« La zone de molle joue les prolongations », Damien Seguin et les marins de la Vendée Arctique au ralenti

 

La flotte de la Vendée Arctique quitte progressivement cette zone de vents légers qui l’a considérablement ralentie ces dernières heures. Le groupe de bateaux à dérives qui s’est élancé vers l’Est résiste en tête de classement (Ferré, Soudée, Cousin) et cela pourrait durer dans les prochaines heures. Les foilers situés plus à l’Ouest, menés par Charlie Dalin, sortent progressivement de la dorsale et mettent le pied sur l’accélérateur.

 


Crédit : JM Liot


Il y a plusieurs façons de se rendre compte de comment les skippers affrontent cette dorsale, cette zone où le vent se fait rare et qui a le don de jouer autant sur les nerfs que sur les organismes. La voix de Charlie Dalin (APIVIA) donne une première indication, lors de la vacation de ce midi, la fatigue se faisant clairement sentir après 48 heures en mer. Et puis il y a les mots. Ceux de Louis Duc (Fives – Lantana Environnement) qui évoque une progression « entre 2 et 5 nœuds », ce qui est « un peu moins drôle ». « L’idée c’est de la traverser au plus court mais il faut que le vent nous laisse faire », poursuit le skipper de Fives – Lantana Environnement.

 

Éric Bellion (COMMEUNSEULHOMME powered by Altavia) parle lui d’un « sacré challenge » : « dans la dorsale, le bateau s’arrête plusieurs fois. Le pilote automatique se met à sonner, il faut se précipiter à la barre, faire des virements dans le noir, affaler le J1, renvoyer le spi malgré la houle… C’est du sport ! » Du sport à tous les étages donc après un départ tambour battant au point de faire dire à Charlie Dalin qu’il n’a « rarement été aussi vite, aussi longtemps » à bord d’APIVIA. À l’heure où les skippers s’extraient de cette fameuse dorsale, la flotte est étalée sur une latitude de près de 150 milles. Et tous n’ont qu’un but : « essayer de trouver la porte de sortie le plus vite possible » alors que « la zone de molle joue les prolongations » (dixit Damien Seguin, Groupe APICIL).

 

« Guirec et Benjamin m’impressionnent beaucoup » 

Pour y parvenir, à chacun ses options. Il y a d’un côté ceux qui dominent toujours le classement. Ce sont uniquement des bateaux à dérives : Benjamin Ferré (Monnoyeur-Duo For A Job, 1er), Guirec Soudée (Freelance.com, 2e) et Manuel Cousin (Groupe SÉTIN, 3e). Les deux premiers ont subjugué Éric Bellion qui les a vu débouler « comme des frelons ». « Ils m’impressionnent beaucoup, eux qui viennent juste de tâter de l’IMOCA. Je tiens à leur tirer mon chapeau, c’est incroyable ce qu’ils font ».
 
Ces téméraires de l’Est pourraient même conserver la tête de course dans les prochaines heures, un véritable exploit face au groupe de l’Ouest composé lui des principaux foilers. Ce groupe - qui a parcouru près de 50 milles de plus que leurs compères de l’Est – sort progressivement de cette dorsale pour toucher du vent de Sud, Sud-Ouest de 25 nœuds. Charlie Dalin est le premier d’entre eux, de quoi creuser légèrement l’écart face à ses concurrents directs. Il compte une quinzaine de milles d’avance sur les inséparables.
 
Mais le retour d’un rythme plus intense pour les foilers ne veut pas dire que le chemin vers l’Islande s’apparente à la torpeur de l’autoroute du soleil. C’est en tout cas le sentiment de Charlie Dalin : « on va avoir du vent qui va monter au fur et à mesure, un front à passer puis une nouvelle zone de transition avec du vent faible ». Le passage de front qu’il évoque pourrait survenir pour ce groupe en fin de nuit, début de matinée. Les certitudes sont rares au large, surtout dans une course de vitesse. Il convient alors de se recentrer sur l’essentiel, même en tête de course : « à chaque manœuvre réussie, à chaque fois qu’on constate que le bateau va dans la bonne direction, il y a de la fierté » souligne Éric Bellion. Sourire aux lèvres, le skipper ajoute : « on arrive alors à aller au-delà de notre peur ».

 

Source : A Tort