de faire ou de ne pas faire 

Les navigateurs eux-mêmes se sont érigés en gardiens du temple. « La demande est venue directement des coureurs de la commission sportive de la classe IMOCA. Ce sont eux qui, cet hiver, ont sollicité la direction de course du Vendée Globe et Christophe Gaumont, le Président du Comité de course pour réviser cet article fondamental des règles du Vendée Globe, raconte Jacques Caraës. Cela nous a amenés à redéfinir certaines choses. Le texte d’origine était suffisamment large pour avoir des interprétations différentes selon les teams. Il fallait que l’on clarifie tout cela pour que chacun sache ce qu’il a le droit de faire ou de ne pas faire. »

Sept articles passent au crible le principe de non-assistance : généralités, routage et météo, aide à la performance, aide médicale, conseil technique à distance, communication, accès à mouillage.


4.3.1 Généralités
Nouveauté : il est cette fois formulé la règle selon laquelle tout ce qui n’est pas explicitement autorisé dans l’article 4.3 (non assistance) est interdit. Ce qui ouvre à l’infini le champ des interdictions, en plus de celles formellement écrites dans chacun des alinéas.

4.3.2 Routage et Météo
Même esprit que sur les éditions précédentes : interdiction formelle de recevoir une aide météo personnalisée et/ou un routage extérieur. La liste des outils de requête météo et des logiciels couramment utilisés par les marins pour faire leur route doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la direction de course.

4.3.3 Aide à la performance
Ce nouveau chapitre est le grand changement de cette édition 2020. Toutes les données qui sortent en temps réel ou différé du bateau (comme décrites plus haut) doivent être publiques. Une équipe ne peut les utiliser pendant la course à titre privatif et il est formellement interdit d’en tirer des conseils qui influeraient sur la performance ou la stratégie d’un bateau. Il est évidemment proscrit de prendre en main, depuis la terre, des logiciels embarqués ou de redéfinir des calculs. Une vingtaine de lignes insiste sur ces interdits.

4.3.4 Aide médicale
Les principes restent les mêmes qu’auparavant. Seuls le médecin officiel de la course, le Centre de Consultation Médicale Maritime de Toulouse et le médecin personnel du skipper, déclaré dans son dossier d’inscription, sont autorisés à fournir une aide médicale.

4.3.5 Conseil technique à distance
On se souvient de l’épisode du redémarrage du moteur de PRB en 2001, en plein océan Pacifique, à l’aide de poulies et d’un empannage bien senti. L’astuce avait été imaginée par l’équipe technique de Michel Desjoyeaux, alors dirigée par Vincent Riou. Sans ce coup de pouce, Michel Desjoyeaux, futur vainqueur de cette édition, n’aurait peut-être pas pu poursuivre sa course, faute d’énergie pour alimenter ses instruments de navigation. Le support technique à distance - communiquer une méthode, un mode de réparation pour une pièce cassée ou endommagée - reste autorisé. Si cette autorisation peut déplaire aux puristes de la non-assistance, elle n’enlève rien au fait que le marin doit se débrouiller seul pour effectuer une réparation parfois très compliquée, voire périlleuse, et qu’il n’est jamais certain d’y parvenir.

De plus, cette « hotline » doit rester purement technique, comme l’explique Jacques Caraës. « Si tu déchires ton gennaker, ton équipe à terre a le droit de te dire comment le réparer. En revanche, elle n’a pas le droit de te dire quand le faire (en fonction de la météo par exemple) ou quelle trajectoire tu dois suivre, encore moins de redéfinir les polaires de ton bateau. Là, ce serait de l’assistance à la compétition, de l’aide à la performance. C’est au skipper de faire ses choix en fonction de ses avaries et de s’adapter lui-même. Si on allait plus loin, admettons que la vitesse d’un bateau soit dégradée. Ton équipe ne peut pas te dire : ‘Tu es sûr que ça va ? Tu es sûr que tu as la bonne voile ?’ »…

4.3.6 Communication
L’article énumère le type de communications, les moyens et les interlocuteurs autorisés. L’historique de consultation des sites Internet doit être conservé jusqu’à la fin de la course.

4.3.7 Accès à mouillage
Le texte est inchangé par rapport à sa version précédente. Il est possible de mouiller ou de s’amarrer sur un coffre par ses propres moyens pour se mettre à l’abri ou effectuer une réparation. Sans assistance extérieure. En revanche, pas de relâche dans un port ou à couple d’un navire, ni de débarquement à terre au-delà de la limite de la plus grande marée haute.


Cet amendement a été soumis aux principaux intéressés il y a une dizaine de jours. Avant le départ, skippers et teams managers signeront une déclaration sur l’honneur pour le respect de ces règles de course.

Source : Vendée Globe