Armel Tripon, skipper de l'Ocean Fifty Les P’tits Doudous : "Le niveau est très homogène, c’est très ouvert !" - ITW

 

« La météo est favorable et le jeu est très ouvert ! » Sept Ocean Fifty, prendront le départ de la Transat Jacques Vabre dimanche 7 novembre devant Le Havre. Et le niveau, élevé dans cette catégorie rapide, est si homogène que les sept duos peuvent gagner ! Parmi eux, Les P’tits Doudous sera mené par les skippers nantais Armel Tripon et Benoît Marie. Ils analysent la météo et les forces en présence.

 

Crédit : P Bouras

Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures du départ de cette Transat Jacques Vabre, la plus grande course de l’année, qui va vous emmener de l’autre côté de l’Atlantique à bord de votre trimaran Les P’tits Doudous ? 

Armel Tripon : « C’est super chouette d’être là, parce que ce n’était pas gagné il y a encore quelques semaines. Le bateau a démâté en août, c’était une course contre la montre de réussir à être au départ. On est contents avant même que la course commence ! C’est ma 22e traversée de l’Atlantique et c’est toujours aussi excitant. On est au départ grâce à l’association de nombreux partenaires regroupés sous les couleurs de notre bateau, on a très envie de bien faire. On n’est pas des têtes brûlées avec Benoît : on sait qu’il faut d’abord arriver. La météo semble plutôt favorable pour prendre un départ rapide et spectaculaire, mais pas dangereux. Tout va bien ! »

Benoît Marie : « C’est ma troisième traversée de l’Atlantique, mais ma toute première Transat Jacques Vabre… Je suis à bloc ! Cela fait des années que j’attends ce moment-là. Je suis à quelques heures de réaliser un rêve de gosse, c’est trop bien ! Avec Armel, on avait tellement la tête dans le guidon ces derniers mois que je ne réalisais pas vraiment, je n’avais pas le recul. Mais maintenant ça y est : le fait d’être ici au Havre avec tous ces bateaux magnifiques, tous ces skippers, c’est génial. Cette fois on y est, on est dans le concret de l’avant départ d’une grande course, et j’ai hâte de partir ! »

 

Votre trimaran Les P’tits Doudous avait démâté au mois d’août. Vous avez réussi à récupérer le mât en mer, le réparer et le réinstaller sur le bateau. Partez-vous en confiance, malgré tout ? 

Armel Tripon : « On a réussi à réparer, à remâter, il n’y a aucun problème sur ce sujet ! Et parce qu’ils sont renforcés, les mâts réparés sont souvent plus solides que les mâts neufs ! On part en totale confiance. Les quelques navigations que nous avons pu faire nous ont pleinement rassurées. Pendant le convoyage vers Le Havre, on a poussé le bateau à 35 nœuds au vent de travers, sous le Cotentin sans problème ! Et puis, pendant que le mât était en réparation nous avons beaucoup travaillé sur la plateforme pour la rendre plus ‘safe’. On a retravaillé le safran central, ajouté un degré de quête au mât ce qui rend le bateau plus stable. On a aussi maintenant un petit gennaker de capelage. Pour résumer, le bateau est beaucoup plus stable et plus sécurisant qu’il y a quelques mois. Il a beaucoup évolué par rapport au printemps dernier, quand nous l’avons récupéré. »
 
Benoît Marie : « En totale confiance ! Je suis d’accord avec Armel : on a bien fait évoluer le bateau et on part sereins. On a le bateau bien en mains. On a fait quelques milliers de milles ensemble à bord, mine de rien, on ne débarque pas ici au Havre par hasard ! Et puis Armel et moi nous sommes en phase sur la manière de naviguer. On ne se laissera pas entraîner dans un rythme qui ne nous conviendrait pas. On fera notre propre tempo. »

 

A quelle météo vous attendez-vous pour le départ et les premiers jours de course ? 

