La Route du Rhum / Les leaders racontent

Franck Cammas (Groupama 3) : "La nuit est active car on est rentré dans une zone avec pas mal de grains donc il a fallu manœuvrer en permanence et être disponible pour les écoutes. C’est instable, hier je suis passé dans le front j’ai ramassé beaucoup de pluie dans la figure et ensuite il n’y avait plus de vent, j’ai du renvoyer de la toile. Depuis j’ai beaucoup manœuvré pour rentrer dans une zone plus stable.
Pendant 2 heures je n'avais pas un vent établi et en plus on était au près donc ce n’était pas top. C’était prévu que ce front soit difficile à passer. Mais là on est sorti donc je suis content. Je m’attends à retrouver une zone de portant. Je suis pas sous gennaker, ça à commencer à glisser. On a toujours une mer un peu croisée assez brutale, Groupama 3 passe un peu au-dessus des vagues, avec beaucoup de bruit. Quand la mer sera calmée et le gennaker envoyé ce ne sera pas mal, d’ici le milieu de la journée.
Ce n’est pas le bon moment pour se reposer, j’ai essayé mais je me suis fait surprendre par un grain, ca m’a vite réveillé ; je surveille, il ya a beaucoup de nuages noirs, ca m’empêche de dormir
".

Crédit : B Stichelbaut / Véolia Environnement

Roland Jourdain (Veolia Environnement) : "Oui ca va, ca va mieux, le front est passé, donc voilà une bonne chose de faite. J’ai vu des fronts bien pires mais ce sont toujours des moments de stress. On a fini notre session de sud, puis le vent a molli très rapidement pour tomber, et là on rentre dans le noir ! Le vent tourne régulièrement et dès qu’il rentre. C’est là l’instant de doute, quoi faire ? Comment le faire ? … et quand le vent rentre à 30/35 nœuds, tu commences à faire le sous-marin et la mer rentre dans le bateau, donc tu réduis la toile et tu laisses aller. Il y a eu 1h30 de vent mou un peu compliqué et ensuite c’est revenu, c’était quand même chaud ! Quand tu es recouvert par la mer, tu évites de prendre des risques et c’est vachement bien quand ca passe !
Pour la suite on est bâbord amure pendant un bout de temps. Aujourd’hui ça glissera au portant avec du vent mais il va y avoir des décisions à prendre au final, c’est compliqué ces situations de petites dépressions tropicales, donc maintenant il faut faire de la vitesse mais aussi regarder comment on amorce la dernière partie du parcours.
Une dépression tropicale, ça fait du vent fort, elles peuvent être nerveuses, et on peut les prendre du bon ou du mauvais côté. Tout ça perturbe notre système d’alizés, notre autoroute favorite !
"

Franck Yves Escoffier (Crêpes Whaou!) : " J’ai enfin très bien dormi, peut-être 2 heures d’affilée à la bannette avec le pilote ! Ca me permet d’attaquer la deuxième partie de la course en forme ! Le père Yves (Le Blévec) a dû reprendre un peu, j’ai traversé de la molle. J’ai eu quelques manœuvres de changement de voiles, pour attaquer cette dépression. Le front n’est pas très fort et il faut toujours que le bateau soit rangé. C’est un sacré boulot, mon gennaker doit faire 175 m², je suis obligé de taper dessus pour que ca rentre ! Soit les sacs sont trop petits, soit les voiles sont trop grandes !
Dans tous les cas il faut être restauré et reposé.
Un bateau n’est jamais fiable ; il suffit de voir Sidney (Gavignet) qui avait un bateau non seulement très élégant mais aussi très fort, avec un marin très bon. Moi demain je peux casser ! Je prépare bien le bateau, j’ai renforcé mon système de lashing. Mais c’est sûr que si j’avais attaqué pendant quelques jours au près, ça n'aura pas été pareil !
On a un petit front à 25/30 nœuds, avec surement un peu de mer. Les routeurs ne savent pas trop à quelle sauce on va être mangé. Pour la suite c’est une incertitude globale
".

Thomas Ruyant (Destination Dunkerque) : "Ca va bien, je suis en train d’attendre l’arrivée du vent portant, et là ce n’est plus qu’une question d’heures, on doit être très proche du front. Je pense rentrer dedans dans 2/3heures. Il va y avoir pas mal de vent le long du front, et même sur sa queue avec un enroulement qui donne du 35 nœuds, il faudra faire attention, ca va être sport quand même ! Ca peut aller vite mais il faut être vigilant, car ce n’est pas le moment de casser le bateau. C’est du portant mais ce ne sera pas du portant dans la bannette. On sera en mode croisière 1 heure ou 2 heures avant le front car ça va monter doucement, ensuite il faudra attendre 2/3 jours pour retrouver le calme. Et puis à plus long terme ce n’est pas simple mais on va tracer notre chemin, c’est le but ! Il y a le paquet de concurrents dans lequel je suis et après il y a l’option de Nicolas Troussel . Je la regarde mais de toute façon on se retrouvera à l’arrivée. Je surveille surtout ceux avec moi, car c’est avez eux que je me compare en vitesse. J’ai fait plusieurs siestes cette nuit, assez longues. Il y a un peu moins de mer depuis cette après midi avec 8 nœuds de vent donc ca permet de se reposer, ce n’est pas raffaleux".

Pierre -Yves Chatelin (Destination Calais) : "J’ai navigué avec A'Capella toute la soirée, c’était sympa. On ne voit pas grand-chose, je navigue sous le vent, c’est marrant de voir deux bateaux si différents qui se retrouvent comme ça à côté après quelques jours de course. Il fait très noir, on a 20 nœuds de vent, on a des courants dans le nez, on ne voit pas grand-chose, du coup avec la vitesse c’est assez spectaculaire. On ne dort pas beaucoup car le vent varie pas mal, on ressort souvent pour régler.
On va traverser un petit front pour repartir avec un vent portant, depuis le début ce n’est pas bien stable même si la nuit dernière j’ai pu dormir un peu. Mais j’ai toujours des problèmes d’électricité ; je n’arrive pas bien à recharger. Sinon tout va bien sur le bateau ! Je me suis déjà ouvert des supers repas pour l’Atlantique, c’est excellent ! Je mange pas mal de sachet de fruits séchés préparé par ma fille et ma femme. Quand on est secoué ce n’est pas facile de préparer quelque chose
…"

Source : Rivacom