Clarisse Crémer, skipper Banque Populaire, au Cap Horn à la 12e place, "Cela paraît à la fois très long et à la fois super vite"

 

Après avoir dû affronter des conditions épiques, Clarisse Crémer a franchi le 3e cap du Vendée Globe ce mardi à 22h18 (UTC). Alors qu’elle entame sa remontée de l’Atlantique, elle revient sur ces derniers jours harassants et évoque ses sensations du moment. Elle ne compte pas relâcher ses efforts et aspire à « repasser en mode compétition » jusqu’aux Sables-d’Olonne.

 

Crédit : C Cremer

Ce mardi soir, Clarisse Crémer a vu la terre pour la première fois depuis des semaines. Ce légendaire rocher qui se jette dans l’océan et qu’elle a frôlé à 30 milles n’est autre que l’un des caps les plus mythiques de la planète : le Cap Horn, le point de passage qui marque le retour dans l’Atlantique. « C’est très émouvant, confie la navigatrice. Il s’agit d’un endroit que je ne verrai jamais de cette façon dans ma vie de terrienne. »

 

Avant le Cap Horn, « le stress permanent » 

Derrière l’émotion, il y a la certitude du travail bien fait. Et pour cause : la jeune femme, qui ne navigue que depuis 18 mois en IMOCA, a parcouru près de 7 000 milles en l’espace de 59 jours. Elle a dépassé le Cap Horn 3 jours et 8 heures après le leader, Yannick Bastaven. Mais surtout, elle s’accroche. La traversée du Pacifique sud, éreintante, et les conditions du moment ont bousculé les repères à bord de Banque Populaire X. « J’ai l’impression que la terre a disparu », assurait-elle lundi. Même l’appréciation du temps semble délicate. « Cela paraît à la fois très long – j’ai l’impression que je suis partie des Sables d’Olonne il y a 10 ans – et à la fois super vite en me retrouvant catapultée au Cap Horn. »
 
Car rien n’a été facile ces derniers jours. « Je m’attendais à une certaine routine avec la succession des dépressions, en mode ‘grand tapis roulant’. Mais cela n’a absolument pas été le cas ». Et les caprices d’Éole et de Neptune se sont durcis à l’approche de la Terre de feu. Banque Populaire X a dû affronter des conditions « féroces » dixit la navigatrice avec des rafales de plus de 40 km/h et des vagues de plus de 7 mètres. « J’en avais ras le bol », souligne-t-elle, évoquant ces derniers jours « le stress permanent », les nerfs soumis à rude épreuve et les vagues qui déferlaient par l’arrière de son bateau.

 

La remontée de l’Atlantique, une nouvelle aventure 

Pourtant, le résultat est là : Clarisse Crémer poursuit sa progression, à la 12e place du Vendée Globe, après avoir déjà effectué plus de 70% de sa circonvolution. « J’ai encore du mal à réaliser », confiait-elle enjouée ce mercredi matin à son équipe. Désormais, les conditions s’améliorent et offrent un répit plus qu’approprié. « Là, j’ai de la pétole », expliquait-elle, ravie de pouvoir évoluer à proximité des côtes.
 
Alors, malgré la fatigue, Clarisse en a profité pour faire un check-up complet du bateau. « J’ai fait un tour sur le pont, ajusté de petits détails, c’était du bricolage ». Banque Populaire X est donc en ordre de marche pour affronter la suite de l’aventure et la remontée vers le nord de l’Atlantique. La navigatrice s’attend à « avoir du vent pendant au moins 5 jours » qui devrait l’emmener à une vitesse conséquente à la latitude Malouines. Si elle tient à se ménager autant que son bateau, elle garde néanmoins un goût certain pour le défi et affirme son ambition : « repasser en mode compétition » jusqu’à l’arrivée, aux Sables d’Olonne.
 
« Je suis un peu fatiguée après cette dernière semaine où les conditions étaient féroces. Le passage du Cap Horn était émouvant. Je trouve ça génial, c’est la fête ! Tout s’entremêle : la fatigue qui s’accumule, l’obligation d’être concentrée en permanence et l’émerveillement du passage du Cap Horn. Même si j’ai encore du mal à réaliser, je suis fière d’être parvenue à arriver jusqu’ici sans me décourager.
 
Dans le Pacifique Sud, les conditions ne sont jamais les mêmes et c’était très perturbant. Il fallait s’adapter à chaque fois et gérer de nouvelles façons de naviguer. Et puis je n’avais jamais vécu des dépressions aussi fortes que ces derniers jours. Dans ces contrées-là, tout est très particulier. Tu navigues en sachant que tu n’as pas le droit d’avoir un problème. Tu navigues comme si tu avais peur.
 
Pourtant, je n’ai pas eu de gros problème et je reste dans le bon rythme. Cela démontre que j’avais placé le curseur où il fallait. Désormais, j’aimerais beaucoup réussir à repasser en mode compétition jusqu’à l’arrivée. Certes, je sais que la distance est encore longue. Je suis quand même fatiguée, et mon bateau présente aussi quelques petits signes de fatigue. Mais globalement, je suis contente de la façon dont j’ai navigué jusque-là.
 
D'un côté, j'ai hâte que tout se termine pour me dire que tout va bien. Et de l'autre, je me dis que ca va vite se passer et qu'il ne faut pas que j'oublie d’ancrer ces souvenirs dans ma tête. On est parfois tellement concentré sur l’objectif, sur les petites choses qu’on a à faire au quotidien à bord, qu’on en oublie de rêver. Il faut bien que je pense à tout ça.
»
 
Source : D Gallais