Les IMOCA amorcent le virage vers la Martinique, Charlie Dalin : "Nous sommes vraiment à fond avec Paul"

 

Lorsque l'on suit les courses IMOCA, il ne faut pas oublier que, si les marins connaissent parfois des heures difficiles, ils aiment avant tout être en mer sur ces bateaux. C'est ce qui saute aux yeux sur cette Transat Jacques Vabre et particulièrement en regardant l'une des dernières vidéos du bord, où l'on voit Thomas Ruyant et Morgan Lagravière, leaders de la course, rire et s'amuser pour célébrer, en retard, leur passage de l'équateur à bord de LinkedOut.

 

Crédit : Charal Sailing Team

Les deux Français ont jusqu’ici dominé la seconde moitié de cette transat de 5 800 milles et sont pour l'heure à l'avant-garde sur la route vers la Martinique. Le tandem, concentré sur la reprise de vitesse après la sortie du Pot-au-noir, n'a même pas remarqué qu'il avait franchi la ligne entre les deux hémisphères.
 
Les deux marins ont alors célébré la nouvelle avec un peu de rhum alors que le bateau glissait vers le waypoint situé au large des côtes nord brésiliennes. Marcus Hutchinson, manager de cette équipe qui court après sa première grande victoire sur ce bateau, affirme que le fait qu'ils aient manqué ce fameux point de passage en dit long sur l'intensité de la course en IMOCA.
 
"Ils rigolent à bord, mais ce qui est important, c'est qu'ils ont raté l'équateur parce qu'ils se concentraient avant tout sur l'accélération après le Pot-au-noir." confie-t-il. "L'équilibre entre une concentration technique et la capacité à raconter une histoire est super dans ce petit film".
 
Le Pot-au-noir a toujours été un passage important de la Transat Jacques Vabre, mais LinkedOut, qui mène la course depuis les îles du Cap Vert, a réussi à le traverser facilement, poursuivi par Charlie Dalin et Paul Meilhat (APIVIA), et Jérémie Beyou et Christopher Pratt (Charal), qui ont aussi pu passer sans trop ralentir.
 
Alors que Thomas et Morgan ont vu leur avance réduire de 70 à 30 milles, APIVIA et Charal se sont livrés derrière à une bataille intense, souvent à vue. Aujourd'hui, alors que les trois premiers naviguent au portant dans les alizés du sud-est le long de la zone interdite sud-américaine - définie pour éloigner les voiliers en course des bateaux de pêche non éclairés/non signalés - Charlie et Paul ont réussi à construire une marge de 50 milles sur Charal, et s’attèlent à rattraper LinkedOut qui n’est plus qu’à 30 milles devant.
 
Après bientôt 13 jours de mer, il reste aux leaders encore près de 1 800 milles à parcourir et les derniers jours de compétition ne seront pas simples. Il faudra à nouveau traverser le Pot-au-noir, puis affronter une dernière section dans les alizés du nord-est qui semblent mal établis et pourraient donc bien ralentir les bateaux à mesure qu'ils se rapprocheront de l'arrivée à Fort-de-France.
 
Charlie Dalin était soulagé hier d'avoir traversé le Pot-au-noir sans problème et appréciait la rapidité de la navigation vers Fernando puis vers l'équateur. "Nous sommes vraiment à fond avec Paul", déclarait-il. "Nous sommes très motivés - ça se passe toujours très bien à bord. Nous sommes un peu fatigués par le Pot-au-noir et le début de la course, mais c'est normal. On le savait et maintenant on en profite pour bien récupérer sur ce tronçon, pour être en forme pour la dernière ligne (pas) droite."
 
Les sept premiers bateaux sont actuellement répartis sur près de 605 milles. CORUM L'Épargne ferme ce groupe et rattrape le retard pris sur le début de course dans les petits airs au large de la Bretagne. En quatrième position, Sébastien Simon et Yann Eliès (à bord du sistership de CORUM L'Épargne conçu par Juan K, ARKEA PAPREC) sont d'humeur provocante.
 
