Records / Francis Joyon : « j'ai pris 25 jours de nourriture »

A la Trinité sur mer hier matin, juste avant d'appareiller pour se rendre sur la zone de départ, Francis a accepté de se livrer au petit jeu des questions-réponses. Extraits

© François Van Malleghem / DPPI / IDEC

Francis, combien de temps comptes-tu mettre pour boucler ce nouveau record vers l'île Maurice ?
Je ne sais pas exactement, mais je me suis basé sur les moyennes du tour du monde et j'ai pris 25 jours de nourriture et d'eau.

Pourquoi ce départ ce samedi ?
On profite de la fin du flux d'est qui permet de sortir du golfe de Gascogne. Dès demain, ce vent sera remplacé par celui d'ouest d'une dépression. Pendant la bascule, il vaut mieux se retrouver au large du Portugal pour faire un cap au sud - sur un seul bord dans le vent de sud-ouest de la transition - plutôt que se retrouver piégé dans le fond du golfe de Gascogne. J'aurais pu attendre une situation encore plus favorable pour partir, mais cela aurait pris au moins dix jours. Or la saison des cyclones dans l'océan Indien commence début décembre… donc il ne fallait pas trop traîner.

Qu'est ce qui te motive à partir encore en mer, seul contre le chrono ?
Le bateau est passionnant à naviguer et le trajet intéressant, ça fait deux choses suffisantes pour avoir envie de repartir et de naviguer à nouveau sur ce super bateau ! Et l'idée d'un record de plus longue haleine qu'une transat sans être forcément un tour du monde demandait à être creusée.

Peut-on imaginer IDEC à l'équateur en sept jours ?
La situation météo est un peu difficile au départ… on fait avec ce qu'on a. Mais dans deux jours le vent d'ouest soutenu permettra de faire une route assez rapide, au vent de travers. On peut raisonnablement espérer être à l'Equateur en sept à huit jours. Cela va dépendre de la rapidité de la transition entre le vent d'est et celui d'ouest.

Ça risque d'être physique, voire périlleux, seul au travers sur un multi, non ?
Le bateau est taillé pour toutes les conditions, je ne pense pas que cela posera de grandes difficultés. Le pire en grand multicoque c'est quand on a des vents changeants au près.

Les principales difficultés ?
Le départ, déjà ! Ensuite le pot au noir qui pose toujours un certain nombre de problèmes, le raccord avec les alizés, le contournement de l'anticyclone de Sainte-Hélène… et puis bien sûr le virage au cap de Bonne Espérance qui est la difficulté majeure du parcours. Là-bas, le courant des Aiguilles peut être de 5 à 6 noeuds et il est inverse aux grands vents dominants d'ouest. Il prend la mer à rebrousse-poil et la creuse énormément. Même les grands cargos évitent cette route, tant la mer peut être dure là-bas…

Quelle alternatives pour contourner ce cap de Bonne Espérance, alors ?
On peut plonger plein sud pour contourner la zone, ou bien a contrario, rester en navigation très côtière car une petite bande à terre est à l'abri de ce courant des Aiguilles. Mais elle présente les difficultés de la navigation près des côtes : vents thermiques et instables, trafic maritime à surveiller… le tout sur une distance longue de près de 500 milles. En revanche cela raccourcit la route, alors que si on plonge plein sud on peut facilement se rallonger de 1000 milles. La décision sera importante et liée à la route que nous imposera auparavant le positionnement de l'anticyclone de Sainte-Hélène.

La route théorique est de 9000 milles, mais tu devrais en parcourir effectivement beaucoup plus ?
Oui, je vais parcourir effectivement au moins 10 000 milles. C'est comme pour le tour du monde qui est donné théoriquement à 22 000 milles mais on sait bien qu'en réalité on ne peut guère le faire à moins de 27 000 milles effectivement parcourus.


La totalité de l'interview sur le site du trimaran Idec.
Source : Idec