Armel Tripon : « On est en situation anticyclonique, avec un anticyclone qui fait barrage aux dépressions, qui sont évacuées vers le nord. Les conditions de départ dimanche sont très favorables et ça devrait être spectaculaire car ça va aller très vite sur toute la Manche, dans un vent de nord-ouest de 15 à 20 nœuds. On sera au près jusqu’au Cotentin puis au reaching jusqu’à Ouessant. Ensuite le vent mollit et il y a un axe de dorsale (vents faibles) à négocier. Si on arrive à glisser sous cette dorsale pour faire route directe vers l’Espagne, c’est le scenario idéal. Si ce scenario se confirme on est au cap Finisterre dès mardi. C’est la première étape importante. Par contre, si on n’arrive pas à glisser sous la dorsale, on se retrouvera au près dans du vent de sud-ouest à devoir naviguer vers l’ouest… et là ce ne serait pas du tout la même histoire. Car cette route, beaucoup plus lente, nous emmènerait vers les Açores dans des conditions moins confortables. Ensuite c’est trop tôt pour en parler. Notre premier job, c’est déjà d’aller vite jusqu’à la pointe bretonne pour optimiser nos chances de pouvoir glisser sous la dorsale. Dimanche soir, on réactualisera le scenario. En multicoques, nous sommes routés (Ocean Fifty et Ultim sont routés, ndr) ».
 
Benoît Marie : « On partira dans des conditions maniables, c’est une bonne entrée en matière ! Aujourd’hui il y a deux options ; une qui passe à l’ouest et une au sud (plus rapide) pour aller jusqu’au cap Finisterre (Espagne). Mais si la dorsale s’installe plus vite que prévu et bien là, on devra faire de l’ouest et ce serait du près, plus lent. Je pense qu’au moment du départ on aura une bonne idée de l’option. Evidemment, la route sud est beaucoup plus sympa. Sur tous les bateaux, il est bien évident que le portant est plus agréable et plus rapide que le près ! »

 

Vous parliez de routage depuis la terre. Qui travaille pour vous dans ce domaine ? 

Armel Tripon : « La même cellule météo que pendant la Route du Rhum (Armel Tripon a gagné la dernière édition en Ocean Fifty en 2018, ndr), c’est-à-dire trois personnes : notre coach Tanguy Leglatin, le météorologue Nicolas Le Friant et le boat-captain du bateau : Vincent Barnaud. Ils connaissent bien leurs rôles respectifs et échangent entre eux. On fera des points réguliers avec eux par messagerie et mails, au rythme des prévisions qui tombent plusieurs fois par jour. »

 

Sur le papier, on a l’impression que la flotte Ocean Fifty est très homogène, avec un niveau (élevé) similaire entre les sept duos engagés. Tous peuvent l’emporter… dont vous ? 

Benoît Marie : « Exact ! Les sept bateaux en lice sont tous des bateaux très rapides et chacun peut finir à toutes les places, de premier à septième ! Leyton a peut-être un petit plus, mais pas parce que leur bateau est plus rapide. Juste parce qu’ils ont plus navigué que les autres, parce qu’ils ont plus de milles à l’entraînement ensemble. Mais avec Armel on a toutes nos chances. Après, je dis toujours qu’il y a trois grands objectifs sur une grande course au large : 1/ réussir à être au départ ; 2/ finir la course ; 3/ bien figurer au classement général. On part sereins, sans aucun complexe : on a un super beau plateau et sur cette série tous les bateaux vont à peu près à la même vitesse. Il n’y a pas de bateau qui sorte vraiment du lot et notre trimaran va vraiment vite. On a toutes nos chances de faire quelque chose de bien… »
 
Armel Tripon : « Le niveau est très homogène, c’est très ouvert ! Bien malin qui pourrait dire qui va gagner ou même être sur le podium, c’est impossible à prévoir. La classe Ocean Fifty est bien faite pour ça, car il y a une vraie homogénéité et pas vraiment de bateau plus rapide que les autres. Je pense que c’est aussi pour cela que cette classe va se développer. Sur les sept trimarans au départ, Leyton parait être un petit cran au-dessus, peut-être, mais vraiment chacun a ses chances. C’est très motivant, car il n’y a strictement rien de joué à l’avance. Pour nous, l’objectif c’est d’abord d’arriver de l’autre côté, en Martinique, après 5 800 milles de course qui vont nous prendre environ deux semaines. C’est une nouvelle aventure qui démarre avec ce bateau et c’est très important de finir la course. Evidemment, on ne va pas naviguer avec le frein à main et jouer nos chances à fond. On saisira les opportunités, sans pour autant faire n’importe quoi. On est en phase et en confiance avec Benoît, nous ne sommes pas des têtes brûlées. Chacun sait ce qu’il a à faire et en double on tire bien plus sur le bateau qu’en solitaire, on essaie d’utiliser le potentiel du bateau à 100%. Ce n’est pas deux fois du solitaire, c’est une addition de nos points forts. Avec Benoît nous saurons être présents pour tirer le meilleur du bateau dans les moments décisifs. »

 

Source : M Le Berrigaud Perochon