Vidéo / Thomas Coville de retour à Brest

Après avoir franchi la ligne d'arrivée de son tour du monde en 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes, Thomas Coville nous livre ses premières impressions :

Parle-nous de ta vie à bord… ?
"En 1997, avec Olivier de Kersauson, on a fait le tour du monde en 71 jours et aujourd’hui, en solitaire, j’ai mis 59 jours. Plus tu vas vite, plus la mer est difficile, plus c’est dur, plus ça casse. Nerveusement, c’est usant, exténuant. Quand tu n’as pas de long flux, tu changes tout le temps de voile. Ça demande un engagement physique et quotidien permanent. Je n’ai dû dormir que dix fois à l’intérieur du bateau ; j’étais toujours à l’extérieur, dans le cockpit, l’écoute à la main. Je m’installe sur un pouf spécial, comme un matelas avec des billes. Pour parvenir à dormir, il faut que je ne ressente plus le vent sur mon visage. Dormir sur la plage, ce n’est pas pour moi ! Je mets donc une cagoule et je garde l’écoute à la main. Comme ça, j’ai toujours une relation tactile à mon environnement et au bateau. Il est arrivé aussi que je passe deux jours et demi – trois jours sans dormir."




Le tour du monde en 59 jours, c’est exceptionnel, pourtant ta déception est grande...
« Cela ne vous semble peut-être pas être la bonne logique, mais celle du compétiteur est de gagner. Je suis un compétiteur, je suis parti pour ce record. Rien d’autre ne me motive. Rien ne me pousse à tel point dans mes retranchements…même si ça ne paraît pas forcément sain. Dans la vie, il y a le premier tour du monde et les autres. Dans le premier, tout est initiatique, tout est beau, tout est extraordinaire. Si tu es déçu par cette première fois, tu n’y reviens pas. Mon premier tour du monde avec Olivier de Kersauson, ça a été un cauchemar humain, mais c’est un super souvenir. Depuis, j’ai une relation fabuleuse avec Olivier. Si tu y retournes, c’est pour la compétition, pour le résultat sportif. Ce défi autour du monde, c’était pour le record. Je me souviens quand Ellen MacArthur a raté son record de l’Atlantique pour 75 minutes, en 2004. Je me souviens de son amertume, ça m’avait frappé. Ellen ne se met pas de limite. »

Qu’as-tu appris ?
« Sur ce tour du monde, j’ai découvert qu’on se fixe des limites quand on est à terre, mais que dans le fond, elles n’existent pas. A terre, on a toujours le choix. En mer, on parvient toujours à repousser ses limites. Par exemple, quand j’ai dû changer cinq lattes par moins quinze degrés, j’ai commencé par mettre des gants. Mais, je n’arrivais à pas à travailler, il n’y avait rien à faire. J’ai retiré mes gants et j’allais me réchauffer toutes les vingt minutes. Et puis, j’ai fini par faire le boulot sans retourner me réchauffer. Et là, tu te gèles les doigts. Je veux dire, vraiment gelés. Ils étaient noirs. Là, tu passes à un stade où tu ne te donnes plus le choix. »

Source : Sodeb'O