Cap Istanbul / Eric Drouglazet : j'ai forcé ma nature


Si ce n'est pas moi qui tente des coups, ce sont les autres. En Méditerranée, on sait aussi que quand on passe à la caisse, on peut ramasser une grosse mise. Alors cette fois-ci, j'ai décidé de chercher une option radicale, ce qui n'est pas dans mes habitudes. »


Eric Drouglazet était particulièrement heureux à l'arrivée à Cagliari. Heureux d'avoir renoué avec le goût de la victoire, mais surtout de l'avoir fait en acceptant de prendre des risques et de remettre en question ses usages. Droug est un formidable bagarreur, un régatier redoutable qui ne lâche rien et n'aime rien tant que les courses au contact. Dans cette première étape, le skipper de Luisina a osé partir à rebours de la majorité de la flotte et cela a payé. Eric Drouglazet est toujours aussi combatif, mais, de plus, il est saisi par la grâce.


Eric, peux-tu nous décrire les moments-clés de cette étape ?

« La première manche se joue au large de la Corse, dans la nuit de dimanche à lundi. On est tous dans la pétole dans le nord-ouest de l'île. Alors que la flotte descend tribord amure au près vers la Corse, je décide de partir en bâbord pour gagner dans l'ouest et chercher le reste de Mistral. Pour être exact, je n'y vais pas d'un coup, je me recentre sur quelques petits bords, mais petit à petit, je me décale. La deuxième clé de cette victoire, c'est d'accepter de tenir physiquement dès lors qu'on a récupéré le vent et qu'on descend sous spi. »


Justement, comment fait-on pour naviguer sous spi dans un vent fort comme vous avez eu ?

« Déjà, à l'envoi du spi, on se fait toujours un peu peur. Est-ce que tout va bien se passer ? Est-ce qu'on ne va pas déchirer la voile ou partir en vrac ? On a beau avoir l'habitude, ce n'est jamais un moment facile. Ensuite, il faut tenir : du moment où j'ai hissé le spi jusqu'à la pointe sud-ouest de la Sardaigne, je n'ai pas lâché la barre. Impossible de manger, de dormir, d'aller faire pipi ! On tire sur les réserves. J'ai quand même fait des pointes à 21 - 22 noeuds. Là, je vais aller manger un cheval ! »


Qu'est-ce qui fait le plus plaisir dans cette victoire ?

« D'abord de gagner à nouveau. Je n'étais pas passé loin lors de la Course des Falaises où nous étions Gildas Morvan, Fred Duthil et moi à égalité de points. Mais surtout, d'avoir su le faire en allant à l'encontre de mes habitudes. Je pense que j'ai quand même un sacré vécu. D'habitude je finis mes régates à couteaux tirés. Là, c'est la première fois que je regarde et qu'il n 'y a personne derrière. C'est confortable pour les manoeuvres, tu peux prendre ton temps ! »
Source : Cap Istanbul