ETA mercredi à Newport pour les premiers de The Ocean Race, "Le vent tourne dans tous les sens" dixit Christopher Pratt

 

Régater dans le Gulf Stream est comparable à une partie d’échecs. Ce courant de surface peut atteindre près de cinq nœuds voire plus. Il vaut donc mieux l’avoir avec que contre. Les concurrents de The Ocean Race doivent négocier avec ce courant aussi puissant que vicieux, ainsi qu’avec un ultime coup de vent avant la délivrance à Newport.

Crédit : A Auriol



Après des jours et des nuits dans l’alizé sous une chaleur torride, et ce depuis le départ du Brésil, les concurrents de The Ocean Race viennent de changer de décor. Fini le tribord amures ! Il a fallu transborder des centaines de kilos d’un bord sur l’autre, et sortir toute la panoplie des voiles d’avant, dans des vents capricieux et totalement aléatoires. Les températures tropicales chutent au fur et à mesure que les bateaux gagnent dans le nord, et les cirés sont à nouveau de sortie quand il faut manœuvrer. Les marins disputant un tel tour du monde en équipage, sont « inoxydables », et ne se plaignent quasiment jamais. Ils doivent maintenant composer avec une situation météo détraquée, car manifestement les fichiers reçus à bord ne sont pas vraiment en adéquation avec les conditions. « Le vent tourne dans tous les sens. Il devrait venir du sud-ouest mais oscille au nord-est » explique Christopher Pratt sur Team Malizia. « La mer est dégueulasse, et on est sous les orages... »

Le Pot au Noir pourtant aisément franchi serait-il remonté vers le nord ? Nicolas Lunven, le stratège météo du bord, passe des heures à l’ordinateur, faisant défiler les photos « sat » montrant la couverture nuageuse. « On essaye d’aller dans la bonne direction avec un vent à l’opposé des fichiers reçus… » Il y a des « bobos », comme cette écoute de J2, (la voile plate d’avant la plus utilisée) qui a cassé sans vraiment d’explications, donnant l’impression d’avoir été déchiquetée par un rapace. Sur GUYOT environnement - Team Europe, Sébastien Simon qui a dignement fêté ses 33 ans à bord ce week-end, se gratte la tête : « la question est de savoir quelle voile choisir. Nous en avons huit à bord. Tu as intérêt à faire le bon choix, car toute manœuvre de jour comme de nuit bouffe de l’énergie... » Le pont du plan Verdier VPLP construit en 2015 chez Green Marine, initialement pour le Gallois Alex Thomson, est jonché de débris de sargasses, ces algues ayant la « bonne » idée de se coincer dans les poulies, les padeyes, les rails… après avoir été découpées puis pulvérisées par le bord d’attaque des foils.

Il y a quelques jours déjà, Christian Dumard météorologue de la course, annonçait une fin d’étape très compliquée. Les modèles n’étaient pas encore tous d’accord, mais laissaient augurer une approche finale du type « loterie ». Un front violent est attendu ce 8 mai en fin de journée, avec à son passage des vents entre 40 et 50 nœuds outre un Gulf Stream très actif dans ces parages, et dans le nez… Sur des bateaux éprouvés par plus de 5 500 milles, il va falloir être prudent dans une mer qui promet d’être abrupte. Manifestement perturbé par le réchauffement climatique, le « courant du golfe » est désormais plus difficile à anticiper. Enfin, après le coup de vent, la journée de mardi s’annonce aussi tactique que décisive, un vaste anticyclone s’étendant de Washington à New-York. Les concurrents vont devoir négocier cette ultime zone de hautes pressions, avec des vents de secteur nord quasiment inexistants à l’approche de Rhode Island. « Nous sommes bien cramés » avoue l’Américain Charlie Enright, skipper de 11th Hour Racing Team, barbe drue et cernes autour des yeux. « Et on sait que le final entre le Gulf Stream et les DST, rien n’est joué. Je ne crois même pas que ce soit un avantage d’arriver à la maison. Tu peux perdre en quelques heures ce que tu as eu du mal à gagner durant deux semaines ! »

Ce lundi 8 mai, à moins de 700 milles et deux jours de l’arrivée, 11th Hour Racing Team précède Team Malizia de 18 milles seulement, Biotherm de 178 et GUYOT environnement - Team Europe de 223, décalé dans l’est, et dans une position stratégique intéressante.

Source : TOR