Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
Adrien Hardy (Agir Recouvrement) : Le premier sentiment
«Il faut y croire, toujours ! Au départ de Brest je me disais qu’une place dans les 10 premiers ce serait bien… après je me suis dit tiens il y a moyen de jouer dans les cinq… et ce matin je me suis dit que je pouvais faire encore mieux ! C’est super, un peu comme dans un rêve.. je savais que c’était possible, mais vu le niveau qu’il y a sur cette Solitaire… C’est le bonheur.. ça fait évidemment beaucoup de bien au moral. Je pense à mon entraîneur à Lorient, Tanguy Leglatin, à tous ceux qui ont cru en moi, à mon partenaire. Et oui, ça fait plaisir ! »
A quoi ça tient ?« Ça se joue vraiment au mental. Je suis parti de Brest en essayant de ne garder que les bonnes choses dans ma tête, en occultant les mauvaises. J’étais bien en vitesse, en phase avec les bascules. Inspiré et en confiance. J’avais vraiment un bon pressentiment, même s’il y a eu des moments de stress, bien sûr. Quand vous avez un Yann Eliès juste derrière vous… »
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Où l’étape s’est jouée
« Tout du long. Elle était compliquée, cette étape je l’ai gagnée petit à petit, pas sur un coup de chance ou sur un coup météo. Mon défaut a toujours été d’être un peu impatient, de tenter des gros coups qui ne marchent pas toujours. Là, j’ai su être patient. Ceux qui me connaissent et regardent ma trace vont dire ‘c’est pas possible, ce n’est pas lui !’. C’est vraiment satisfaisant de gagner une étape de cette manière.»Avant le Fastnet, quand le leader Le Cléac’h se décale
« Ça s’est joué là, aussi. J’ai vu Armel partir et je me suis dit ‘soit il a le bon feeling… soit il se trompe… mais je ne sentais pas ce coup-là. J’étais obsédé par enrouler le Fastnet en tête et je ne me voyais pas partir tout seul avec lui. Au Fastnet je me suis retourné, juste pour savourer les autres derrière à cet endroit là… une image plutôt sympa. Mais il y a eu aussitôtt une pression énorme… Yann (Eliès) me double quelques minutes après l’envoi du spi. Je me suis dit ‘c’est pas possible’, j’ai réussi à le reprendre puis à m’échapper mais sur la fin, il n’arrêtait pas de revenir, revenir…»
Passé à la côte, le paquet au large…
« C’est vrai qu’on a douté quand tous les autres, sauf Yann et moi, sont partis au large. J’y suis allé très franchement, peut être un peu plus que Yann. Il ne fallait surtout pas de demi-mesure, sous peine de tomber entre les deux vents, le thermique et le synoptique. Ce final était compliqué… Gagner comme ça, je pense que ça peut être un déclic pour moi. Pour la confiance en tous cas, c’est très, très bon.»
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Yann Eliès (Generali-Europ Assistance) : « Je sens bien les coups, j’espère que ça va durer jusqu’au bout et que ça va me permettre de gagner la dernière étape. Je cherche un peu cette victoire d’étape parce qu’il ne me reste un peu plus que ça à jouer. Mais deuxième, c’est presque une victoire ! Je fais deux fois deuxième et une fois 5e, je crois que je n’ai jamais fait un aussi beau Figaro depuis belle lurette. Donc au final, je suis super content et puis surtout, c’est bien que ce soit un petit jeune qui goutte à la saveur d’une victoire. Adrien a vraiment bien navigué. Quand il fait des coups, il y va à fond. Parfois ça lui joue des tours, mais cette fois-ci, c’était vraiment positif pour lui. Il a pris un l’avantage dès que le vent est rentré. Ensuite j’ai essayé de cravacher pour revenir juste derrière lui et même de le doubler en baie de Kinsale, mais l’écart était trop important. Alors bravo à lui. J’ai pas mal dormi cette nuit. J’ai essayé de garder les idées claires pour la fin, j’essaie de fonctionner comme ça. J’étais remis en selle dès le passage du Fastnet car j’avais bien tricoté toute la nuit. Après, dès qu’on est sur du côtier, j’ai l’impression de savoir faire et ça vient tout seul. L’arrivée en Irlande était magnifique. On a eu la chance de longer toute la côte sud de l’Irlande avec Galley Head, Old Head of Kinsale, toutes ces pointes majestueuses, le faire avec du vent, 20/25 nœuds sous spi et une belle luminosité, c’était sympa. De temps en temps, on avait quelques odeurs de fumier pour nous rappeler qu’effectivement nous étions sous le vent des pâturages irlandais. Tout était réuni pour faire une très très belle arrivée ».
Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
J’ai pensé à ma deuxième étape où j’avais déjà mené et j’ai fait attention à ne pas recommencer les mêmes erreurs, c'est-à-dire à vouloir trop attaquer. Cette fois, j’ai essayé d’être patient, d’attendre mon heure, de jouer un peu plus avec les autres et d’attaquer sur la fin. Ce n’était pas évident car je n’avais plus le grand spi (déchiré pendant la montée vers Wolf Rock, ndr) j’avais uniquement le petit. J’en suis d’autant plus fier parce que j’avais un souci de performance par rapport aux autres et là, je me suis battu sur la moindre petite bascule de vent. J’ai essayé d’être concentré sur la fin pour bien concrétiser tout ça. C’est une belle récompense. La clé sur cette étape ? Il y a eu plein de choses mais je crois surtout que quand on voit la densité à l’arrivée, il fallait vraiment ne pas perdre le contact avec la tête. Il y a eu beaucoup de coups à faire et j’ai essayé de jouer gagne-petit comme on dit dans le jargon de la voile (…). L’arrivée en Irlande ? C’est toujours magnifique. A chaque fois qu’on y va, je sais qu’on va prendre cher, qu’on va avoir froid, que la mer va être cassante mais à chaque fois, à l’arrivée, c’est toujours magique ».
Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
« Je ne sais plus prendre les départs ! C’est inconcevable. Pourtant j’ai fait 10 ans d’Optimist, de laser et de 470... tout ça pour passer à chaque fois dernier à la bouée au vent. A chaque fois, je remonte donc, je suis content. Le problème, c’est que ça prend de l’énergie. Mais là, étonnamment, je n’ai fait que dormir sur cette étape. Au moins 4 heures. C’est peut-être la fatigue accumulée sur les deux précédentes étapes. Et puis le près était super long, interminable entre Wolf Rock et Fastnet. Donc j’ai dormi pour que ça passe plus vite ! Quel final avec Francisco. Il est parti chercher le large après le Fastnet. Ca a commencé à bien payer, je l’ai rejoint plus tard et après, avec les jumelles, j’ai vu Adrien le long des côtes qui avait un vent de travers assez fort et donc j’ai recroisé toute la flotte et coup de chance, c’est passé…J’ai été étonné d’arriver à recroiser la flotte sans me faire écraser. Et j’avais peur qu’au milieu (entre la terre et le large) il y ait une transition et que je stagne. Mais non. Je suis heureux d’être arrivé ».
Source : la Solitaire