Class Ultime / Dernières confidences de Thomas Coville à la veille du départ

A vingt-quatre heures du départ de la Route du Rhum, Thomas Coville, le skipper du trimaran Sodebo cavale de rendez-vous en rendez-vous. Dans quel état d'esprit aborde-t-il cette course? Quelles conditions météorologiques l'océan lui réserve-t-il?

Crédit : Ch Launay / Sodebo

Samedi 30 octobre 2010 au quartier général du skipper de Sodebo à Saint Malo. Les murs de la cave sont peints en rose. La cellule des routeurs a pris ses quartiers dans la salle de jeux de l'hôtel. Leurs quatre ordinateurs moulinent les données transmises par les fichiers météo ; leurs quatre esprits tournent et retournent les scénarios pour guider Thomas Coville, le skipper du trimaran Sodebo sur l'océan Atlantique. « Quelqu'un a rappelé à Thomas qu'il avait rendez-vous, ici ?» Après avoir fait visité une dernière fois son bateau, Thomas paraît. Il est 10h12. Dans un jargon météo, il bombarde de questions les routeurs. Préférer la route nord à la route sud ? Au près, faire du cap ou de la vitesse ? Et le départ ? Faudra-t-il longer l'île d'Ouessant ? « Sur le départ, on aura un vent de 10-12 noeuds au sud-est, tranche Richard Silvani, puis il mollira à 5-6 noeuds, avant de revenir doucement par le nord et l'ouest à 15-20 noeuds. » « Je reviens en discuter avec vous en début d'après-midi, » propose le skipper attendu par les clients du sponsor.

Etat d'esprit
« Mon exercice aujourd'hui et jusqu'au départ, c'est de me préserver. La Route du Rhum est courte : tu rentres dans le ciré et tu es dans le coup, tout de suite ! La Route du Rhum, ce sont des manoeuvres dans les huit minutes avant le départ : tu dois être dans le bain ! Donc je garde mon énergie pour la libérer dans les premières 24 heures de course. Je suis passé d'une éducation jésuite à une philosophie du plaisir : le multicoque, c'est ça, c'est l'école Laurent Bourgnon. Battre le record de Lionel Lemonchois en 2006 ? Je m'en fiche ! La seule chose qui m'intéresse, c'est de couper la ligne d'arrivée en premier. Je ne me bats pas contre Lionel Lemonchois, mais contre mes huit adversaires. »

Les adversaires
« La différence par rapport à un record autour du monde, c'est que je peux mettre un visage sur mon adversaire. En record, le temps n'a jamais d'avarie, il n'est jamais fatigué. Avec mon équipe, on a d'abord analysé chaque bateau. On a observé Gitana 11, on a ajouté les foils pour aller plus vite ; on a aussi cherché à se rapprocher de sa vélocité dans le petit temps. A l'autre extrémité, Groupama 3 est un bateau fantastique, puissant, abouti... Nous avons amélioré l'aérodynamique, qui est le dada de Franck Cammas ; ça se voit sur des détails du bateau. »

L'heure de vérité« Contrairement aux autres éditions de la Route du Rhum, on ne s'est jamais confronté. Même si j'ai navigué sur Groupama 3 ou en record contre Francis Joyon (Idec), c'était toujours décalé dans le temps. Enfin, on va se retrouver avec Francis, mano a mano, et je vais savoir ce qu'il vaut contre moi. Au départ, nos bateaux n'étaient pas prévus pour le Rhum, mais on s'y retrouve tous : on a tous envie d'accrocher cette course ! Même Franck, avec son bateau conçu pour l'équipage, n'a pas résisté à cette tentation. Mais pour nous départager vraiment, l'heure de vérité sonnera quand on aura organisé une course autour du monde (en multicoque). Il faut créer ce nouvel événement. Ces grands bateaux donnent un vrai souffle de liberté ! Avec eux, nous avons réduit les distances. J'en veux pour preuve que j'ai traversé au printemps l'Atlantique en double à l'aller, en solo au retour, en seulement trois semaines... Et c'était juste pour m'entraîner ! »

Source : Sodebo