Barcelona World Race / La route s’annonce encore longue jusqu’à Gibraltar

À chacun son histoire. Pendant que Virbac-Paprec 3 et MAPFRE s’apprêtent à livrer un de leurs derniers duels à distance dans les alizés de l’hémisphère nord, Gerard Marin, le benjamin de la course fête son accession au titre de cap-hornier. Pendant ce temps, GAES Centros Auditivos profite de ce qui apparaît comme ses plus belles journées depuis le départ de la course, quand Estrella Damm et Neutrogena voient s’envoler une part de leurs espoirs de podium dans les calmes qui les retiennent au large de Salvador de Bahia.

© BWR

On dit des îliens qu’ils ont acquis une patience forgée au rythme de la mer qui vient battre les flancs de leur territoire, que de savoir qu’ils peuvent être coupés de tout à chaque instant induit chez eux une sorte de fatalisme. C’est d’une certaine manière, un état d’esprit semblable que développent les navigateurs autour du monde, notamment quand il s’agit de compter les jours qui les séparent de l’arrivée. Car, si tous s’accordent à dire qu’ils ne pourraient se passer de vivre en mer, les mêmes reconnaissent à quel point l’absence de leurs proches, d’une certaine « normalité » de vie finit par peser… Pour tenir, ils apprennent à prendre leur mal en patience, ils évitent de se projeter au-delà du raisonnable, ils s’accrochent à des éléments très concrets… La compétition est, à cet égard, un moteur essentiel, tant elle permet de diluer certains états d’âme dans l’âpreté du combat pour gagner, ne serait-ce qu’une place.

Un, trois, cinq
Un, parce qu’il faut bien un début à tout. C’est le premier passage du cap Horn pour Gerard Marin, dont l’horizon s’était élargi progressivement, dans sa carrière de navigateur, des falaises du cap Creux à la traversée de l’Atlantique en 6,50. Mais passer le cap Horn après avoir encaissé les mers du Sud, traversé l’océan Indien puis le Pacifique, c’est changer de dimension. Pour sa première, Gerard s’est contenté d’un passage de nuit. On ne choisit pas toujours son moment et ce sera peut-être l’occasion de revenir, pour voir le cap Dur sous la lumière du jour.

Trois, c’est depuis cette nuit, le nombre de passages du cap Horn par Ludovic Aglaor, qui jusque-là, présentait un bilan équilibré avec un franchissement d’Ouest en Est d’une part, à bord d’Orange sur le Trophée Jules Verne et de l’autre, d’est en ouest à bord de Gitana 13 sur la Route de l’Or. Mais visiblement, c’est une expérience dont on ne sort pas blasé.

Cinq, c’est le bilan de Forum Maritim Catala qui avait déjà, par quatre fois, pointé son étrave au large de l’île Horn. Deux fois aux mains d’Ellen Mac Arthur en convoyage puis en course. Puis entre celles de Nick Moloney lors du Vendée Globe 2004. Enfin, lors de la première édition de la Barcelona World Race, c’est Albert Bargues et Servane Escoffier qui lui firent doubler le Cap.

À bout de souffle
Pour les hommes de tête, c’est plutôt l’incertitude concernant la météo entre les Canaries et Gibraltar qui taraude les esprits. Si la situation paraît à peu près claire jusqu’à l’archipel espagnol, avec un régime d’alizés plus ou moins établis, c’est la bouteille à l’encre pour la fin du parcours. Pour l’heure, il n’y a pas encore de route franche vers les portes de la Méditerranée et la prudence impose donc de se recentrer sur la route avant que la situation ne se complexifie.

De même, à bord des trois bateaux poursuivants, on a appris à se méfier des projections trop lointaines. Prendre les conditions de navigation au jour le jour, tenter de tirer le meilleur parti de sa monture sans tirer des plans sur la comète, telle est la sagesse à laquelle s’astreignent les navigateurs pour essayer d’évacuer la pression et rester au maximum de leur efficacité.

Seules les navigatrices de GAES Centros Auditivos ont un avenir à moyen terme dégagé de tout obstacle. Un vent stable et régulier, une progression constante : la routine peuve être parfois source de vraies satisfactions.

