Pierre Quiroga, Skipper Macif 2019, grand vainqueur de La Solitaire du Figaro 2021, "une joie immense" - ITW

 

C'est sur un énorme cri de joie que Pierre Quiroga les bras hissés haut en l'air, a coupé hier soir, en 10è position, dans la nuit noire au large de Saint-Nazaire, la ligne d'arrivée de la quatrième et dernière étape de La Solitaire du Figaro 2021. Et pour cause, la victoire au classement général est là au bout de la fatigue ; au terme d'une édition sous le signe de la longueur, que le Skipper Macif 2019 a marquée de sa patte. Après plus de 2 500 milles (4 600 km) parcourus, plus de 10 jours de mer, de bataille acharnée et de lutte contre le sommeil, le Méditerranéen de 29 ans impose son style, ses trajectoires offensives et inspirées. 


Crédit : A Courcoux


Déjà vainqueur de la deuxième et troisième étape, son avance cumulée lui a permis de s'imposer devant Xavier Macaire qui l'a pourtant menacé jusqu'au bout de cet ultime parcours. Au final, le verdict du chrono tombe : 48 minutes et 22 secondes séparent ces deux compétiteurs hors pairs, tour à tour leader au classement général de cette épreuve au temps. Une victoire qui confirme, après François Gabart, Yoann Richomme, Charlie Dalin - entre autres -, le succès de la filière Skipper Macif qui cumule les victoires d'étapes et les podiums sur cette épreuve.

 

Les impressions sur la ligne 

« Il se passe tellement de choses dans ma tête. Pour moi, c'est une victoire historique, elle va rester dans mon cœur pendant longtemps. Elle arrive au terme d'une quatrième étape pleine de suspense. Je m'étais interdit de regarder l'heure d'arrivée de Xavier (Macaire) et de déclencher un chrono. Je voulais juste arriver le plus rapidement possible. C'est aussi la fin d'une histoire magnifique avec le projet Skipper Macif, et les adieux à mon beau Figaro Bénéteau 3 n°37. C'est forcément beaucoup d'émotions qui s'entremêlent, avec une joie immense qui va devenir de plus en plus palpable dans les heures et les jours à venir. J'ai encore du mal à me dire que j'ai gagné la Solitaire, c'est incroyable ! »

 

Le stress et la peur avant l'arrivée 

« Cette étape me faisait très peur. On ne pouvait pas faire pire pour un leader au général que ce qu'on a eu sur cette der des ders. J'ai bien navigué sur la moitié, jusqu'à mercredi après-midi, en sortie de Manche. Puis ensuite, tout ne s'est pas passé comme prévu. Avec le stress, j'ai peut-être donné un peu trop de priorité au rationnel, à la météo qu'on a reçue, plutôt que d'écouter mon feeling et de me fier à ce que je ressentais. Je suis parti dans une option au large qui n'était pas bonne du tout. Depuis le Fastnet, je ne savais pas où se trouvait Xavier et c'était compliqué de défendre ma position vis-à-vis de mon plus dangereux concurrent. Je me suis fait très peur. Je savais qu'à terre cela pouvait passer et je n'avais pas de moyen de me protéger. Heureusement, Tom (Laperche) était avec moi et j'ai pu m'étalonner face à lui. Je suis claqué, j'ai barré des heures et des heures pour combler mon retard. Au final, cette victoire au général devant Xavier, un navigateur extrêmement talentueux, qui l'a encore prouvé sur cette dernière étape et qui m'a rendu la tâche extrêmement difficile, c'est une très belle cerise sur le gâteau. »

 

