Certains le disent ouvertement quand d'autres masquent sous une bonhomie de façade leur impatience de se retrouver enfin en mer. Mais qu'il s'agisse des navigateurs expérimentés comme Gildas Morvan (Cercle vert) qui abordera sa dixième traversée transatlantique, ou de véritables néophytes de la grande traversée comme François Gabart (Espoir région Bretagne), tous ressentent cette petite poussée d'adrénaline qui rend les nuits plus courtes et les journées plus intenses.
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Pour tromper le temps, chacun a truc : s'isoler dans sa bulle en compagnie de la famille comme Louis-Maurice Tannyères (Nanni Diesel), taper dans la balle de golf pour évacuer la pression comme Gérald Véniard (Macif) ou bien encore répondre aux dernières sollicitations des partenaires comme Armel Tripon (Gedimat) ou bien encore Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles)…
Cette envie de se jauger est d'autant plus forte que si le plateau est moins étoffé qu'il y a deux ans, la qualité est bel et bien au rendez-vous. Difficile de désigner un vrai favori, voire de donner avec certitude le tiercé gagnant, même dans le désordre, tant les candidats à la victoire sont légions. On trouve ainsi deux anciens vainqueurs Nicolas Troussel (Financo) et Eric Drouglazet (Luisina), le Champion de France de Course au Large en Solitaire en titre en la personne de Gildas Morvan et quelques unes des plus fines gâchettes de la série Figaro Bénéteau, comme Erwan Tabarly (Athema) ou Franck Le Gal (Lenze).
Une entame en douceur avant l'heure des choix
Pour démarrer, les solitaires devraient rencontrer de petits airs pour leur première nuit de course. Mais dès lundi, la situation devrait évoluer rapidement avec l'arrivée d'un front qui apportera dans ses bagages son lot de vents soutenus. Gare à ceux qui seront restés musarder dans le golfe de Gascogne, car comme souvent, ceux qui toucheront le vent les premiers risquent de creuser un écart conséquent en quelques heures. Ensuite se posera le choix cornélien entre l'orthodromie, la route la plus courte, dite aussi route du nord, et la tentation de pousser les feux de sa machine plein sud pour accrocher les alizés. D'un côté, une route séduisante sur le papier, proche de la perfection mathématique mais bien souvent à rebours des vents dominants. De l'autre, l'autoroute des alizés quand le bateau surfe sur la vague et le cockpit se remplit d'eau par l'arrière faisant office de pédiluve. Mais bien souvent au prix d'une route dont on sait qu'elle sera rallongée sensiblement dans les premiers jours. Accepter de perdre des milles pour les regagner ensuite demande une véritable confiance dans ses choix de même qu'un mental de fer. Même si l'on sait que statistiquement, les sudistes ont remporté presque à chaque fois cette simili guerre de sécession.
Mais une course ne se gagne pas que sur les choix stratégiques : il faut aussi être capable d'aller vite, se sentir en toute confiance avec sa machine. Entre navigateurs et préparateurs, ces dernières heures sont aussi l'occasion de vérifier une dernière fois la check-list, d'embarquer les vives frais qui sont une dernière manière de s'attacher encore à la terre ferme, de compulser maladivement des notices techniques archi rebattues. Si certains attendent ces premières heures avec une pointe d'appréhension d'autres à l'image de Yannig Livory (Cint 56) ou les anciens de la Mini-Transat comme Isabelle Joschke (Synergie) ou Adrien Hardy (Agir Recouvrement) ne cachent pas le plaisir qu'ils éprouvent à pouvoir se coltiner avec soi-même pendant trois semaines. Il en est un pour qui cette Transat BPE aura un goût particulier : pour Victor Jean-Noël (Pays-Marie-Galante), Guadeloupéen d'origine, chaque mille parcouru sur la route sera autant de gagné sur le retour au pays.
Ils ont dit
Franck Le Gal, skipper de Lenze :
« A 24 heures du départ, je profite au maximum de ma famille qui est là et j'essaie de bien me reposer. On sait qu'on va partir avec un temps mou et qu'il va falloir ensuite négocier une succession de fronts qui vont générer de grosses conditions. Il va y avoir du jeu et des options à tenter. L'important sera d'être bien positionné par rapport à l'anticyclone des Açores au bout d'une semaine de course. Je redoutais une course de vitesse et ce ne sera pas du tout ça. Tant mieux ! »
Laurent Voulzy, parrain de la Transat BPE Belle-Île-en-Mer – Marie-Galante 2009 :
« Les destinées des chansons sont parfois étranges. Elles sont un peu comme des enfants. On leur donne naissance et on ne les maîtrise plus. Ce qui est arrivé à cette chanson « Belle-Île-en-Mer – Marie-Galante » est extraordinaire. Elle permet aujourd'hui des échanges entre deux îles que j'aime et à une course de les relier. J'aime énormément l'univers de la mer, les marins, être sur l'eau et la contempler. Je fais un tout petit peu de voile. J'ai vite peur seul sur un bateau et j'ai d'autant plus d'admiration pour ces quatorze marins qui partent. Cette aventure est bouleversante. J'ai une chance inouïe d'avoir provoqué ça. Je reçois beaucoup plus que ce que j'ai donné… »
Jean Maurel, directeur de course de la Transat BPE :
« Il y aura peu de vent au départ demain, malheureusement pour le spectacle. Dans le golfe de Gascogne, les concurrents vont très vite se trouver confrontés à un passage de front et avoir des vents de Sud Est à Sud Ouest. Ce type de situation est toujours intéressant, cela met un peu d'ordre dans la flotte. Pour la suite, l'anticyclone des Açores est tellement gros et bien établi que les conditions sont idéales pour avoir une vraie porte des alizés ».
Source : Transat BPE