Barcelona World Race / La lente échappée de Virbac-Paprec 3

En tête entre les Canaries et Madère, Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron gagnent tous les jours une ou deux poignées de milles. Suffisamment pour semer peu à peu leurs fidèles compagnons espagnols. Jusqu’à Gaes Centros Auditivos, tout le monde sera soumis à un régime de près jusqu’à Gibraltar.

© GAES Centros Auditivos

Cette nuit, sous un faible croissant de lune, Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron ont aperçu le « phare de la pointe nord de l'île de La Palma aux Canaries; première terre depuis le Cap Horn ». Pour ne pas se faire prendre dans les dévents des îles, Virbac-Paprec 3 a tiré un bord vers le nord, et est passé à 20 milles dans l’ouest de La Palma, laissant tout l’archipel à tribord. Le chemin vers Gibraltar (ETA au détroit dans la journée du 31 mars) devrait logiquement les mener vers les côtes marocaines où sévit un bon vent de nord-est, loin des calmes de l’anticyclone.

Il y a trois ans, à ce stade de la course, Jean-Pierre Dick était aussi en tête de la Barcelona World Race. Après 87 jours de mer, il se trouvait alors aux Açores, résultat d’une route opposée à la stratégie actuelle, puisqu’il avait pu contourner l’anticyclone par l’ouest…

Aujourd’hui au près, escortés par des dauphins joueurs, Jean-Pierre et Loïck font marcher leur bateau bleu à merveille et chaque journée de navigation est synonyme de gain sur les Espagnols de MAPFRE. Iker Martinez et Xabi Fernandez n’ont d’autres choix que d’encaisser le coup. Ils n’ont, à court terme, aucune occasion de se démarquer stratégiquement.

Même constat d’impuissance à bord d’Estrella Damm et de Neutrogena qui voient Renault Z.E leur échapper doucement au large du Cap Vert. Pachi Rivero et Antonio Piris, toujours un poil plus rapides que leurs poursuivants, semblent apprécier la navigation dans les solides alizés de nord-est.

L’équateur au féminin
Naviguer penché sur un seul bord bâbord, ce sera bientôt le sort du tandem féminin de Gaes Centros Auditivos. En milieu de matinée, sous une chaleur torride, Dee Caffari et Anna Corbella ont pris leur petit déjeuner avec Neptune pour célébrer leur passage de l’équateur. Les voici dans les eaux familières de l’hémisphère nord. Comme leur cinq prédécesseurs, elles devront se coltiner de longues journées de près jusqu’au détroit de Gibraltar, dans la moiteur tropicale.

Le retour de la chaleur a en général des effets immédiats sur le moral des troupes. « On dirait que tout l’organisme reprend vie, commente Wouter Verbraak. Les ongles, les cheveux. Tout le corps retrouve de l’énergie ». Les visages, eux, retrouvent le sourire. A bord d’Hugo Boss, Wouter et Andy, pieds nus et en t-shirt paraissaient en pleine forme, heureux de naviguer dans des prémices d’alizés, au large du Brésil. A 628 milles du bateau noir et blanc, la situation était plus compliquée pour FMC qui ferraille face au vent dans des conditions inconfortables. « Deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la misère et cinq fois l’ennui » déplore Ludovic Aglaor. Ludo et son compère catalan Gerard Marin devront prendre leur mal en patience.

Cruel Pacifique
Idem pour l’équipage de We are Water qui s’est retrouvé aujourd’hui dans une situation bien scabreuse. Avec 30 à 40 nœuds de vent et une grosse mer de travers, leur progression vers le cap Horn avec une seule voile d’avant s’est avérée quasi impossible. Pendant plusieurs heures, ils se sont laissés dériver vers le sud, à sec de toile, dans l’attente d’une bascule salvatrice à l’Ouest-Nord Ouest. Du coup, ils ont rasé le sud des îles Diego Ramirez. Mais depuis cet après midi, ils ont remis le cap vers le Horn. Plus que 37 milles avant le fameux rocher qu’ils pourraient doubler ce soir.

Enfin, Central Lechera Asturiana a renoncé provisoirement à quitter les quais de Wellington. Un retard de quelques jours pris volontairement à cause de l’arrivée d’une grosse dépression tropicale nommé « Bune ».

Ils ont dit :
Ludovic Aglaor (FRA), FMC : « Nous sommes au près et nous tirons des bords. Le vent vient de là où nous voulons aller. La mer était un peu dure ce week-end avec pas mal de vent. Deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la misère et cinq fois l’ennui. Nous n’avons pas réussi à nous décaler dans l’ouest et nous avons gardé de la mer longtemps. Ca ne s’est calmé qu’hier soir. L’équateur est à 2000 milles, ça peut être assez long. Cette course reste une sacrée balade même si nous partons un peu tardivement en terme de saison. Le manque de vent est peut être dû à ça. C’est un peu longuet, ça change du multicoque. En tout cas, le printemps revient et c’est sympa. Ca donne envie de s’évader du bateau surtout que nous ne sommes pas loin des 90 jours de mer. Le bateau va bien mais je suis un peu inquiet. Je le trouve moins rigide qu’avant au près. Je n’ose pas trop tirer sur le gréement, il semble un petit peu fatigué. Je fais un check quotidien sur le pont. Mais là c’est plus l’histoire de tension de gréement qui me chagrine un peu. Il va falloir faire attention à bien contrôler le mât. »

Andy Meiklejohn (NZL) et Wouter Verbraak (NED) Hugo Boss : « Nous avons enlevé les bottes, à la remise, place aux chaussures ! Cela signifie donc la fin du sud et des froids polaires, nous sommes en pleine transition avec les alizés chauds le long de la côte brésilienne. Ca a été un soulagement incroyable de revenir dans des climats chauds. C’est fascinant que tout recommence à pousser ! Les ongles, les cheveux… après six semaines dans les mers du Sud, c’est comme si le corps avait retrouvé une nouvelle énergie ! »

Anna Corbella (ESP) GAES Centros Auditivos : « Ca y est, nous sommes dans l’hémisphère Nord. Nous avons franchi l’équateur il y a 20 minutes environ, c’est signe que nous nous approchons de la maison. On commence à remettre de la toile après notre réparation qui semble tenir. Et petit à petit on va retrouver un rythme normal de course. Actuellement nous avons un vent d’Est qui souffle à 10 nœuds, la mer est plate et il fait très chaud : l’eau est à 32° C. Même les seaux d’eau n’arrangent rien car ça sèche tout de suite, en nous laissant une couche de sel sur la peau ce qui est pire encore ! On aimerait bien quelques grains pour pouvoir nous rincer avec de l’eau douce. Mais aujourd’hui c’est une journée complètement claire, et on se prépare à la chaleur. On se met de la crème solaire toute la journée en cherchant de l’ombre ! L’intérieur du bateau s’est transformé en un véritable four ! Il n’y a pas du tout d’ombre c’est incroyable, le soleil tape verticalement et brûle beaucoup. C’est hallucinant. »

Classement du 28 mars à 16 heures (TU+2) :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 1211,6 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 267,3 milles
3 RENAULT Z.E à 1069,9 milles
4 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 1229,4 milles
5 NEUTROGENA à 1269,5 milles
6 GAES CENTROS AUDITIVOS à 1798,1 milles
7HUGO BOSS à 3286 milles
8 FORUM MARITIM CATALA à 3914,5 milles
9 WE ARE WATER à 5713 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 10338,7 milles
ABN FONCIA
ABN PRESIDENT
ABN GROUPE BEL
ABN MIRABAUD

Source : Barcelona World Race