Transat BPE / Les jeux sont faits, rien ne va plus.

Cap à l'ouest. Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) n'a finalement été que le précurseur d'un mouvement général en pointant son étrave vers le large. Petit à petit, toute la flotte s'éloigne des côtes de Galice en profitant d'un retour de vent au sud-ouest pour progresser sur la route. Si les hommes du sud goûtent de profiter de conditions plus clémentes, les partisans de l'option nord espèrent recueillir les fruits d'une navigation compliquée dans des vents forts et une mer formée en bénéficiant plus tôt d'une première bascule des vents au nord-ouest. Calé légèrement dans le sud de Thierry Chabagny, Gérald Véniard (MACIF) s'est emparé de la tête du classement provisoire


© AFP / Marchel Mochet

Visiblement, il faudra encore attendre avant de retrouver des ambiances sèches. Depuis maintenant plus de deux jours, les solitaires de la Transat BPE sont soumis au régime du perce-vague. Escalader les crêtes, anticiper l'instant où l'étrave va retomber mettant à mal le gréement et la vitesse du bateau ; trouver le bon compromis entre cap et vitesse dans des conditions qui, si elles n'ont rien de dramatiques, usent bonhomme et matériel. La tentation est grande alors, de mettre un peu de sud dans son cap, de tenter de gagner au plus vite en latitude pour espérer accrocher les alizés. Mais pour les durs au mal, le salut passe peut-être par l'ouest. En acceptant de se faire balloter par une mer de plus en plus formée, les tenants de cette option tablent sur une arrivée du front froid salvateur qui annoncera derrière la bascule des vents au secteur nord-ouest à nord. Mais les conditions attendues ne peuvent pas encore faire espérer un air de vacances : les skippers vont devoir négocier des vents plus portants mais toujours très forts et une mer en conséquence. Ce ne sera plus le rythme lancinant des allures de près, mais une folle cavalcade où la conduite du bateau tient plus du rodéo sur un taureau sauvage que d'une longue glissade sans embuche. Un temps où il faut savoir trouver le bon rythme entre tempérament d'attaquant et préservation du bonhomme. Où il faudra compter avec les déferlantes qui attaquent le franc-bord, les à-coups dans la barre et les inévitables départs au lof. Autant dire, que le temps des bons petits plats chauds, des siestes réparatrices au soleil et des heures de lecture n'est pas encore venu.

Face nord ou sud ?

A peine plus de 25 milles séparent le premier et le dixième au classement général, quand l'écart latéral entre Thierry Chabagny, le plus au nord et François Gabart (Espoir région Bretagne), le plus au sud, atteint déjà 150 milles. Autant dire que dans ces conditions, bien malin qui pourra prétendre avoir raison. Même s'ils disposent d'outils similaires (fichiers de vent, logiciels de routage), on voit bien que l'intuition et la sensibilité du navigateur peuvent amener des choix radicalement différents. Et c'est peut-être ce qui fait le charme de ces courses océaniques. Le marquage à la culotte laisse souvent place à des options radicales où chacun à tour de rôle peut prétendre jouer à qui perd gagne. Pour l'heure, les hommes du sud gardent la main même si les classements, calculés par rapport à l'orthodromie, donnent encore l'avantage aux hommes du nord. Mais pour peu que les Chabagny, Véniard, Hardy (Agir Recouvrement) et Livory (CINT 56) touchent la bascule plus tôt et tout peut être chamboulé. Dans le langage des solitaires du circuit Figaro Bénéteau, prendre une « Troussel » signifie qu'on a laissé s'échapper un concurrent isolé dans une option radicale. Mais jusque là, le détenteur du brevet a toujours joué la carte du sud… La bande des quatre larrons partis à l'assaut du front froid, aimeraient bien à leur tour pouvoir revendiquer la paternité d'une formule aussi efficace en passant par la face nord. Les mythes ne sont-ils pas édifiés pour être, un jour, battus en brèche ?


Ils ont dit :

Thierry Chabagny – Suzuki Automobiles – 2ème au classement de 15h
« Cette option, je l'avais envisagée avant le départ selon la façon dont tous les phénomènes allaient se configurer. Le danger avec mon option c'est de se retrouver collé. Il faut que j'essaie de ne pas m'arrêter trop près de l'anticyclone des Açores. Mais attention, la course ce n'est pas que les choix stratégiques, c'est aussi faire marcher le bateau parce qu'il n'y a pas que le vent, il faut gérer les vagues et son repos aussi. Non, je ne tente pas une Troussel par le nord : une Troussel, c'est toujours par le sud. C'est peut être une Chabagny, par le nord… On verra si ça marche. »

Nicolas Troussel – Financo – 8ème au classement de 15h
« Ça va, on est encore au près mais ça va se terminer un jour! C'est humide et ça gigote dans tous les sens, donc on commence à avoir hâte que ça se termine. Voir les côtes de Galice, ça me rappelle de bons souvenirs de l'été dernier, en particulier une des étapes du Figaro. En tous cas la mise en jambe a été assez musclée, ça n'a pas été facile. Même si le Figaro Bénéteau est un bon bateau, on n'est pas forcément confortable et l'intérieur est exigu. Mais on est tous dans le même bateau ! Ca va faire du bien de sécher un peu. J'ai hâte de changer mes chaussettes ! Vivement la vie des alizés. »

François Gabart – Espoir Région Bretagne – 9ème au classement de 15h
« Mon option prise près du cap Finisterre semble bien marcher D'autant que le début de course à Belle-Ile a été difficile puisque j'ai perdu 4 a 6 milles dès les premières heures. Mais finalement j'ai fait un bon dégolfage, c'est mon premier et je suis content que ça se soit bien passé, c'est satisfaisant. En tous cas, quand on a Erwan Tabarly ou Gildas Morvan pas très loin, c'est rassurant Je suis ravi d'être là, très content de ce début de Transat. Je suis aussi ravi d'aller plus loin qu'une étape du Figaro et de pouvoir continuer après le golfe. »

Trophée AG2R de la performance solidaire
Gérald Véniard (Macif), 126,5 milles en 24h.

Source : Transat BPE