ITW / 40 ans de voile pour Générali, Marie-Christine Lanne : "L’interne est un levier encore sous utilisé."

Generali fête cette année ses 40 ans de voile. Depuis 1975, 18 skippers, parmi lesquels Bruno Lunven, Gilles Le Baud, Pascal Bidegorry, Yann Eliès, ont navigué sous les couleurs de La Concorde puis de Generali. Laura Vergne, ancienne directrice de la branche plaisance de La Concorde puis Generali, est à l’origine de l’engagement de l’assureur dans le sponsoring voile. Marie-Christine Lanne, actuelle directrice de la communication et des engagements sociétaux de la marque, a repris le flambeau. Interview.


Crédit : JM Liot 



Pour quelles raisons Generali est-il devenue un sponsor de la voile ?
Laura Vergne : « L’histoire de La Concorde puis de Generali dans la course au large en solitaire a débuté par un accident. Nous assurions un voilier « port de Pornic » qui a coulé. C’est comme ça que nous avons rencontré le milieu de la voile. 40 ans de voile, 18 skippers, de grandes aventures, des amitiés… »


Vous avez été parmi les premiers à vous laisser séduire par le Vendée Globe : Alain Gautier l’a couru sous les couleurs de Generali Concorde.
M.-C. L. : « Il y a eu un point de bascule en 1989. Generali et La Concorde décident alors de s’engager dans le tout premier Vendée Globe. Le sponsoring qui avait vocation à soutenir notre activité en Plaisance est devenu un vecteur de promotion de l’image de l’entreprise toute entière. Nous pointions tous les jours la position d’Alain et celle de ses adversaires sur une carte que tout le monde pouvait voir dans nos halls d’accueil. Nous avons alors réalisé que cette aventure créait de l’émulation en interne, et que le cœur de notre entreprise battait pour notre marin, qui finira 6e dans cette grande aventure. »


Dans l’enthousiasme de ce premier Vendée Globe, vous armez Alain Gautier pour le BOC Challenge.
Laura Vergne : « Il n’y avait pas encore de vraie dynamique de groupe à l’échelle mondiale et, pour le BOC, on avait dû fédérer les filiales internationales - Generali est présent dans 60 pays -, dont une avec Europ Assistance en Afrique du Sud, qui viendra accueillir Alain lors de son arrêt au Cap. Alain finit alors 2e, il veut repartir sur le Vendée Globe, mais la crise immobilière de 1992 sévit et nos budgets doivent être vissés. Nous nous sommes repositionnés alors naturellement sur le circuit Figaro. »


Votre sponsoring change de destination et vous sponsorisez la Solitaire du Figaro…
Laura Vergne : « L’histoire de La Concorde puis Generali dans la voile a vite était très liée à la course de l’Aurore puis la Solitaire du Figaro. L’arrivée du Figaro Bénéteau 1 a marqué l’arrivée du professionnalisme dans ce milieu. Au fil de nos soutiens de skippers, je suis devenue présidente de la Classe Figaro. La Solitaire du Figaro et Generali est une histoire d’amour. Nous avons tout connu sur cette épreuve. Des victoires avec Gilles Le Baud, Alain Gautier, plus récemment avec Pascal Bidégorry et Nicolas Lunven, des problèmes techniques, des histoires de mer, des émotions… »

M.-C. L. : « En 1996, nous décidions de sponsoriser la Solitaire du Figaro, à une époque où le marquage se faisait dans la latte supérieure de la grand-voile et la course ne voulait plus accoler son nom à celui du sponsor. Au bout de trois ans, nous avons constaté que le retour sur image était insuffisant et nous n’avons pas renouvelé ce partenariat. Nous nous sommes alors positionnés sur la Solo Porquerolles (devenue Generali Solo) pour être sponsor en titre de cette course. »


En parallèle, vous décidez de mettre deux Figaro à l’eau.
M.-C. L. : « En effet, Pascal Bidégorry courait pour nous sur Concorde Plaisance puis sur Europ Assistance. Et nous avions, Laura et moi, un petit jeune en ligne de mire ; tout juste sorti de la filière Espoir-Crédit Agricole mais que son sponsor pressenti avait laissé tomber. C’était Yann Eliès. Nous espérions avec lui avoir notre deuxième génération. C’est comme ça qu’on a commencé avec Yann, en 1998, sur un bateau baptisé Generali Ambition. En 2000, Pascal gagne la Solitaire pour Europ Assistance avant de vouloir s’engager sur de plus grands projets. Nous avons continué avec Yann, qui va être champion de France deux ans de suite et qui va gagner notamment la Generali Solo. Seule lui échappera la Solitaire du Figaro pendant nos années de partenariat. »


Plus tard, vous repartirez sur un deuxième Vendée Globe, pour l’édition 2008-2009.
M.-C. L. : « Laura avait pris sa retraite et moi la responsabilité du sponsoring. Le contexte de l’entreprise se prête alors particulièrement à ce projet : nous avions l’objectif de fusionner toutes les anciennes filiales françaises sous la marque unique de Generali. Un 60 pieds, bien plus grand que les Figaro-Bénéteau, devenait le symbole parfait de cette grande entreprise que nous voulions alors créer avec, une nouvelle fois, la volonté de fédérer tous nos collaborateurs derrière notre navigateur. Mais, en 2008, débute aussi la crise financière, qui impacte directement l’activité de tout le secteur financier et la nôtre en tant qu’investisseurs. Alors, quand Yann part sur le Vendée Globe, par souci de transparence, nous lui annonçons que, quel que soit son résultat sportif, nous ne nous engagerons pas pour la suite sur un nouveau projet sur le circuit des 60 pieds, parce que le contexte financier ne s’y prêtait plus. Puis il y a son accident. On mobilise tous nos moyens pour le sauver, mais on n’arrivera pas à récupérer le bateau. Yann étant blessé, plutôt que de mettre un terme au contrat comme nous l’avions annoncé, nous avons tenu à continuer de le soutenir pendant un an et demi, le temps qu’il se reconstruise et revienne sur le circuit Figaro, puisqu’il avait gardé son ancien bateau. »

