Arrivée d'Armel Le Cléac'h, Banque Populaire XI contraint à l'arrêt le 10 novembre dernier, vient de franchir la ligne d'arrivée de la Route du Rhum

Armel Le Cléac'h vient de couper la ligne d'arrivée de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe après 10 jours, 22 heures, 49 minutes et 24 secondes de course à bord du Maxi Banque Populaire XI. Il est arrivé à Pointe-à-Pitre 4 jours 3h 1mn et 59’ après le vainqueur Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild).

 

Crédit : BPCE

Armel Le Cléac’h partait de Saint-Malo le mercredi 9 novembre dernier avec une soif de victoire, lui qui avait chaviré au large des Açores lors de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2018. Grand favori de la 12e édition de la célèbre transatlantique en solitaire, le skipper du nouveau Banque Populaire XI lancé en avril 2021 a subi la casse de la dérive dès le jeudi 10 novembre, le contraignant à faire route vers Lorient pour réparer. Une autre course commence alors pour l’équipe technique de Banque Populaire afin que le skipper puisse repartir rapidement. 36 heures après, Armel Le Cléac’h reprend la route vers les Antilles pour « terminer l’histoire et continuer d’avaler les milles. » 

Armel Le Cléac’h prend du plaisir, beaucoup de plaisir à naviguer sur son trimaran géant : « Ce sont des machines incroyables » racontait-il à la vacation deux jours avant son arrivée. Banque Populaire XI termine 7e de la catégorie Ultim 32/23 mais peut se satisfaire d’avoir désormais en main un bateau qu’il connait parfaitement et d’avoir été au bout de la course.

« Il y a pleins de sentiments qui s’entremêlent et forcément de la déception. J’étais venu pour jouer autre chose qu’une transatlantique loin des autres. Au final, ça reste une belle aventure. On a déjà réussi à repartir, c’était un beau pari, un beau challenge que l’équipe a pu relever à cause de sacrés dommages sur le bateau. Pendant 36 heures, toute l’équipe s’est mobilisée et a fait un super travail pour repartir et reprendre la mer il y a huit jours. Après, j’ai fait ma course différemment. Je me suis donné un autre objectif en essayant de rattraper les bateaux qui étaient devant. C’est toujours positif et motivant de doubler les petits camarades. J’aurais bien aimé dépasser les deux Ocean Fifty ce matin mais je n’ai pas réussi ! J’ai essayé de faire une bonne trajectoire, de continuer à apprendre sur ce bateau parce que c’est une expérience qu’on ne fait pas souvent en solitaire et en compétition sur de telles machines. La déception est là, c’est sûr, ce n’est pas ce que j’imaginais ».

Sa 2e partie du parcours. « J’ai retrouvé très vite mes sensations, mes vitesses. Dans les dernières 48 heures, j’étais à fond dans les alizés, sous grand gennaker. Ça marchait entre 33 et 40 nœuds de vitesse, c’était génial ! Le bateau était fantastique, tout en étant en sécurité, en se sentant bien. J’allais dormir, je n’étais pas stressé alors que le bateau volait et allait très vite. J’aurai bien aimé le faire avec d’autres mais je le faisais pour moi-même, pour toute l’équipe et pour le sponsor, Banque Populaire qui nous a fait confiance dans ce projet. On avait envie de réussir, au moins de terminer cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe. C’était important, on n’avait pas réussi à le faire il y a quatre ans, d’autres n’ont pas eu la chance d’aller au bout cette année. On a eu la chance de repartir et on l’a fait. »

L’avarie. « C’est vrai qu’il y a des aléas dans la vie de marin qu’il faut accepter, c’est dur. On a beaucoup travaillé pour ce bateau, on était bien parti, on était dans le match après 24 heures. Tout se déroulait très bien et puis en quelques secondes, tout bascule. C’est dur à avaler mais ça fait partie de la course au large, ça reste un sport mécanique. Les Ultim 32/23 ont quand même montré qu’on avait bien progressé en termes de fiabilité. Au final, le bateau est à l’arrivée, prêt à repartir et tous les autres Ultim ont réussi aussi. Je suis très content d’être dans cette spirale-là, dans ce projet-là. Oui, la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, il faudra y revenir, clairement. J’y serai dans quatre ans. »

