Ag2R la Mondiale / Espoirs et désillusions au large de Gibraltar

Doucement, péniblement pour certains, les 25 duos de la Transat AG2R LA MONDIALE poursuivent leur route vers le Sud et la porte de La Palma, dans l'archipel des Canaries. Toujours empêtrés dans les petits airs générés par une dorsale anticyclonique, les tendances et les dissidences se maintiennent au fil des heures. Pour l'heure, les centristes ont toutes les raisons de se réjouir mais gardent à l'esprit que rien n'est joué. Jeanne Grégoire et Gérald Veniard (Banque Populaire) mènent toujours les troupes devant Armel Tripon et Franck Le Gal (Gedimat) et Gildas Morvan et Bertrand de Broc (Cercle Vert).

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Une nuit noire, des vents plus ou moins erratiques, des incertitudes voire des regrets pour certains, il est des réveils plus faciles sur la flotte de la Transat AG2R LA MONDIALE. Au large du détroit de Gibraltar, le long du Cap Saint-Vincent pour quelques uns, cette nouvelle journée de course est placée sous le signe d'une fuite en avant et d'une extrême vigilance. Avancer, glisser dans la bonne direction, conquérir le Sud et surtout s'extirper de la bulle le plus vite possible... Sur les trois marins contactés ce matin depuis le bord d'Ocean Alchemist, ces préoccupations étaient un lot commun. Mais les différences étaient notables également. D'un Franck Le Gal qui pointait en deuxième position à la faveur d'un positionnement "centre Ouest", à un Bertrand de Broc manifestement satisfait de son sort, en passant par un Jean-Paul Mouren (Groupe SNEF) dont les moustaches ne frisaient pas dans le bon sens...

L'inégalité des ressentis, des illusions et des certitudes était plus que palpable. Au centre, au coeur d'une association opportune de quatre bateaux, les hommes de Cercle Vert apprécient le début de course. Jouant d'après les dires de Bertrand de Broc, les "routes traversières", ils affichent à l'heure actuelle une belle confiance en leur engagement et trouvent forcément dans la régate au contact avec Banque Populaire, Groupe Bel et Brit Air, toutes les raisons de se réjouir. Décalés un peu dans le Nord Ouest, Armel Tripon et Franck Le Gal assument eux aussi leurs convictions avec plaisir et sérénité. Sûrs de leur choix, ils poursuivent sur un long bord tribord amures entamé hier, et dont ils espèrent tirer les bénéfices à court ou moyen terme. L'objectif pour ces deux-là : sortir sans trop de dommages et être les premiers à toucher le flux de Nord Est attendu. D'un extrême à l'autre également on poursuit ; au plus proche des côtes portugaises, à raser le cap Saint-Vincent, pour le fameux groupe que chacun surveille de près d'autant qu'il est composé de gros bras comme Nicolas Lunven - Jean Le Cam (Generali), Yann Eliès - Jérémie Beyou (Generali Europ Assistance) et Nicolas Troussel - Thomas Rouxel (Crédit Mutuel de Bretagne). Depuis la terre, on peine à croire que ces six garçons là y soient allés d'une vaine tentative... Enfin, isolé à l'extrême Ouest, Jean-Paul Mouren avait ce matin perdu un peu de sa poésie et de ses illusions. Associé au jeune Paul Meilhat, le Marseillais avouait avoir plongé dans la morosité et ne pas très bien savoir comment s'en sortir. Il est en effet des conquêtes plus difficiles que d'autres...

Cargos de nuit...
Pointant actuellement au large du détroit de Gibraltar, la flotte de la Transat AG2R LA MONDIALE ne doit pas uniquement se focaliser sur la manière de négocier la dorsale anticyclonique, mais également composer avec la présence très importante de cargos dans le secteur. Navigant au carrefour de routes commerciales maritimes, les concurrents se doivent de maintenir une veille visuelle de tous les instants, complétée par le système AIS qui leur permet de localiser et d'identifier ces mastodontes des mers. Entre la sortie de Gibraltar, la route montante et descendante entre l'Europe et l'Afrique... le trafic est particulièrement dense et certains se sont d'ores et déjà faits quelques frayeurs. Ajoutons à cela une nuit noire pour se dire que le sort des marins n'est pas toujours aussi enviable qu'on le pense.

Ils ont dit :
Franck Le Gal (GEDIMAT) - 1ème au classement de 5 heures
« …On a fait un long bord tribord et on a navigué pas mal sous pilote automatique. Les leaders sont rentrés dans une zone sans vent et on a repris des milles. À bord, on a réussi à récupérer et on est en forme. Dans la matinée le vent devrait mollir : après, ça a l'air compliqué… Il faut donc essayer de récupérer le vent de Nord Est au plus vite. Je pense que les gens qui ont choisi l'option à l'Ouest ont fait une bêtise, parce qu'ils toucheront un vent portant faible mais plus tard que nous. C'est la complexité de la météo qui nous a amené à tout cela mais ça aurait pu être totalement différent. C'est la course au large : il y a encore plein de choses à jouer et les écarts peuvent changer très rapidement. Notre premier objectif était d'être dans le bon paquet à La Palma, et c'est le cas. À bord, on a pris le maximum de liquides et de nourriture : on a tout ce qu'il faut et on est dans la bonne humeur. On a prévu 25 jours de nourriture et on a, en plus, des paquets de riz et d'autres choses. Le stock de fruits est intact, on n'a pas mangé beaucoup de Serrano et, de plus, il est sous vide. On a même du Parmesan frais râpé : on vit bien à bord ! On mange ensemble et on passe pas mal de temps à parler de stratégie, on échange sur les techniques. Au niveau de la stratégie on est toujours d'accord. Le problème est que, après cette expérience, où l'on a échangé nos « secrets » Armel sera un concurrent redoutable… ça ne sera pas simple quand l'on sera sur d'autres transats !... ».

Bertrand de Broc (CERCLE VERT) - 3ème au classement de 11 heures
« …ça glisse tranquillement sous une nuit peu étoilée. On avance avec un petit vent léger de 6 nœuds. On navigue un peu tous l'un à côté de l'autre. On est plus particulièrement à 4 bateaux et on peut régater : c'est sympa, ça stimule d'être ensemble. La journée à venir ne me semble pas très simple. La bulle n'est pas grosse… il faut partir vite et récupérer au plus vite le vent portant. Ce n'est pas une navigation physique mais il faut veiller aux moindres risées : c'est intéressant et passionnant. De bulles anticycloniques ? J'en ai des bons et des mauvais souvenirs et puis la météo peut vite changer. Pour l'instant on s'occupe des concurrents à côté. On a bien navigué depuis le début et on espère que ça va continuer comme ça. Il y a des bons bateaux à côté de Lisbonne : rien n'est joué. Certes, c'est un avantage de passer en premier aux Canaries mais ça ne veut rien dire : l'Atlantique est grand !... »

Classement du jour à 11h :
1 GEDIMAT Armel Tripon Franck Le Gal
2 GROUPE BEL Kito De Pavant Sébastien Audigane
3 CERCLE VERT Bertrand de Broc Gildas Morvan
4 BANQUE POPULAIRE Jeanne Grégoire Gérald Véniard
5 BRIT AIR Armel Le Cleac'h Fabien Delahaye
6 LUFTHANSA Ronan Treussart Yannick Le Clech

Source : AG2R La Mondiale