Et revoilà Generali sur le circuit Figaro…
M.-C. L. : « Yann, qui a soif de revanche, veut repartir dans le Vendée Globe. Forcément, il doit trouver un nouveau partenaire. Nos chemins se séparent après 13 ans de collaboration. Il nous faut trouver un nouveau skipper. C’est là que nous allons choisir un 2e petit jeune, Nicolas Lunven. Plutôt que d’armer un deuxième bateau Generali, nous choisissons de faire courir d’abord Nicolas sur CGPI (Conseillers en gestion de patrimoine indépendants), des intermédiaires avec lesquels nous travaillons beaucoup. C’est sous leurs couleurs qu’il va remporter le Figaro. 4 ans plus tard, comme tous les jeunes marins, Nicolas rêve d’horizons lointains. En 2014, il s’engage dans cette grande course qu’est la Volvo Ocean Race. Par fidélité aussi, c’est Nicolas Lunven qui nous propose comme skipper Alain (Gautier) : c’est lui qui lui a prêté son bateau l’année de sa victoire dans la Solitaire, et Alain songe à revenir sur la Solitaire. On retrouve donc notre marin d’il y a vingt ans : une sacrée impression pour moi ! Et, comme Generali est un espace très engagé pour promouvoir la mixité dans sa politique de ressources humaines, nous choisissons aussi de sponsoriser Isabelle Joschke, pour former désormais un team mixte et promouvoir un certain nombre d’actions que nous menons en faveur de la place des femmes dans l’entreprise et le business. »


Quelle leçon tirez-vous principalement de tous ces investissements successifs ?
Laura Vergne : « Le sponsoring est une histoire de fidélité. Il n’est positif que si nous agissons dans la durée. La voile colle à la peau de Generali. Etre 40 ans dans le même sport, ce n’est pas rien. Nous avons suivi 18 skippers et soutenu de nombreux événements comme le classement par points de la Solitaire du Figaro, les débuts du Tour de France à la voile. »

M.-C. L. : « Oui, les belles histoires se construisent dans la durée, c’est sans doute le plus grand enseignement de notre sponsoring. Avoir deux générations de navigateurs, c’est le signe de notre implication dans le temps, la marque de notre fidélité aux personnes, de la solidité des liens que nous tissons. Le sponsoring doit s’appuyer sur l’ADN des marques pour pouvoir durer. Chez Generali, c’était tout trouvé : notre compagnie est née dans le port de Trieste, nous avons donné au monde français de la plaisance sa première assurance en 1951, nous avons été parmi les « early adopters » du sponsoring voile. Notre place est sur l’eau : c’est inscrit dans nos gènes. Et puis la voile exprime bien la complexité de notre métier, la gestion du risque, dans toutes ses dimensions : c’est un sport mental, physique, mécanique, il faut maîtriser et assumer la lecture de la météo qu’on va affronter ; gérer les aléas de la mer ; anticiper pour arriver à bon port, il faut faire preuve de courage, de clairvoyance, de ténacité…»


Envisagez-vous de nouvelles activations ?
M.-C. L. : « Nous réflechissons avec le Directeur des ressources humaines à une meilleure intégration de nos sportifs dans la mobilisation de notre management. C’est vrai de nos navigateurs et navigatrice : les enseignements qu’ils ont tiré de leurs expériences maritimes peuvent être inspirants pour nous. Ces gens qui vivent des situations exceptionnellement difficiles peuvent nous apprendre beaucoup dans cette période où tout s’accélère dans le monde des entreprises et où le management est comme dans une tentative de record permanente. Il faut tenir dans la durée, gérer la fatigue, le découragement des autres, l’usure… Il faut construire ces rencontres, nouer ces dialogues entre managers et sportifs qui ont l’expérience de ces situations extrêmes. Si l’on veut que le sponsoring continue de se développer, il faut donner plus d’idées d’utilisation que les simples relations publiques ou l’image. L’interne est un levier encore sous utilisé. »


Les skippers – solitaire de Generali de 1975 à aujourd’hui :
Bruno Lunven 1975,
Michel Girard 1976,
Pierre Bonnet 1977,
Gilles Le Baud 1978,
Enrique Curt,
Luc Poupon 1979 et 1980,
Olivier Moussy 1981,
Sylvain Rosier 1982,
Patrick Eliès 1982, 1983 et 1985,
Christèle Andrieu - Jullien 1984,
Dominique Conin 1986,
Alain Gautier 1987 à 1990 / 2014 - 2015,
Bernard Gallay fin de saison 1991,
François Lamiot 1989 puis de 1991 à 1994,
Damien Savatier 1995,
Pascal Bidegorry 1996 à 2000,
Yann Eliès 1998 à 2010,
Nicolas Lunven 2009 à 2015,
Isabelle Joschke 2014 à 2015

par la rédaction
Source : TB Press