Malgré les 350 milles de retard sur LinkedOut, ils ne perdent pas l'espoir de réduire l'écart. "Dans l'ensemble, nous n'avons pas eu d'arrêt et c'est plutôt positif", confie Sébastien à propos de sa traversée du Pot-au-noir. "Nous n'avons rien cassé et avons réussi à passer sans perdre de temps. Ce qui a fait la différence entre le groupe de tête et nous, c'est la période avant le Pot-au-noir, dans les alizés, où ils avaient de plus en plus de vent. J'espère que nous pourrons rattraper le trio de tête", ajoute-t-il, "nous resterons proches et saisirons toutes les opportunités."

Derrière les sept premiers, la bataille est intense entre les bateaux classés de 8 - Fortinet Best Western, co-skippé par Romain Attanasio et Sébastien Marsset (+703 milles sur le leader) - à 11, Nexans-Art & Fenêtres de Fabrice Amedeo et Loïs Berrehar (+729 milles). Entre les deux, Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe, navigue avec Jean-Marie Dauris sur Maître CoQ IV ainsi que Giancarlo Pedote et Martin Le Pape sur Prysmian Group.

Joint hier dans la soirée, Romain Attanasio affirme que Seb et lui n'ont eu aucun problème à bord de l'ancien Seaexplorer-Yacht Club de Monaco de Boris Herrmann sur le Vendée Globe. "Nos voiles vont bien", déclare le skipper. "J'ai eu la chance de pouvoir en commander trois nouvelles avant la course - le grand spi, le J0 et le J3 - et ce sont les trois voiles que nous avons en permanence en l’air. C'est parfait et le bateau est génial. Mon équipe technique a fait un excellent travail."

Il affirme être encore en apprentissage du bateau, tout en essayant d'en tirer le meilleur parti à différentes allures. "Nous avons beaucoup navigué depuis le rachat du bateau, mais il est évident que nous ne pouvons pas rivaliser avec certains de nos concurrents qui ont le même IMOCA depuis plusieurs années et qui ont fait le Vendée Globe avec", explique-t-il. "Nous sommes les seuls, à l'exception de Pascal Bidégorry (co-skipper de 11th Hour Racing Team-Mālama, 6ème à +532 milles) qui est un peu un "extra-terrestre", à avoir un bateau depuis si peu de temps. Il y avait Bureau Vallée aussi mais ils ont malheuresement dû abandonner."

"Nous ne trouvons toujours pas les bonnes commandes et les transitions sont plus longues, ce qui n'est pas le cas des autres. Sur Maître CoQ IV, Yannick connaît son bateau par cœur - il a gagné le Vendée Globe avec - et il n'a jamais de moment de relâchement, alors que cela nous arrive trop souvent."

Romain se dit déterminé à essayer de maintenir sa mince avance dans ce groupe intermédiaire alors qu'ils se dirigent vers la marque de Fernando de Noronha. "Nous espérions être dans le groupe de tête, mais ce n'est pas le cas", a-t-il déclaré. "Maintenant, nous allons essayer d'être à l'avant de ce groupe, nous allons tout faire pour cela, nous n'allons rien lâcher. Nous allons directement à Fernando - il y a beaucoup de grains, mais aussi du vent, donc c'est bien. Selon les grains, nous pouvons aller soit à huit nœuds, soit 30 nœuds - il y a actuellement 14 nœuds de vent et Fortinet-Best Western est à 21 nœuds, donc ce n'est pas mal."

"La route est encore longue", ajoute-t-il, "nous devons repasser par le Pot-au-noir, ce qui n'est jamais facile, puis à nouveau une succession d'empannages le long de la zone d'exclusion. La course est loin d'être terminée et nous sommes très heureux d'avoir encore notre spi en bon état."

Romain garde son dernier mot pour sa partenaire Samantha Davies qui réalise une excellente dernière course aux commandes de cet Initiatives-Cœur aux côtés de Nico Lunven. Ils sont actuellement cinquièmes et aux prises à une lutte serrée avec ARKEA PAPREC, à 240 milles dans le nord-est de Fernando et avec plus de 300 milles d’avance sur Fortinet-Best Western.

"Ils ont très bien navigué", confie Romain. "Le bateau a été très rapide dans les petits airs. Ce sont de fins stratèges, je ne peux que les encourager et les féliciter pour une belle dernière course avant que Sam n’ait son nouveau bateau."
 
 

 Source : IMOCA