Figaro / Marnage, dérapage, mouillage

Butant contre le courant de marée descendante à l’approche de la deuxième bouée anglaise, la flotte s’est scindée en petits groupes. Mais le leadership est toujours acquis au trio Rouxel-Lunven-Beyou alors que le courant contraire ne s’inverse qu’à 19h ce lundi. Les premiers concurrents sont attendus à Caen demain en fin de journée si Eole daigne maintenir un petit souffle…

Crédit : Courcoux-Marmara

En début d’après-midi, le soleil s’est invité aux abords des côtes britanniques, après que la flotte ait paré la pointe de Portland Bill, redoutée pour ses forts courants. Les 47 solitaires ont donc pu traverser la Manche rapidement la nuit dernière sous spinnaker, puis profiter de la marée montante pour engranger les milles dans un léger flux de Sud-Ouest jusqu’à atteindre le cap de Anvil Point, à peine à 12 milles de la deuxième bouée anglaise à virer, Fairway. C’est alors que la brise s’est essoufflée et que la renverse a totalement changé la donne !

Premier à souffrir de ces conditions : Louis-Maurice Tannyères (St Ericsson) a dû mouiller pour réparer quelques petits problèmes techniques et son filin s’est engagé dans un filet de pêcheur. Il a été obligé de couper sa ligne, mais a réussi à repartir pour se réfugier le long de la côte avant que le jusant ne l’emporte en marche arrière…

Car le courant est très fort le long des côtes anglaises avec un coefficient de marée de 101, qui provoque une amplitude (marnage) entre basse mer et pleine mer de près de 6 mètres ! La conséquence en est une renverse à 13h30 et un courant descendant (orienté Est-Ouest) contraire à la route des solitaires, qui a atteint au plus fort (mi-marée à 17h) jusqu’à 3 nœuds à la bouée de Fairway… Tant que le vent de secteur Sud-Ouest tient, les skippers peuvent aligner près de 5 nœuds de vitesse sur le fond, mais si cette brise thermique s’écroule en fin d’après-midi comme elle le fait habituellement, les derniers milles vont être extrêmement difficiles à grignoter. Les bateaux vont déraper sur l’eau et si leur vitesse n’est pas suffisante, il faudra alors mouiller par plus de 30 mètres de fond !

Courant alternatif
De fait, une fois paré Anvil Point qui protège l’entrée de Poole, la flotte a « explosé » en petits groupes derrière le trio des leaders, Thomas Rouxel (Bretagne Crédit Mutuel Performance), Nicolas Lunven (Generali) et Jérémie Beyou (BPI) qui suivent le chemin le plus court vers la bouée de Fairway. Mais le triumvirat est désormais talonné de très près par Gildas Morvan (Cercle Vert), Erwan Tabarly (Nacarat), le « novice » britannique Phil Sharp (The Spirit of Independence), Frédéric Duthil (Sepalumic)… Anticipant sur un calme dans les heures qui suivent, un pack composé de Laurent Pellecuer (Atelier d’architecture Jean Pierre Monier), Frédéric Rivet (Vendée 1), Morgan Lagravière (Vendée), Charlie Dalin (Keopsys) et Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), s’est faufilé le long des côtes anglaises pour tenter de s’abriter du courant et faire un « extérieur » dans la baie de Bournemouth. Le pari est risqué car si le vent ne mollit pas au centre de la baie, ils vont perdre beaucoup de terrain…

Autre manière d’aborder cette problématique britannique : se décaler au large à l’image de Thierry Chabagny (Gedimat) le plus au Sud de la flotte, d’Etienne Svilarich (Volkswagen Think Blue) et d’Alexis Loison (Port Chantereyne Cherbourg-Octeville), ce dernier payant très cher pour l’instant cette option avec 20 places perdues en 5 heures… Ce groupe espère que la brise va basculer et leur offrir un meilleur angle pour accélérer. Enfin, la situation est plus délicate pour les 12 solitaires qui n’ont pas encore passé la pointe de Anvil : emmenés par Michel Bothuon (Les Recycleurs Bretons), les marins ne peuvent plus miser que sur un arrêt complet de la tête de course pour limiter la casse.

Et la suite ?
Une fois enroulée la marque, les leaders vont pouvoir débouler vers le Sud-Sud Est sans trop se préoccuper de ce courant de marée qui deviendra alors pour eux traversier : leurs vitesses de rapprochement vers la Normandie vont au moins doubler pendant que ceux qui les poursuivent peineront encore à grappiller les mètres pour passer Fairway. Les écarts vont se distendre et ce, au profit des leaders qui auront tout de même à gérer un vent de secteur Sud assez faible. L’avantage conséquent, c’est qu’ils pourront se reposer quelques temps pendant que leurs concurrents verront avec angoisse les écarts en milles augmenter et la nuit se profiler à l’horizon, avec son lot d’effets thermiques peu réjouissants…

En fait, le rythme a été plus soutenu que prévu depuis le départ de Perros-Guirec dimanche puisque les 47 solitaires ont toujours bénéficié d’un flux assez régulier, même s’il fut parfois inférieur à 5 nœuds : l’arrivée devant Caen s’annonce donc possible pour mardi après-midi. Un raccourcissement bienvenu pour les marins mais quel sera le bilan sur la ligne d’arrivée ? De quelle marge disposera le leader, sachant que l’atterrissage en baie de Seine avec 102 de coefficient de marée n’est pas non plus une sinécure ? Quels écarts entre les premiers et le peloton ? La soirée anglaise prédit bien des surprises…

Classements à 16 h :
1. ROUXEL Thomas - BRETAGNE-CREDIT MUTUEL PERFORMANCE à 126.40 nm du but
2. LUNVEN Nicolas - GENERALI à 0.10 nm
3. BEYOU Jérémie - BPI à  0.20 nm
4. MORVAN Gildas - CERCLE VERT à 0.40 nm
5. TABARLY Erwan - NACARAT à 1.00 nm
6. SHARP Phil - The Spirit of Independence à 1.10 nm
7. DUTHIL Frédéric - SEPALUMIC à 1.20 nm
8. DROUGLAZET Eric - LUISINA à 1.20 nm
9. HARDY Adrien - AGIR Recouvrement à 1.60 nm
10. PERON Eric - MACIF 2009 à 1.60 nm

Source : La Solitaire