Barcelona World Race / Virbac-Paprec 3 et Foncia ont passé la première porte des glaces

La tempête subtropicale qui a accéléré le rythme ces dernières heures s’enfuit vers l’océan Indien, laissant derrière elle une flotte de plus en plus dispersée. Les duos ne sont désormais plus dans les mêmes systèmes météorologiques et la situation s’aggrave encore avec le retour des hautes pressions près de l’Afrique du Sud…

crédit : Foncia

Scénario hitchcockien sur la Barcelona World Race : pendant que les deux voiliers leaders visent déjà la seconde porte des glaces dans le Sud-Est de l’Afrique, leurs poursuivants doivent cravacher pour ne pas se faire rattraper par la pieuvre anticyclonique qui déploie de nouvelles ventouses sur l’Atlantique Sud ! Car derrière la dépression très creuse qui a poussé les trois quarts de la flotte ces dernières heures, se pointe une dorsale de vents faibles, voire de brises contraires au-dessus du 35°S… La « psychose » d’un arrêt brutal à l’entrée des Quarantièmes Rugissants règne pour les retardataires qui voient « l’étau » se reformer sans qu’ils puissent éviter cette « main au collet » des hautes pressions telles une « cinquième colonne » infiltrant les plus lointains recoins de l’océan.

« Fenêtre sur cour »
En avant de la course, « l’inconnu du Sud-Express » est réapparu ce mardi matin : Foncia avait pendant 36h utilisé le mode furtif pour cacher ses intentions à son partenaire du grand détour atlantique. Virbac-Paprec 3 n’a pas été inquiété même si Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron ont eu quelques « soupçons » quant à une trajectoire légèrement différente de la leur. Et de fait, Michel Desjoyeaux et François Gabart ont préféré accomplir leur devoir au plus tôt en remontant vers le Nord pour passer la porte des glaces en premiers afin de garder plus de marge de manœuvres pour la suite du programme. En avant du front froid associé à la tempête subpolaire qui glisse vers les Kerguelen, les deux bateaux poussés par plus de vingt-cinq nœuds de Nord-Ouest attendaient la bascule au Sud-Ouest juste au moment où la porte des glaces pointait à l’horizon. Virbac-Paprec 3achoisi de descendre sous cette marque de parcours pour remonter dessus après l’empannage. L’idée était de privilégier la vitesse même si la distance à parcourir était supérieure, puis de raser l’extrémité Est de cette première porte des glaces, par 40°30S et 6°E : le résultat est convaincant, sans « l’ombre d’un doute » !

« L’ombre blanche »
Avec 27 milles de marge pour aller chercher la prochaine porte des glaces située par 42°S entre le 23°E et le 28°E, Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron ne devraient toutefois pas faire « le plongeon » vers le Sud-Est pour deux raisons : d’abord parce que la route optimale reste relativement Nord à cause d’un flux de secteur Sud attendu derrière la grosse dépression fuyant vers les îles australes indiennes ; ensuite parce que « l’ombre blanche » d’un iceberg s’étale en travers de la voie ! Pas besoin de se faire des « sueurs froides » quand le chemin le plus court est aussi le plus sûr… En tout cas à ce rythme, les deux premiers vont passer la longitude du cap de Bonne-Espérance au milieu de l’après-midi mercredi.

« Pris au piège »
A 500 milles derrière, la situation n’est déjà plus du tout la même ! MAPFRE a certes réussi à décrocher franchement le peloton et s’installe (inconfortablement au vu de l’état de la mer) de facto à une troisième place qu’il devient difficile de mettre en ballottage dans les jours qui viennent. Car Iker Martinez et Xabi Fernandez vont encore profiter du flux de Sud-Ouest musclé pendant près d’une journée quand leurs poursuivants vont constater un net affaiblissement de la brise. Les Espagnols qui ont dépassé l’île Gough à 2H10 TU (3h10 heure française) ce mercredi peuvent faire route directe vers la première porte des glaces dans un régime de Sud d’une vingtaine de nœuds, leur permettant de maintenir une moyenne supérieure à quinze nœuds : s’ils ne devraient ni perdre ni gagner de milles par rapport aux leaders, ils vont augmenter leur avance sur le peloton…

Car la nature n’aime pas le vide : quand une dépression s’en va, un anticyclone la remplace. Et Sainte-Hélène va donc encore étendre son influence presque jusqu’à l’’entrée du chenal de Cape Town (à 70 kms au Nord-Ouest du cap de Bonne-Espérance)! D’abord, il faut absolument être le plus proche possible du 40°S ; ensuite il faut dépasser le 10°W avant le coucher du soleil pour avoir une chance d’échapper au pire. Estrella Damm etGroupe Bel sont dans les temps s’ils maintiennent leur rythme endiablé, Renault ZE et surtout Mirabaud sont « border line »… Alors que pour Neutrogena et Gaes Centros Auditivos, c’est quasiment mission impossible ! Que dire pour le groupe de queue : ce sont « les enchaînés ». Déjà encalaminés, Central Lechera Asturiana, Hugo Boss, We Are Water et FMC vont tout simplement être enferrés dans une dorsale qui se plaît à s’épandre devant leur route… Ayant la contrainte de respecter des marques de parcours situées sur le 40°S, ils ne peuvent descendre plus bas pour aller chercher le vent au-delà ! Dans ces conditions, on ne voit pas bien qui pourrait sortir son joker furtif pour appliquer « la loi du silence » : les voies sont presque toutes déjà tracées.

