Barcelona World Race / Ca cogne sévère avec "Atu"

Ce samedi, la Barcelona World Race révèle son double visage de régate planétaire. En milieu de flotte, quatre équipages - Groupe Bel, Estrella Damm, Gaes Centros Auditivos et Hugo Boss - affrontent depuis le milieu de la nuit dernière des conditions dantesques. Au même moment, dans l’est de la dépression héritée du cyclone Atu, s’il n’y pas de face-à-face avec les éléments en furie, la lutte n’en est pas moins sauvage. Bras de fer pour la 3è place, confrontation au sommet pour le leadership : la guerre du Pacifique bat bien son plein sur tous les chemins qui mènent au Horn…

Crédit : Central Lechera Asturiana

Bienvenue au pays des conditions extrêmes !
« Des vents contraires de 40 nœuds, des rafales à 50, ça cogne sévère… » Dans leur message de la nuit, Kito de Pavant et Sébastien Audigane plantent le décor de fin du monde qui les entoure. En ce 57è jour de course, le Grand Méchant Sud a sorti ses griffes et montre ses dents. La copieuse dépression héritée de l’ex-cyclone Atu a en effet pris au piège dans les mailles très resserrées de ses isobares quatre équipages qui vivent des heures aussi éprouvantes qu’exténuantes. Il faut bien avouer qu’avec ses 800 milles d’envergure, mesurés ce matin quand son centre s’étendait dans l’est des îles Chatham, la bête féroce fait peur. Face à ce monstre à l’évolution aussi sournoise que rapide, tous ne sont pas logés à la même enseigne ce samedi. Tout dépend en effet du positionnement par rapport au phénomène qui, dans l’hémisphère Sud, génère tout autour de son cœur, des vents survoltés tournant dans le sens horaire. Les équipages de Groupe Bel et Estrella Damm, les plus exposés, voient depuis hier après-midi le vent monter dans les tours sur une mer démontée, parée de son manteau blanc des plus mauvais jours. Ils ont connu le pire ce samedi matin au petit jour (heure française) sur sa bordure sud. Leurs vitesses de progression de l’ordre de 16 nœuds cet après-midi révèlent qu’ils avancent désormais dans l’est de ce système dans un flux soutenu au portant.

Sécurité d’abord, cap au nord
Face à ce phénomène, le mot d’ordre est le même pour tous : la sécurité à bord d’abord. Les huit marins confrontés aux foudres de l’ex-cyclone Atu ont préparé le bateau, pris les ris pour réduire la voilure, se sont équipés en conséquence pour manœuvrer sur le pont et faire le gros dos dans ce coup de baston qui fait honneur à la réputation des latitudes australes. Profitant de leur « retard » par rapport à ce phénomène, les filles de Gaes Centros Auditivos ont surtout mis hier le cap au nord, et volontairement freiné leur progression. L’objectif était pour elle de s’écarter du centre et de se positionner sur la bordure supérieure de ce cette dépression très creuse surtout redoutée pour la mer mauvaise et impitoyable qu’elle lève sur son passage. Bien vu face à Atu ! Dee Cafarri et Anna Corbella, en mettant la course de côté, n’ont pas essuyé des vents contraires, et ont évité le risque d’un k-o. Quant à Wouter Verbraak et Andy Meiklejohn, ils n’ont malheureusement pas fini d’en baver. 200 milles dans le sud-est de Gaes Centros Auditivos, Hugo Boss flirtait ce matin avec le centre de la dépression.

Dans l’est de ces quartiers océaniques de temps de guerre, la course garde tous ses droits. La bataille bat toujours son plein pour la 3è place. Le bras de fer se poursuit entre Renault ZE et Neutrogena. Pachi Rivero et Tonio Piris, qui ont vu Ryan Breymaier et Boris Hermann revenir en force hier, ont désormais attrapé les mêmes vents de nord-ouest dans leurs voiles. Les Cantabriques, qui font preuve d’une belle combativité, progressent à près de 17 nœuds vers la deuxième porte de sécurité, distante de 200 milles environ ce samedi après-midi. Sur Mirabaud, Dominique Wavre et Michèle Paret n’ont pas encore dit leur dernier mot. Le double mixte mesure aussi que le chemin reste semé de pièges et d’embûches. La route est encore très longue pour rallier Barcelone avec encore plus de 10 300 milles à courir devant leur étrave après 57 jours de mer.