Les ingrédients du succès 

« Ce mois de Solitaire, je l'ai vécu sur mon petit nuage. Cela est dû à un ensemble de choses : l'équipe super solide, les préparateurs, la cuistot, l'attachée de presse, toutes celles et ceux qui m'entourent… Tous me bichonnent et me mettent dans les conditions idéales pour rentrer en mode compétition. Toute cette saison sportive prise dans sa globalité, je la dois aussi beaucoup à Erwan (Le Draoulec). On a beaucoup travaillé à deux. J'ai également pris plus de repos, plus de vacances, notamment au mois de juillet quand je suis parti me ressourcer auprès de mes amis dans le Sud… C'est l'addition de plein de petits détails qui fait que je suis arrivé dans un état de zénitude, très serein, au départ de la première étape et qui m'a permis d'avoir la réussite dès la première étape sur cette course qui se gagne sur des pouièmes de pouième. »

 

Les moments forts 

« Forcément, les plus beaux moments sont ceux des deux victoires d'étape, celle au panache à Fécamp après des virements de bord à n'en plus finir, et la victoire surprise à l'île de Batz alors que je ne m'y attendais pas … Mais j'en ai d'autres que je vais garder longtemps, des souvenirs du grand voyage qu'on a fait, plein de paysages. Il y a aussi toutes les discussions que j'ai eues avec d'autres concurrents à la VHF et d'autres moments avec moi-même où j'ai beaucoup réfléchi. Et puis il y a aussi le coucher de soleil à la bouée SN1 en arrivant, ce soir, à Saint-Nazaire. J'ai eu un petit moment hors course où j'ai un peu fait le bilan de ces dernières années. J'ai été pris par l'émotion et j'ai versé ma petite larme. Je savais que c'était la fin d'une très belle période de vie. »

 

La fatigue au bout de quatre étapes 

« La plus grande fatigue, je l'ai ressentie à la fin de la deuxième étape. J'étais vraiment dans le rouge après tous les virements de bord pour rallier Fécamp dans un environnement stressant près des cailloux. Au terme de la course, c'est une fatigue très profonde que j'ai cumulée. Il va me falloir plusieurs semaines pour retrouver mon état de sommeil normal. Cette Solitaire était très longue, presque trop. Cela n'a rien à voir avec celle qu'on a disputée l'année dernière. Elle était plus belle, mais beaucoup plus rude, d'une dureté rare… »

 

Six ans pour gagner 

« J'ai l'impression que tous les entraînements acharnés que j'ai cumulés en voile olympique m'ont servi sur l'eau. Sur le circuit Figaro et sur la Solitaire où c'est toujours une bataille de tous les instants, il faut une âme de solide compétiteur. J'avais un bagage qui m'a aidé. Mais dans d'autres domaines, il m'a fallu tout apprendre et c'est énormément de travail pour y parvenir. Six ans, c'est long. Je m'étais donné quatre ans pour faire un podium, mais il m'a fallu plus de temps sur ce support tellement dur à maîtriser. Ce moment de « flow », cet état de grâce qui permet d'enfin gagner est tellement compliqué à mettre en place. J'ai mis du temps à apprendre et à comprendre. Venant de Méditerranée, je ne connaissais rien aux courants, au flot, au jusant. Je partais de zéro en matière d'anticyclone, de dorsale... Cela a été un long processus d'apprentissage. Les trois dernières années au sein de la filière Skipper Macif m'ont permis d'aligner les derniers éléments pour exploiter le meilleur de moi-même. »

  

L'esprit d'équipe 

« Je suis intiment persuadé que cet esprit d'équipe qui anime le programme Skipper Macif m'a permis d'aller chercher cette victoire. Chacun a apporté son moment de joie, son grain de sel pour qu'il ne me reste plus qu'à assembler les bouts sur l'eau et que ça fonctionne. C'est une victoire d'équipe. J'ai eu besoin des compétences des autres pour aller chercher cette victoire en solitaire. »

 

Les projets immédiats 

« Du double en Class40 sur la prochaine Transat Jacques Vabre. Vis-à-vis de La Solitaire, ce n'est sans doute qu'un au-revoir... »

 

Source : E Bramoullé