Quais des brumes
Pour Mirabaud, l’aventure s’est donc arrêtée à Mar del Plata. Malgré l’accueil extraordinaire reçu par Michèle Paret et Dominique Wavre, c’est bien d’une autre fin dont les deux rêvaient. Leur bateau blessé maintenant à quai, c’est vers d’autres navigations, peut-être encore plus hasardeuses, que va se consacrer le couple franco-suisse. Savoir si le monocoque devra être convoyé jusqu’à Montevideo pour être chargé sur un cargo, voir les conditions de transport, le port d’arrivée pour organiser ensuite le convoyage jusqu’à La Rochelle, port d’attache du bateau.

Pour Hugo Boss, toujours à quai à Port Stanley aux Malouines, c’est encore la course contre la montre de manière à espérer pouvoir reprendre la mer dès demain. Malgré tous les soins dont les deux navigateurs ont fait l’objet, il devient urgent de reprendre la mer, car chaque jour qui passe rend encore plus difficile le départ. Casser le rythme d’une aventure commencée quelque deux mois et demi plus tôt n’est pas des plus simples. D’où l’urgence de retrouver la litanie des jours qui passent avec, comme seul point de vue devant l’étrave, l’horizon.

Ils ont dit :
Cali Sanmartí, We Are Water : « Nous naviguons dans des conditions très agréables après cinq jours de mer forte et des vents entre 25 et 35 nœuds. Aujourd’hui cela s’est calmé. Nous sommes sous gennaker avec une bonne vitesse et au cap pour la prochaine porte, dernier point à valider avant le Horn. C’est une journée grise, assez froide et l’eau est à 9°C. Mais tout va bien à bord.
Cela n’a pas toujours été aussi facile. Nous avons eu un Indien et une mer de Tasmanie difficiles mais le Pacifique a été plus clément. Avec les fichiers météo reçus, nous calculons les différentes routes possibles pour arriver le plus rapidement possible vers les portes, avec toujours l’idée en tête de ne pas aller vers des zones trop proches des centres de dépression.»


 Gerard Marin, Forum Maritim Catala : « la course océanique, cela change beaucoup par rapport à la voile légère. Ici tu ne peux pas te permettre d’être à la limite, car la régate est longue et si tu as l’impression de pouvoir pousser un peu plus, tu peux vite te trouver en situation où ce n’est plus possible. La course océanique t’incite à réfléchir beaucoup plus. C’est une épreuve de patience et de réflexion. Courir autour du monde seul doit être dur et très difficile. Il faut être chaque jour encore plus raisonnable. C’est une manière difficile de naviguer, de manœuvrer… Pour l’heure je considère vraiment que c’est un exercice délicat. À partir de demain nous aurons du vent de face. La situation avec Hugo Boss sera très intéressante. C’est un bateau plus rapide que nous dans les vents forts au portant. Nous, nous sommes performants au près. Nous allons voir si nous pouvons nous retrouver à une centaine de milles d’eux. La régate n’en sera plus que motivante..»

 Anna Corbella, GAES : «Tout va bien. Nous avons quinze nœuds de vent de sud-est. Nous avançons assez vite… C’est très agréable. Surtout après le près qui fut un désastre l’autre jour. Nous avons passé une bonne nuit avec la pleine lune et un peu de chaleur, très agréable après tout ce froid. Cela fait un jour et demi que nous avons passé un front avec 35 nœuds de vent. Nous avons eu un petit incident. Nous avons cassé le ballast avant. Nous l’avons réparé ces dernières heures. Cette nuit tout était réglé. Maintenant, nous avons des conditions idéales. Nous sommes satisfaites de ce qui nous attend devant. »

Classement du 20 mars à 15 heures (TU+1) :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 2791,4 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 144,5 milles du leader
3 RENAULT Z.E à 860,1 milles
4 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 1045,8 milles
5 NEUTROGENA à 1051,9 milles
6 GAES CENTROS AUDITIVOS à 2091,7 milles
7 HUGO BOSS à 3676,1 milles
8 FORUM MARITIM CATALA à 4031,3 milles
9 WE ARE WATER à 5852,2 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 8758,9 milles
ABN FONCIA
ABN PRESIDENT
ABN GROUPE BEL
ABN MIRABAUD

Source : barcelona World race