Transat Bénodet Martinique / Le coup d'éclat de Nicolas Lunven (Images)

A 29 ans, le jeune vainqueur de la Solitaire du Figaro 2009 Nicolas Lunven, skipper Generali, troisième assureur mondial, réalise, pour son coup d'essai, un coup de maître en remportant la transatlantique Bénodet Martinique. Il a franchi la ligne ce mardi 26 avril à 19 heures, 05 minutes et 5 secondes au terme de 16 jours, 5 heures, 13 minutes et 05 secondes de course, un nouveau record sur ce type d'exercice transatlantique en solitaire. Quatrième voici encore 36 heures, et alors que certains analystes le sortaient des pronostiques, Lunven a réalisé le petit coup de génie qui lui a permis de se recaler devant toute la flotte à 300 milles de l'arrivée. Il a ensuite, en habile régatier, su contenir les assauts de ses poursuivants pourtant tous resserrés en moins de 5 milles. Il signe ainsi sa première grande victoire océanique. Sur le parcours théorique de 3 474 milles, Nicolas Lunven affiche une vitesse moyenne de 8,93 nœuds.

Crédit : A Courcoux

Etonnant Nicolas Lunven ! Pour sa première course transatlantique en solitaire, le jeune skipper de Generali signe une trajectoire limpide, d'une efficacité à faire envie au plus chevronné des coureurs océaniques. Dans une épreuve relevée, au plateau particulièrement homogène ou pas moins d'une douzaine de skippers pouvaient prétendre à la victoire, Lunven a construit sa course "à l'ancienne", avec cette sérénité propre au marin uniquement omnibulé par la marche de son seul voilier, par ses choix de route et la quête perpétuelle du meilleur sillon météorologique à tracer, quelle que soit la pression des concurrents. Ainsi dès la sortie du golfe de Gascogne choisit-il de se caler cap à l'ouest, au plus près de la route directe, résistant aux sirènes d'une route plus sud apparemment mieux ventilée, du moins sur le court terme. Car Lunven voit loin, et dessine ses stratégies à moyen et long terme. C'est encore avec la sagesse et la certitude d'un vieux routinier du circuit qu'il décide ensuite, au milieu d'une première semaine de course intense, de traverser une toujours énigmatique et problématique dorsale anticyclonique, synonyme d'arrêt buffet dans la pétole. Nico mange sereinement son pain noir, tricotant dans les vents évanescents à grands coups de changements de voiles d'avant et de contre bords poussifs, tandis que les partisans du sud jubilent. Au plus près de la route directe, il fait merveille et demeure dans le wagon de tête au classement général. Mieux! avec l'arrivée de la dépression, il s'empare du leadership et croise devant toute la flotte en un long bord qui l'amène au sud des Açores.
Crédit : A Courcoux

Le nordiste est devenu sudiste. Mais le skipper Generali fuit les extrêmes, quels qu'ils soient. Dans le coup de vent qui s'annonce en ce deuxième lundi de course, Lunven cherche l'angle et la puissance de vent la plus optimale pour ménager sa monture tout en continuant à aller vite. La casse commence à prélever son écot sur la flotte et Lunven le marin habité de la sagesse d'un Le Cam ou d'un Desjoyeaux, sait instinctivement quand faire le dos rond. Il pointe alors en 5ème position du classement général provisoire, sa plus mauvaise place depuis le départ. Au coeur de l'Atlantique, et au dixième jour de course, Lunven semble oublier que jamais de toute sa jeune carrière il n'est demeuré aussi longtemps seul en mer. Il est tout à son affaire, la marche d'un bateau qui le pousse dans ses premiers retranchements en lui lançant un nouveau défi avec ce pilote automatique récalcitrant. A certaines allures, les safrans décrochent et c'est le départ à l'abattée. Nicolas n'a plus confiance. Il doit barrer en permanence pour rester au contact de ses camarades de jeu qui ont pour nom Fabien Delahaye, Erwan Tabarly et Thomas Rouxel. Mais l'homme est intelligent. Il sait que son salut passe par une réparation. La mécanique n'est pas son fort et Nico, froid et réfléchi, puise dans la rationalité de son esprit... et trouve les solutions. Generali repart de plus belle et Lunven s'offre le luxe de récupérer au coeur de la bataille de l'Atlantique. Car cette transat Bénodet Martinique bat tous les records de vitesse, avec un temps de course pour le vainqueur de 16 jours, heures et minutes, et les chiffres témoignent de la rudesse de la lutte que se sont livrés les jeunes loups de la voile française.

Crédit : A Courcoux

Au douzième jour de course, l'entrée dans des alizés au mieux de leur configuration, tonique à souhait et bien orienté dans le tableau arrière des Figaro Bénéteau, a permis à un petit groupe de ténors de s'échapper en vitesse pure. Rouxel, Tabarly, Delahaye et Lunven ne se quitteront plus, poursuivis avec une belle assiduité par la seule femme de la course, Jeanne Grégoire. Le fauteuil de leader s'échange au gré des classements. Las! Lunven semble un moment privé de ce petit jeu de chaise musicale ; au 13ème jour de course, les caprices d'un alizé chargé de grains orageux le piègent un moment, un moment seulement mais suffisant pour le sortir du triumvirat de tête. D'aucuns le donnent alors pour battu! c'est sans compter sans le flair, l'instinct, la hargne aussi du vainqueur 2009 de la Solitaire. Nico s'accroche. Nico s'entête, sans se départir de son calme analytique en passe de devenir légendaire. A 300 milles de la Martinique, il place une estocade magistrale. Imitant la très inspirée Jeanne Grégoire, et profitant de l'impitoyable marquage auquel se livrent les 3 hommes de tête, il provoque un petit décalage dans le nord de ses adversaires, touche le supplément de pression salvateur et passe irrémédiablement ses concurrents. Un déboitage "à la Ayrton Senna" digne des plus grands maîtres. La Martinique est en vue, et Nicolas Lunven précède ses devanciers d'hier d'une poignée de milles. Plus de décalage en vue. C'est un sprint de vitesse pure qui s'engage vers le sud de l'île et le passage obligé au rocher du diamant.... le final est à couper le souffle. Generali est premier à pointer au sud de la Martinique et à enrouler le célèbre rocher du diamant, avec un demi mile d'avance seulement sur Thomas Rouxel. Erwan Tabarly est à moins de 2 milles, et les Figaro foncent à plus de 11 noeuds! Lunven et Rouxel entament un époustouflant pas de deux au ras des côtes martiniquaises. Nicolas applique à la lettre les règles de base du match race et maintient rigoureusement son adversaire dans son sillage jusqu'à l'ultime marque de parcours. A 19 heures... minutes heure française, le jeune Vannetais s'adjuge en maître et pour son coup d'essai, sa première grande transatlantique en solitaire...

Source : Nicolas Lunven