Pas de trêve aux portes des Cinquantièmes
L’immensité et l’inhospitalité de l’océan, voilà bien des aspects de la course que semblent occulter les deux équipages de la tête de flotte. Pas de trêve qui tienne ce week-end du côté des Quarantièmes. Les équipages de Virbac-Paprec 3 et de MAPFRE ne cèdent rien comme le prouvent encore les 10 petits milles qui ont bien du mal à les séparer au dernier classement. Par 48° Sud, ils profitent de conditions favorables pour encore accélérer la foulée vers la dernière porte de sécurité aux détours de l’Antarctique. Les 452 milles parcourus à 18 nœuds de moyenne par les champions olympiques espagnols donnent la mesure et la teneur de la course-poursuite infernale qui anime les devants de la grande scène pacifique à un peu moins de 2000 milles du cap mythique qui marque l’entrée dans les eaux de l’Atlantique. Les honneurs du Horn se méritent !

Ils ont dit
Dominique Wavre, Mirabaud : « Ici c’est vraiment tranquille avec un vent de Nord régulier un peu mollissant. Il fait gris et noir depuis pas mal de temps. La mer n’est pas trop forte donc ce sont des conditions plutôt clémentes. Neutrogena a un angle de vent un peu plus favorable avec un peu plus de force. Ils vont donc un peu plus vite et nous déposent pour l’instant, mais la suite est moins claire, donc c’est possible qu’on revienne. En tout cas, la bagarre est vraiment passionnante au milieu du Pacifique. J'imagine que ce doit être difficile pour ceux qui sont dans le cyclone. La mer croisée est très difficile à négocier. Le vent n’est jamais vraiment le problème c’est toujours la mer et les vagues. Ils doivent être dans un endroit qui ressemble à une marmite. Le niveau de stress doit être assez violent car on ne sait jamais quelle va être la violence du vent et des vagues. C’est assez angoissant et ça empêche de prendre un bon repos. Ce sont des circonstances que je ne leur envie pas du tout. Je serai soulagé et eux aussi quand ils seront sortis de ce cyclone ! »

Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 : « On dévale vers le Horn dans une eau glaciale et le compteur dépasse le plus souvent les 20 noeuds alors qu'il n'y a guère plus de vent. Mais jusqu'où va aller ce duo à bord à bord avec Mapfre ? Mon Virbac Paprec 3 sait que quand il y des Imoca à proximité, il va souffrir (comme Jolly Jumper quand les banditos sont à proximité) et là, c'est le cas ! On ne sait juste pas combien de temps encore. Un mois peut être ? A ce rythme, on sera à ramasser à la petite cuillère à Barcelona. Hier, beau moment, on s'est offert un Coca Cola avec Loïck pour le passage de la porte en tête. La bataille au grand portant a été féroce toute la journée et la nuit à coup de changements de voile et d'empannages dans des vent instables de près de 30 nœuds…»

Classement du 26 février à 15 heures (TU+1) :
1 VIRBAC-PAPREC à 8849 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 10 milles du leader
3 RENAULT ZE à 1230 milles
3 NEUTROGENA à 1293 milles
5 MIRABAUD à 1491,5 milles
6 GROUPE BEL à 1838 milles
7 ESTRELLA DAMM à 1924 milles
8 HUGO BOSS à 2073 milles
9 GAES CENTROS AUDITIVOS à 2201 milles
10 FORUM MARITIM CATALA à 3382 milles
11 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 3663 milles
12 WE ARE WATER à 4460 milles
ABD FONCIA
ABD PRESIDENT

Source : Barcelona World Race