Option Sud pour Charlie Dalin, arrêt forcé pour Romain Pilliard, avarie sur Banque Populaire, en attente de la décision du jury pour Charles Caudrelier

 

Les conditions météorologiques toniques marquées par un vent et une houle de face contraignent les 134 solitaires (4 abandons depuis le départ) à beaucoup manœuvrer, doser leur vitesse sur ce terrain cabossé et jouer de la fine stratégie. D’autant que la nuit prochaine le vent va forcir au passage d’un front froid qui devrait générer des rafales jusqu’à 45 nœuds. La prudence est de mise ! De l’Ultim 32/23 Maxi Edmond de Rotshchild, en tête, à l’IMOCA Demain C’est loin qui ferme la marche, la flotte de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe s’étire déjà sur plus de 320 milles après 24h de course, sachant qu’une dizaine de concurrents a dû faire escale pour problèmes techniques.

 

Crédit : Use It Again ! 

Ultim 32/23 : Caudrelier toujours en tête, Le Cléac’h fait demi-tour

La nouvelle est tombée en début d’après-midi. Pointé en deuxième position depuis le départ, Armel Le Cléac’h a cassé sa dérive au ras de la coque centrale de Banque Populaire XI, sans choc apparent… L’avarie s’est produite à midi et le bateau a fait demi-tour vers Lorient, dans de bonnes conditions de sécurité, selon son équipe. Rien n’indique d’ailleurs qu’Armel ne reprendra pas la course pour boucler cette Route du Rhum - Destination Guadeloupe qu’il avait dû abandonner il y a quatre ans suite au chavirage de son précédent bateau. Son équipe l’attend aux alentours de minuit à Lorient pour examiner son bateau et aviser pour reprendre la mer sereinement vers la Guadeloupe. En tête de course, Charles Caudrelier reste le solide leader et contrôle le reste de la flotte dans sa descente en escalier vers les côtes galiciennes que les premiers Ultim 32/23 pourraient parer en début de nuit, avant le passage du premier front. La progression est plus lente que ce qu’espéraient les routages avant le départ et François Gabart confirmait ce matin que sur « le bord bâbord amures (vers l’ouest NDR), face à la houle qu’amène la future dépression, ce n’est pas toujours facile de trouver les réglages ». Le skipper de SVR Lazartigue se retrouve deuxième au classement suite à l’avarie de Maxi Banque Populaire XI, et Sodebo Ultim 3 complète le podium. Le trio a fait un break de plus de 80 milles avec Actual Ultim 3, ce qui représente moins de trois heures d’écart. Une paille à l’échelle de l’Atlantique, mais un delta significatif après seulement 24 heures de course. Quant à Arthur Le Vaillant (Mieux) et Francis Joyon (Idec), ils ferment la marche dans un joli mano à mano intergénérationnel sur les deux seuls bateaux non volants en course puisque Romain Pilliard (Use it again ! by Extia) est toujours en escale à Roscoff.

 

L’actualité des 24 prochaines heures sera le passage du front et le comportement des trimarans volants dans les conditions musclées annoncées (30 nœuds fichier). Mais c’est aussi du côté du tableau d’affichage que se tourneront toutes les attentions. Si en effet le comité de course maintient son avis d’un départ anticipé du Maxi Edmond de Rothschild, ce que conteste l’intéressé, c’est le jury qui tranchera pour savoir si oui ou non le leader doit effectuer sa pénalité de 4 heures.

 

Ocean Fifty : Les bizuths n’ont pas froid aux yeux

Trois bizuths dans les quatre premiers, c’est une belle affiche en ce début de course chez les Ocean Fifty qui mènent un train d’enfer dans des conditions de brise maniables pour leurs machines. Quentin Vlamynck (Arkema) n’a pas tremblé depuis le départ, et continue de contrôler les assauts de Sébastien Rogues (Primonial) sur une route Sud, alors qu’Eric Péron (Komilfo) est revenu dans le match en quatrième position juste derrière Erwan Le Roux (Koesio).

 

Les trimarans de 50 pieds esquivent autant que possible la dépression en descendant méthodiquement au Sud, espérant à l’image de Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires-En-Pelton – ARSEP) « toucher le front avec un décalage de 150 à 200 milles du cap Finisterre ». De quoi être assez décalé du plateau continental et du redoutable effet de pointe que forment les reliefs espagnols. Parti avec une heure de retard de Saint-Malo, Gilles Lamiré (Groupe GCA – 1001 Sourires) ferme la marche avec 100 milles de retard. Le résultat d’enchaînements moins favorables au contournement de la Bretagne mais la preuve aussi du rythme imprimé en tête de flotte qui se paie le luxe de doubler au gré des virements les deux Ultim 32/23 de queue…

 