« Incident de parcours »
Une mauvaise nouvelle est tombée ce mercredi midi quand Juan Merediz et Fran Palacio, qui avaient fort bien négocié l’anticyclone de Sainte-Hélène, ont annoncé qu’ils se détournaient vers Cape Town : l’hydraulique de Central Lechera Asturiana présente une fuite qui rend le basculement de leur quille pendulaire aléatoire dans le temps. Mieux vaut réparer avant que le système ne se détériore plus alors que l’océan Indien ne propose aucune escale technique. La décision a dû être difficile à prendre car le port d’Afrique du Sud est fort mal placé avec les conditions météorologiques programmées : faire route directe les plongerait au cœur de l’anticyclone… Ils devront glisser vers le 40°S avant de remonter vers le continent noir.

La Barcelona World Race prend donc une tournure inattendue depuis le passage de l’équateur, mais « le passé ne meurt pas » ! Le détour par le Brésil des deux leaders actuels a finalement été un énorme bonus en leur ouvrant un couloir qui n’avait pas lieu d’être quelques jours plus tôt… La mer est-elle un enchaînement de paradoxes ?

Ils ont dit :
Michel Desjoyeaux, Foncia : « Nous avons dû passer à une dizaine de milles dans le Nord du point Ouest de la porte 1, donc nous avons rempli nos obligations à ce niveau là et maintenant ça nous laisse toute liberté. De toute façon, du côté Sud, il y a un iceberg... Pour le moment, la météo est assez favorable pour prendre une route directe et puis la prochaine porte est assez proche. Nous sommes dans un vent de Nord-Ouest pas très fort, la mer n’est pas très organisée et nous avons un grand ciel bleu : c’est vraiment sympa. Nous allons empanner dans la soirée. Je ne me suis pas trop occupé de la météo aujourd’hui mais je sais un peu près ce qui se passe. Virbac-Paprec 3 est plus Sud depuis la sortie du thalweg avant l’île de Gough et ce décalage s’est maintenu. Ils vont être obligés de monter pour passer la porte alors que nous, nous avons réglé ce problème. Comme ils sont en avance sur nous, ils empanneront un peu plus tard… Nous avons vu de la population ailée autour de nous quand nous sommes passés près de l’ile de Gough. Il y a quelques albatros qui viennent nous narguer mais ils ne sont pas nombreux. Je n’en ai pas vu de gros encore, ceux qui te regardent de travers dès que tu veux les prendre en photo. Ce qui change pas mal dans les mers du Sud, c’est surtout la température de l’eau mais là elle est encore à 17°C. Quand tu manœuvres et que tu as les mains mouillées par les cordages et les voiles que tu manipules, on ne croirait pas que nous sommes dans les Quarantièmes Rugissants. Nous avons un grand soleil, on se croirait au mois d’août en Irlande ! »

Kito de Pavant, Groupe Bel : « La nuit était un peu agitée car nous avons retrouvé du vent. Ça bouge ! Beaucoup de vagues, beaucoup de vent et beaucoup de changements de voile car il faut adapter la vitesse du bateau aux changements du vent. La mer est organisée mais ce n’est pas confortable car nous naviguons dans une fenêtre assez serrée. Vu les conditions, nous avons sorti les combinaisons étanches, les bonnets… Ça nous change des mauvaises habitudes que nous avions pris ces derniers jours : être « à poil » sur le bateau ! Il peut encore se passer pleins de choses donc nous essayons de naviguer vite et « safe » et c’est la difficulté que l’on a en ce moment, en dosant les efforts que nous faisons : aller vite mais essayer de sauvegarder le bateau et les bonhommes ! Le mode furtif, selon nous, n’a pas grand intérêt car nous avons tous les mêmes outils pour choisir notre route donc nous n’avons pas tellement d’options. Nous devrons tous suivre le rythme de l’anticyclone, mais c’est sûr, avec des conditions différentes étant donné que nous n’avons pas les mêmes timings ! Il ne faut pas trop trainer dans le coin car le risque est de se faire prendre par une dorsale : zone de vent très faible. Donc, nous appuyons sur le champignon mais nous ne pouvons pas aller plus vite que la musique ! »

Classement du 25 janvier à 15 heures :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 18 708 milles de l’arrivée
2 FONCIA à 27 milles du leader
3 MAPFRE à 517 milles
4 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 672 milles
5 GROUPE BEL à 689 milles
6 RENAULT Z.E à 743 milles
7 MIRABAUD à 850 milles
8 NEUTROGENA à 914 milles
9 GAES CENTROS AUDITIVOS à 948 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 1133 milles
11 HUGO BOSS à 1190 milles
12 WE ARE WATER à 1317 milles
13 FORUM MARITIM CATALA à 1394 milles
ABN PRESIDENT

Source : Barcelona World Race