Vendée Globe / 35e jour de mer, Le Cléac'h, Gabart, Dick et Stamm racontent

Lentement mais sûrement, l’Océan Indien fait son travail de sape. Le traverser à toute berzingue n’est pas un gage de tranquillité. Depuis 36 heures, François Gabart (MACIF) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), seuls en tête, naviguent dans les grains, avec un vent qui passe soudainement de 20 à 40 nœuds, et une mer très mal rangée. Derrière, si les températures sont encore douces, la météo va peu à peu se détériorer pour tout le monde, y compris pour la poignée de solitaires encore empêtrée dans des zones de transition. 


Credit : BPCE

Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) vont bientôt faire connaissance avec Claudia et filer dans du nord-ouest soutenu.

Armel Le Cléac’h ne peut pas vraiment se relâcher depuis deux jours et la situation devrait se prolonger encore une bonne journée. « J’ai passé le cap Leeuwin à 0h19 TU et c’est rock & roll en ce moment ! Il y a beaucoup de grains depuis 24h et c’est un peu dur : le vent passe de 22 nœuds à 36 nœuds et ce n’est pas facile d’avoir la bonne combinaison de voiles avec cette mer croisée. Mais ça avance bien ! Le prochain objectif est la porte australienne Est et d’ici dimanche, je vais décider sur quel point je vais la passer, plutôt à l’Ouest ou plutôt à l’Est. Le moment de l’empannage va être crucial. »

Armel Le Cléac’h dans le sillage de François Gabart sait que de cette manœuvre va dépendre le long bord tribord vers le Sud de la Tasmanie car la dépression sur laquelle surfe les deux leaders tend à devenir stationnaire et à se combler. Derrière elle, une nouvelle perturbation pointe ses forts vents de Nord, et il faut que Banque Populaire se positionne juste devant sa trajectoire pour filer vers le Pacifique.

« On avance à peu près à la même vitesse que la dépression et nous allons donc avoir encore du vent mais ça va commencer à mollir d’ici 36h : cela va faire du bien pour se reposer un peu parce qu’il faut être sur les écoutes et sur le réglage du pilote en permanence en ce moment. »

Armel Le Cléac’h sait que son concurrent le plus proche n’a pas la même configuration de voiles et peut plus facilement glisser dans ces conditions musclées. Mais le skipper de La Banque de la Voile ne s'en fait pas pour cela, il possède d'autres atouts que ses concurrents n'ont pas.

« François (Gabart) a embarqué un reacher qui est très efficace dans ces conditions, mais j’ai d’autres armes qu’il n’a pas pour d’autres situations. J’essaye de ne pas me faire larguer et pour l’instant, ça va. Après un mois de mer, j’ai la forme : juste en ce moment, ça tire un peu sur le bonhomme… On devrait pouvoir récupérer d’ici 36h quand la brise va se calmer un peu. »


Les marins racontent
François Gabart :"J’ai peut-être mon petit secret"
" Ça va plutôt vite mais la mer est toujours mauvaise ; ce n’est pas facile de naviguer dans ces conditions mais on fait avec ! Pourquoi je suis toujours le plus rapide ? Ce sont un peu les mêmes conditions qu’il y a quelques jours dans l’Indien quand on allait vite en bâbord. Je pense donc que ce sont les petites différences dans les configurations de voiles et des bateaux par rapport aux ballasts, la quille… qui font, à la fin, que cela fait un nœud (de différence par rapport à Armel). J’ai peut-être mon petit secret, je ne sais pas... J’avoue que je ne me pose pas trop de questions en ce sens tant que c’est en ma faveur.  Je sais que j’ai vu un 29,3 nœuds au compteur. Je ne dis pas que je ne suis pas allé au-delà car ça, c’était hier ou avant-hier, et ce n’était pas un moment où j’allais vite. Je ne cherche surtout pas à faire des pointes parce qu’en général, quand tu fais des pointes, c’est lors de surfs qui se terminent souvent à 12-13 nœuds donc j’essaie surtout de tout faire pour aller vite en moyenne. » 

Jean-Pierre Dick :"L'anticyclone ne va pas me rattraper !"
"La bonne nouvelle du jour est que l'anticyclone ne va pas me rattraper. Je vais graduellement retrouver du vent au fur et à mesure de ma descente vers la prochaine porte. Cela fait du bien de se sortir de ce pétrin pétoleux ! Il était temps. Je suis par 48° sud et il commence à faire froid. J'ai eu l'onglée en allant sur le pont ce matin. Le froid te perce les os. Il doit faire 5°C, idem pour l'eau. L'embrun des premières lueurs du jour est frisquet !"

Bernard Stamm :"Ensuite il faudra faire attention à la météo"
"Le vent n’est pas encore établi, il y a 11 ou 12 nœuds de vent portant. Ça s’essouffle et derrière il y a Claudia (ndlr : tempête tropicale)... J’ai pu avancer dans les réparations depuis deux jours et remettre en route un hydrogénérateur. Là, je finis de réparer une voile, par contre je n’ai pas encore pu faire la colonne de winch. Il va falloir que je m’en occupe rapidement pour que rien ne puisse être laissé à la mer, c’est un petit problème qui peut créer un gros bordel. Et ensuite il faudra faire attention à la météo. Ce n’est pas vraiment un cyclone mais il y a des vents capricieux, il faut faire gaffe à ces phénomènes. Ma dent ne me fait plus mal, la pharmacie est limitée donc je ne prends les médicaments que lorsque j’en ai vraiment besoin. Depuis que j’ai mis le pansement, je n’ai plus de douleur et ça n’a pas l’air de s’infecter. Donc c’est plutôt une bonne nouvelle."

La phrase du jour :
"J'ai eu une rafale à 63 nœuds, une pointe de vitesse à 33. Mais là, ça a molli, je n’ai plus que 40 nœuds ". Arnaud Boissières


Classement à 16 h
1 - FRANCOIS GABART [ Macif ] à 13221,5 milles de l’arrivée
2 - ARMEL LE CLEAC'H [ Banque Populaire ] à 52,2 milles du leader
3 - JEAN-PIERRE DICK [ Virbac Paprec 3 ] à 490,1 milles du leader
4 - ALEX THOMSON [ Hugo Boss ] à 801,9 milles du leader
5 - BERNARD STAMM [ Cheminées Poujoulat ] à 859,7 milles du leader

Sources : Banque Populaire / JP Dick / Vendée Globe / Macif