Les mots de Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe : "Les planètes se sont alignées"

Ce jeudi matin, le trophée du Vendée Globe sur la table, Yannick Bestaven est revenu sur son épopée. “ Merci pour l’accueil ! Elle est exceptionnelle, cette arrivée, malgré les conditions sanitaires. En temps de Covid-19, elle est formidable, tous les efforts que vous avez faits."


Credit : Jean-Louis Carli/Alea/Maitre Coq 


Je me suis pris au jeu

 "Mon objectif était déjà de terminer le Vendée Globe. En 2008, j’avais demâté, c’est une frustration que j’ai eu du mal à supporter pendant longtemps, ça a été dur. 

Je partais avec l’objectif de terminer ce Vendée Globe, et plutôt bien parce que j’avais toutes les cartes en mains : un super partenaire, une équipe professionnelle autour de moi, un bon bateau, de l’expérience, de la maturité. 

 Quand j’ai pu prendre la tête, je me suis vraiment dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose. Au fur et à mesure de la course, je me suis pris au jeu. Il y a eu des abandons, des casses. Ça fait partie du marathon. Quand j’étais devant le Brésil à perdre mes 400 milles d’avance, je n’y croyais plus du tout. 


La clé, c’est peut-être une bonne préparation en amont

Je suis parti très serein. Je savais ce que cela représentait de faire le tour du monde en solitaire, que c’était dangereux et risqué. Je suis parti sans stress dans les meilleures conditions. La semaine avant le départ, j’ai bien décompressé, j’étais zen. Mon partenaire ne m’a jamais mis la pression”. 

Les planètes se sont alignées quand j’ai rencontré le patron de Maître CoQ, puis j’ai rencontré Bilou. On a fait un mélange entre Bretons et Rochelais, et ça a bien fusionné. On a monté une équipe formidable. J’espère qu’on va continuer ensemble. 


Préparation mentale

 La préparation mentale, au début, ce n’était pas mon premier axe. Je ne mettais pas ça au premier plan par rapport à la préparation du bateau. J’ai fait l’impasse sur certaines voiles, car je n’avais pas de rallonge de budget. J’ai compris que le Vendée Globe n’était pas qu’une course de vitesse pure, mais aussi une course mentale. J’ai fait cette préparation et ça m’a transformé (rires)”. 


Plus les heures passaient, plus je pensais que c’était fini

"Le naufrage de Kevin (Escoffier) m'a remué. Il y a eu une vidéo le lendemain, c’était même un peu trop tôt pour en parler. J’ai mis du temps à me remettre dans la course après ça. 

Quand la direction de course m’appelle, elle me demande si je me sens prêt à rejoindre Jean. La réponse était évidente. Il fallait faire demi-tour, naviguer au près. J’ai appelé Jean, dépité car il avait perdu Kevin de vue. Il a eu très peur à ce moment-là. 

On a passé une nuit en enfer, ça a duré jusqu’au lever du jour. Tu es sur le pont à chercher un copain dans un radeau de survie. Il y avait de la mer, j’avais trois ris… J’avais déjà froid et je me disais que lui était dans son radeau. 

Plus les heures passaient, plus je pensais que c’était fini. Quand on a eu la nouvelle de son sauvetage, j’ai vraiment mis du temps à me remettre en route. J’ai eu peur pour lui, pour nous tous aussi, car si son bateau avait cassé, pourquoi le notre ne casserait pas aussi ? Ce fut un moment difficile.". 


Je ne voulais pas réduire la toile

 " Déjà, il y a l’option Nord que je prends pour passer à l’Ouest des Açores. Ce qui m’a redonné confiance après avoir perdu tant de milles. J’avais de gros soucis de voile depuis le cap Horn. Sur le bord de reaching qu’on fait, je suis sous J3 au lieu de J2 et, en fait, j’ai réussi à tenir. Et j’ai repris confiance. 

J’avais la garde-robe pour aller dans des vents forts, c’était donc la seule chose que j’avais à faire si je voulais revenir. A des moments, je disais que j’étais surtoilé, mais je ne voulais pas réduire. Le bateau allait bien, j’arrivais à dormir. Quand tu remontes au fur et à mesure, c’est jouissif”. 


Le moment inoubliable, c’est le cap horn en tête

Ca été fort car je sortais de conditions météos compliquées. J’ai hésité à ralentir pour laisser passer la dépression. J’avais 200 milles d’avance sur Charlie, je crois, et donc je me suis dit qu’il ne fallait pas que je ralentisse. Je n’ai jamais vu de mer aussi grosse que les 24 heures avant le cap Horn. Il y avait quasiment 10 mètres, je pense. 

En enfournant dans les vagues, j’ai explosé mon balcon avant. Je partais dans des surfs à plus de 32 nœuds, et j’ai fait des arrêts “buffet”, à finir dans les cloisons depuis la banette.”. 


 Petits foils ou grands foils ? 

J’ai gagné avec des petits foils, mais ce n’est pas une raison pour garder des petits foils. Je sais qu’il y a eu plein de débats. Les bateaux avec des grands foils ont beaucoup cassé. Mais d’autres sont encore dans le coup : l’Occitane en Provence va très bien. Il faut voir ça comme un turbo, parce que tu peux pas les utiliser tout le temps. 

Dans le sud, on ne pouvait pas aller plus vite, mais quand les conditions sont réunies, c’est vraiment un accélérateur. Il ne faut pas négliger la fiabilité de ces foils. Il va falloir réfléchir avec l’IMOCA comment ne pas avoir de voie d’eau si on arrache un foil. Les bateaux doivent rester insubmersibles. Mais c’est sûr que les grands foils sont la solution ”. 


 J'ai remercié Charlie Dalin 

“J’ai félicité Charlie pour sa très belle course. Il s’est battu pour couper la ligne d’arrivée le premier. Je l’ai remercié aussi pour sa réaction, il a réagi comme un vrai sportif, malgré les polémiques qu’on a pu entendre. Il a coupé la ligne d’arrivée premier en temps réel, il est deuxième en temps compensé. Je lui ai dit que, dans quatre ans, ce serait lui qui l’emporterait le trophée et qu’il est lourd !"

 Par la rédaction

Source : VG