Quand on évoque le Vendée Globe, on pense immédiatement aux mers du sud. Et pourtant, le voyage dans les hautes latitudes australes ne dure qu’un tiers de la course. Et l’édition 2004 nous a prouvé pour la première fois que passer le Cap Horn en tête, même nanti d’une avance confortable, ne garantissait pas la victoire finale...Moments-clés et ambiances de course...
Les pièges du Golfe de Gascogne
Gare aux tempêtes de Sud-Ouest entre les Sables d’Olonne et le Cap Finisterre ! Le Golfe de Gascogne, tous les coureurs au large vous le diront, a la réputation d’un dur à cuire. Entre la remontée de fonds du plateau continental et les renforcements du vent aux abords des monts cantabriques, l’entrée dans l’Atlantique peut se révéler particulièrement cruelle pour les marins et leurs bateaux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si en 2000, le départ du Vendée Globe avait été retardé de quelques jours. Quand on part braver les quarantièmes et les cinquantièmes suds, on a largement le temps d’éprouver son matériel. En revanche, que s’établisse un courant de Nord et c’est alors la descente express vers la pointe Ouest de l’Espagne, puis Madère et Les Canaries. Un scénario souvent impitoyable pour ceux qui peinent à se mettre dans le rythme de la course. En 2004, le peloton de tête avait creusé d’emblée un écart tel que certains coureurs ont du cravacher pour tenter de le combler pendant tout le reste de l’épreuve.C’est ensuite la descente pour tenter d’accrocher au plus vite les alizés, négocier le passage des îles du Cap Vert pour se positionner avant la traversée du Pot au Noir. Si la vitesse est privilégiée, la navigation autorise parfois quelques petits coups tactiques qui peuvent se traduire par le gain ou la perte d’une centaine de milles en quelques heures.
Du Pot au Noir à Sainte-Hélène, place à la stratégie
Aux limites sud de l’hémisphère Nord, la zone de convergence intertropicale plus connue sous le nom de Pot au Noir est le cauchemar des navigateurs : vents erratiques, orages violents, pluies parfois diluviennes, la traversée du Pot au Noir s’apparente souvent au tirage de la loterie. Autant dire que les marins du Vendée Globe gambergent fort avant de l’aborder : étude des fichiers météo, analyse des zones les plus resserrées. Le plus souvent, c’est dans l’ouest que vient le salut. Du même coup il faut jouer un jeu tactique subtil en acceptant de rallonger sa route pour réduire au maximum la traversée de cette zone aléatoire.Passé l’Equateur, le casse-tête est loin d’être fini puisqu’il faut ensuite contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène avant de bifurquer vers l’est et rejoindre les vents portants qui emmèneront ensuite les coureurs vers l’Océan Indien. L’île de Sainte-Hélène est située au milieu du Golfe de Guinée, mais l’anticyclone qui porte son nom peut générer des vents faibles jusqu’au large des côtes du Brésil et de l’Argentine. Pour s’extirper des pièges de l’anticyclone, certains coureurs adoptent un rythme digne de la Solitaire du Figaro restant rivés des heures à la barre à guetter les moindres risées qui permettront de décoller. C’est ici qu’en 2004, Jean Le Cam et Vincent Riou avaient réussi un coup gagnant qui leur avait permis d’aborder l’Océan Indien avec près de 24 heures d’avance sur leurs poursuivants.
Océan Indien, le pays de l’ombre
C’est ainsi que Titouan Lamazou, vainqueur du premier Vendée Globe, avait surnommé cette vaste étendue entre le Cap de Bonne Espérance et la Tasmanie au Sud-est de l’Australie. La traversée de l’Indien plonge d’emblée les navigateurs solitaires dans un autre monde. Lumières basses, mer cassante, vents violents, atmosphère humide et froide, en quelques jours les marins du Vendée Globe plongent en solitude… Devant leur étrave, plusieurs milliers de milles pendant lesquels ils devront trouver le bon compromis entre la route la plus courte, donc la plus au sud et ne pas descendre au-delà de la limite des glaces. La transition est brutale, elle pèse sur le moral des hommes. Il faut arriver dans l’Indien mentalement préparé, confiant dans son bateau et sa capacité à le mener au mieux. Commencent les longues chevauchées dans une mer souvent croisée qui ne ménage ni le matériel ni les hommes. Là encore, tout est question de dosage : savoir aller au plus vite sans trop tirer sur le matériel, accrocher le même système météo que ses concurrents directs. Et surtout savoir durer...
Océan Pacifique, vers la délivrance
Jusqu’au Horn, il faut encore compter sur 20 jours de mer en moyenne. Insensiblement l’ambiance change. Les marins le disent : la houle devient plus stable, s’allonge, la mer est mieux « rangée ». Passé l’antiméridien, c’est le retour à la maison qui commence. Mais la descente vers le Horn est truffée de chausse-trappes. Premier d’entre eux, la présence d’icebergs jusqu’à des latitudes relativement Nord. Et une veille stressante pour les navigateurs qui s’ils peuvent détecter au radar les gros icebergs tabulaires, n’ont aucun moyen de repérer les growlers petits blocs de glaces à la dérive qui, s’il dépassent parfois de moins d’un mètre de la surface de l’eau peuvent encore peser plusieurs dizaines de tonnes. Le risque de collision est permanent et les heures passées sur le pont à tenter de détecter le danger ajoutent encore à la fatigue accumulée.
Il ne faut pas oublier non plus que les colères du Pacifique peuvent être redoutables : c’est ici qu’a disparu Gerry Roufs en 1996, et la descente le long des côtes du Chili peut vite se révéler dangereuse avec une côte sous le vent qui ne laisse pas d’échappatoire. Le passage du Cap Horn est une délivrance. Tous rêvent de pouvoir passer de jour à quelques milles au pied de l’île Horn, de manière à pouvoir déboucher le champagne avec le décorum nécessaire.
Atlantique sud, la terrible remontée
Ne l’oublions pas, une grande part des abandons du Vendée Globe survient en Atlantique Sud. Les bateaux sont éprouvés, peut-être aussi que la vigilance qui fut de mise pendant plusieurs semaines commence à s’estomper. D’autant que l’Atlantique sud peut aussi réserver quelques coups de pieds de l’âne à ceux qui s’imagineraient sortis d’affaire. Les pamperos, ces coups de vents qui sévissent au large des côtes argentines peuvent être d’une violence inouïe. La navigation est souvent complexe et les allures de près dominantes contribuent encore à fragiliser hommes et machines. Et il reste encore la traversée du Pot au Noir, même si dans l’Ouest, il est statistiquement plus étroit !
Atlantique Nord, la voie royale
Petit à petit, les solitaires du Vendée Globe retournent vers le froid. Les polaires sont de nouveau de sortie et l’on commence à compter les milles qui séparent de l’arrivée. Reste à négocier l’atterrissage sur les Sables d’Olonne. Bien souvent, il faut aller chercher les vents d’Ouest qui permettront de revenir en route directe sur le port vendéen. Petit à petit, les premiers signes de civilisation apparaissent : le croisement d’un cargo, quelques chalutiers en pêche sur la limite du plateau continental. Puis il sera temps d’apercevoir les feux de la côte, de se laisser porter jusqu’à la ligne, puis d’embouquer le chenal des Sables d’Olonne...Mais c’est une autre histoire.
Source Vendée Globe