Le Télégramme / Adrien Hardy : " Ce n'est pas une vrai solitaire" (avec un téléphone Iridium)

Ce n'est pas parce qu'on navigue en solitaire qu'on aime forcément la solitude. Pour rompre cet isolement, certains skippers décrochent facilement le téléphone Iridium. Adrien Hardy n'est pas de ceux-là...

Le skipper de «Agir Recouvrement» n'aime pas causer dans le poste. Si les vacations radios n'étaient pas obligatoires, ce Nantais plutôt discret s'en passerait volontiers. «Je fais un effort mais ce n'est pas ma tasse de thé». Malgré son jeune âge (24 ans), Hardy a déjà beaucoup navigué au large. Il a notamment participé aux deux dernières éditions de la Mini-Transat entre La Rochelle et Salvador de Bahia au Brésil: 5e en 2005 et 6e après avoir démâté et remâté seul au beau milieu de l'Atlantique. Le large, il connaît et il aime ça. Alors, passer plus de 20 jours seul ne l'effraie pas une seconde. «Bon, il faut quand même que je n'oublie pas que ce n'est pas rien de traverser l'Atlantique sur un bateau en solitaire».


«Ces foutus téléphones»

Lorsque, comme lui, on a connu l'univers spartiate d'une coque de noix de 6.50, un solide monotype de 10,10m, c'est le grand luxe. Car, à bord d'un Figaro Bénéteau 2, il y a, outre le confort intérieur, un ordinateur qui permet de recevoir des fichiers météos et les cinq classements quotidiens. Il y a surtout ce fameux téléphone Iridium. Et un téléphone à bord, pour un ancien minïste, c'est une vraie révolution. D'ailleurs, avant le départ, Hardy est allé voir le jury de la course: «Je voulais savoir exactement ce qu'on avait le droit de faire avec ces foutus téléphones, si on avait le droit d'appeler ou pas à terre». La réponse est oui. «Et ça me dérange car, pour moi, ce n'est pas du vrai solitaire».

Un sextant à bord

A l'entendre, un téléphone qui sonne en plein milieu de l'Atlantique, c'est le comble de la vulgarité, comme une intrusion dans sa solitude choisie. Hardy aurait préféré que les numéros soient bloqués, «qu'on puisse recevoir des informations météos mais qu'on ne puisse pas appeler la terre». Mais puisqu'il a un téléphone à bord, il s'en servira. A doses homéopathiques : «J'ai juste noté le numéro de téléphone de mon sponsor. Je pense lui passer un coup de fil ou deux pendant la course: je sais que ça lui fera plaisir». Et si, par le plus grand des hasards, tous les satellites, qui tournent autour de la terre et alimentent en permanence les GPS du bord, se mettaient en rideau pendant quelques jours, cela ne le dérangerait pas le moins du monde. A bord de son Figaro, il a embarqué un instrument qui n'est plus obligatoire: un sextant. Quand le plus jeune engagé rêve d'une navigation à l'ancienne.

Source : Philippe Eliès/ Le Télégramme