J’avais à cœur de ne pas lâcher. J’aurais pu me dire : « je rentre chez moi, je me mets dans le canapé et je laisse tomber ». Mais surtout pas. Aujourd’hui, on avait tout pour réussir à repartir, écrire une autre histoire et on a réussi, avec toute mon équipe. Je suis content d’avoir fait ça, même s’il n’y a pas le résultat au bout. Ça doit aussi montrer l’exemple pour les gens qui nous suivent. Beaucoup de gens m’ont envoyé des messages pour me dire que c’était super de repartir, ça m’a beaucoup touché. »

L’émotion. « C’est quatre ans de travail. Ça fait beaucoup de temps que je vivais et pensais à cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe. On imaginait des scénarios différents, on savait que la casse existait. On n’a toujours pas compris pourquoi on a cassé cette dérive. Nous avions mis tous les moyens pour éviter ce genre d’avarie donc ça ne s’explique pas. C’est ce qui est dur à avaler : on peut faire des erreurs de manœuvres, de conduite mais ce n’est pas le cas ici. C’est dommage de ne pas être allé au bout. Ça va faire partie de notre expérience. Pour l’avenir, on sait qu’on doit encore progresser et cette avarie nous servira dans les mois et les années à venir. »

Le travail d’équipe. « La façon dont nous avons géré ce problème, ça montre le professionnalisme du Team Banque Populaire. On s’est tous mobilisé et eux les premiers, dès que j’étais en train de revenir à Lorient pour réparer le bateau alors qu’on n’était pas encore certain de le faire. Tout le monde s’est donné à 200%, certains se sont relayés en dormant à l’arrière du camion pour enchaîner les heures de ponçage et de réparation en composite. Et au final, j’ai pu repartir le plus vite possible. Pour moi, ça m’a donné l’envie et la motivation de finir la course pour les remercier d’avoir accompli cette mission. »

La suite. « Nous avons un tour du monde à faire l’année prochaine en solitaire. Ce sera un gros morceau. Terminer cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe me permet d’être qualifié. C’était un objectif secondaire mais ça nous permet de travailler sereinement cet hiver pour préparer ce grand rendez-vous. Ce sera un monument de la voile. Faire le tour du monde sur ces bateaux-là, très peu l’ont fait. Moi, je ne l’ai pas fait encore. On a un peu plus d’un an pour y arriver. À nous de travailler encore pour être dans le match jusqu’au bout. »

La victoire de Charles Caudrelier. « Je suis très heureux pour Charles. Pour moi, c’était l’adversaire à battre. Il a fait une superbe course en étant à fond dès le départ. Je me suis dit qu’il fallait s’accrocher, ce que j’ai fait pendant 24 heures, j’étais dans le match avec lui. Je savais qu’il y allait avoir des opportunités pour être avec lui jusqu’au bout mais je les ai laissé partir. Je suis très content pour lui, il la mérite amplement en menant la course quasiment de A à Z avec un super bateau. Il m’avait envoyé un message quand j’ai fait demi-tour, quand je suis reparti. Et je lui ai envoyé un message à l’arrivée. »

Les échanges à la VHF. « C’était sympa de pouvoir échanger avec pas mal de marins. Il y a beaucoup de compassion, notamment de ceux qui ont déjà vécu ça. Il y a eu Nicolas Troussel (Corum) que j’ai croisé à l’aller et au retour. On est tous passé par là, il savait l’émotion que je pouvais avoir à bord. Quand j’en ai doublé, ils étaient contents de me savoir à nouveau en course. »

Source : M Le Berrigaud