IMOCA : Un jeu stratégique très ouvert

Tandis que Nicolas Rouger (Demain C’est loin) vient de repartir de Saint-Malo pour réparer des problèmes d’électronique, en mer « Jusqu’ici tout va bien » comme l’écrit Romain Attanasio (Fortinet-Best Western) dans un message du bord. Après la périlleuse navigation le long des côtes bretonnes, le terrain de jeu est plus dégagé, et le jeu stratégique très ouvert. Il y a plus de 100 milles d’écart latéral entre le concurrent le plus au Nord, Louis Duc (Fives-Lantana Environnement) et Charlie Dalin (Apivia), qui mène le groupe du Sud, composé de la plupart des autres favoris à l’instar de Thomas Ruyant (Linkedout), Louis Burton (Bureau Vallée), Kevin Escoffier (Holcim-PRB) ou encore Jérémie Beyou (Charal). L’objectif de ce groupe : faire de la vitesse tout en évitant les conditions de vent et de mer les plus fortes. Également partisane de cette option plus au Sud, Justine Mettraux (TEAMWORK.NET) racontait en vacation progresser dans un vent de 15 à 20 nœuds, sous une bonne grisaille. « On va naviguer un bon moment en bâbord amure, on se dirige vers le premier front, ajoutait la Suissesse. On devrait avoir une bascule à l’ouest/nord-ouest qui permettra de naviguer tribord amure. Je suis dans un groupe bien compact, c’est cool d’avoir du monde autour pour caler sa vitesse. Je pense qu’on va rester ensemble jusqu'au passage du premier front. » Parmi les partisans d’une route médiane, très proche de la route directe, on trouve notamment Guirec Soudée (Freelance.com), Arnaud Boissières (La Mie Câline) et Antoine Cornic (Human Immobilier).

 

Class40 : 1 abandon et plusieurs escales techniques

Pour la plupart des 54 candidats encore en course (1 abandon et plusieurs escales techniques), le scénario prend une bien meilleure tournure. Si pour l’heure, c’est plus sur le mode d’une régate au contact qu’ils ont navigué dans des conditions de vent et de mer qui se renforcent progressivement, la stratégie à plus long terme est désormais au programme du jour. Et pour cause, il s’agit de faire un choix crucial entre des trajectoires divergentes au regard d’une météo qui promet d’évoluer de manière très contrastée. Sur une route vers l’ouest, la plus directe ou vers le Sud au risque de se faire piéger par des vents faibles ? Face à ce dilemme pas étonnant qu’un écart latéral de 13 milles sépare désormais Kéni Piperol (Cap’tain Alternance), Marc Lepesqueux (CURIUM Life Forward), ou Alex Mehran (Polka Dot), d’un petit groupe décalé au sud où pointent, entre autres, Ambrogio Beccaria (Allagrande - Pirelli), Ian Lipinski (Crédit Mutuel), Simon Koster (Banque du Leman), ou encore Luke Berry (Lamotte Module Création)… C'est dire si l’échiquier reste ouvert alors que les 10 premiers se tiennent en moins de 7 milles. Pour Axel Trehin (Project Rescue Ocean) et Yoann Richomme (Arkéa Paprec), auteurs d’un départ précipité qui ont perdu quatre heures de pénalité, la chasse aux premiers est ouverte.

 

Rhum Mono : Dick en tête, Chabaud combative, Clerton au front

Après une première nuit, finalement presque plus confortable que prévue, sur un seul bord, la flotte de la catégorie Rhum a pu contourner la pointe bretonne. Ce matin, c’était l’heure des choix : préserver dans l’ouest en contournant le DST par le nord ou s’éclipser au sud.
 
Wilfrid Clerton (Cap au Cap Location) a choisi son camp en abordant le contournement sur DST d’Ouessant par le Nord. Sur cette route, il devrait affronter des conditions plus tempétueuses que ces petits camarades mais aussi gagner plus rapidement dans l’ouest. Wilfrid n’a certainement pas froid aux yeux et navigue en pleine confiance sur ce Kriter 8 qui l’a déjà accompagné sur 18 traversées de l’Atlantique. Il pointe cet après-midi en deuxième position. Toujours en tête des Rhum Monocoques, Jean-Pierre Dick se disait ce matin, admiratif de la course de Catherine Chabaud (Formative ESI Business School pour Ocean As Common) qui n’a rien perdu de sa combativité sur l’eau. Pointée en seconde position, la trinitaine va devoir surveiller ses arrières avec un Willy Bissainte (Tradysion Gwaldoup) lui aussi très inspiré sur cette entame de match.

 

Rhum Multi : Gilles Buekenhout (Jess) en tête d’une flotte très étalée

En Rhum Multi, la belle surprise nous vient de Gilles Buekenhout (Jess). Le belge rend une copie parfaite : après un départ prudent et une nuit à cravacher sans répit, il s’empare de la tête de flotte ; une jolie récompense pour le skipper qui avait sérieusement endommagé son Multi40 (Plan Martin Fisher/ Benoît Cabaret) en arrivant à Saint-Malo. Gilles se disait ce matin concentré sur sa route : “Mon but est de faire une belle trace et essayer de faire du mieux possible avec ce petit bateau qui est quand même assez difficile et volage, physique et en même temps magnifique !
 
Dans cette catégorie la flotte s’est bien étalée. Gwen Chapalain (Guyader-Savéol) Marc Guillemot (Metarom MG5) s’offrent une échappée belle en plongeant plein sud, une route moins exposée aux assauts du front qui balaye l'océan Atlantique des Açores au sud de l’Irlande. Gwen Chapalain a d’ailleurs profité de son passage à proximité de la Baie de Douarnenez pour déguster la spécialité locale, “un kouign amann de chez Lucas, les meilleurs du monde” !

 

Source : M Le Berrigaud