Carnet de Bord / Le pied sur l’accélérateur pour Anne Quéméré

Il y a quelques jours, la côte disparaissait peu à peu, engloutie par un épais nuage de coton et j’ai eu le sentiment alors que je me séparais du monde des terriens, tout en douceur. Seules les lumières de Lima ont éclairé le ciel pendant les trois premières nuits, et puis elles aussi ont disparu là-bas vers l’est pour laisser place à l’obscurité.

Désormais le paysage autour de moi est vaste, ample et complètement ouvert… J’essaye d’évaluer la distance maximum à laquelle mes yeux peuvent porter et mon embarcation étant vraiment au ras de l’eau, j’imagine que mon regard ne doit pas aller au-delà les 5 ou 6 milles nautiques… La mare est grande, certes, mais vu de mon « kiteboat sweet kiteboat », mon terrain de jeu se réduit tout à coup à quelques petits kilomètres carrés. Comme quoi tout est relatif !

Pour Charles Lindbergh « l’aventure est dans chaque souffle de vent ». Il ne croyait pas si bien dire même s’il n’avait probablement pas imaginé qu’un jour des ailes de traction voyageraient ainsi sur l’océan. Pourtant s’il y a bien une aventure qui se nourrit de vent, en absorbe chaque souffle tout au long de sa route, et n’en a jamais assez, c’est bien cette traversée sur le Pacifique.

Et après avoir bravé la pétole dans les premiers jours qui ont suivi mon départ, me voilà maintenant dans une veine de vent de secteur sud-est de 15/17 nœuds qui, s’il n’est pas encore tout à fait stable, n’en reste pas moins présent pour me pousser vers ma destination.

Je positive donc, et m’accroche à la barre car avec la houle travers au vent qui déferle par moments, les navigations sont plutôt rock’n roll et très humides.

Anne Quéméré

Source : Pacific Solo