A 9h12 dimanche 23 novembre, Jérémie Beyou prévenait la Direction de Course de son avarie, son gréement sous le vent à tribord n'était plus solidaire du mât. Il est alors impossible de virer ou d'empanner sous peine de démâter. Le skipper de DELTA DORE a abattu de quelques dégrés (descendre dans le lit du vent) et réduit l'allure pour sécuriser son mât. Il navigue actuellement vers Salvador de Bahia, plus adéquat que le port de Récife. Salvador dispose d'une baie abritée pour un mouillage et d'infrastructures portuaires en cas de nécessité.
En cas de réparation, il devra l'effectuer absolument seul.
Jérémie Beyou lors de la vacation dde Dimanche 12h avec le PC presse :
« Je ne réalise encore pas trop ! J'étais à l'intérieur cette nuit, au près avec 22 nœuds de vent sous trinquette et grand voile haute. J'ai entendu un bruit inhabituel, un crac... Sous le vent, la barre de flèche n°2 se baladait : c'est toute l'embase de cette pièce qui est cassée. Le dormant du hauban s'est emmêlé avec la bastaque et la barre de flèche n°1 en haut s'est rompue ensuite. J'ai tout de suite réduit l'allure et j'ai abattu en faisant attention à ne pas empanner, car autrement, le mât tombe ! La barre de flèche tournoie sur elle-même : il m'est impossible de monter dans le mât sans risquer de me faire décapiter par ce morceau de carbone... Je crois en plus que le profil du tube lui-même à pris un coup. J'essaye avant tout de conserver le mât en l'air jusqu'aux côtes brésiliennes. ...Ce sont des pièces mécaniques qui ont dû casser. Il est impossible d'en usiner une à bord, j'ai tout ce qu'il faut pour réparer, tout sauf un mât et une quille ! Je ne suis pas le seul à avoir adopter ce système : Generali, BT, Gitana Eighty ont le même genre de montage. On a refait des pièces avant de partir et on a tout vérifié aux Sables d'Olonne... »
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Quoi de pire pour un compétiteur de haut-niveau que devoir se résoudre à ne plus courir pour la gagne ? Jérémie Beyou est en course mais il le sait, la mort dans l'âme, il doit renoncer à courir dans le peloton de tête. Toutefois il se maintient en course parce que, sans diagnostic précis de l'avarie, il est impossible d'envisager la suite de la course.
Jérémie est très secoué par ce coup du sort. Quatre ans de travail et de préparation ont été necessaires pour prendre le départ de ce Vendée Globe dans les meilleures conditions. Et pourtant, pour préserver son capital, il était certainement le skipper du peloton de tête qui avait montré la plus grande prudence dans la tempête qui avait décimé la flotte en début de course. Il déclarait : "J'ai fait toutes mes réductions de voilure, peut-être un peu sous-toilé. (...) Dans les réglages, je fais gaffe au bateau et à moi. C'est important de ne rien casser."
Comme la pâle d'un moulin à vent
"La mer tape avec une houle de 1,50 mètre installée et de petites vagues désordonnées, le vent soufle de travers entre 15 et 20 noeuds, je suis sous 3 ris dans la grand voile et Orc (plus petite voile d'avant ndlr), la quille sous le vent. Monter là-haut relève de l'exploit pour l'instant : Imaginez une tige de 10 kilos et de 3 mètres de longueur qui tape contre la voile et tourne ... C'est aussi dangereux qu'une pâle de moulin à vent." relatait Jérémie à son équipe à terre.
Deux solutions pour neutraliser la barre de flèche
Jérémie Beyou a deux possibilités : neutraliser la barre de flèche depuis la base du mât ou tenter l'ascension. Dans le premier cas, il fabrique un lasso à l'aide d'une écoute qu'il lance au-dessus de la barre de flèche pour la bloquer vers l'extérieur du mât. Dans le deuxième cas, Fanch Guiffant, boat captain, lui a préparé à bord un harnais avec un bout qui se règle pour s'amarrer à un point fixe du mât.
Histoire d'un mât
Le 11 décembre 2007, au sud du cap de Bonne Espérance, Jérémie Beyou et son co-équipier Sidney Gavignet, démâtent alors qu'ils courent la Barcelona World Race. Trois mois plus tard un nouveau mât, non rotatif, est lancé en fabrication, plus simple avec trois étages de barres de flèches. Le mât est qualifié après une navigation de 1500 milles au mois de mai. Deux inspections totales du mât ont été faites par la suite, en septembre puis en octobre, un mois avant le départ du Vendée Globe. Le team voile Delta Dore avait inspecter minutieusement le mât et les pièces mécaniques afin d'analyser leur usure. Les pièces mécaniques ont été changées au mois de septembre.
Avant l'avarie, Jérémie naviguait en 10ème position à 94,7milles du leader Loïc Peyron sur Gitana Eighty. Il lui sera difficile de rattraper la tête de la flotte après un arrêt qui peut s'avérer très long. C'est une situation di fficile à accepter pour un sportif que de voir s'envoler ses objectifs de résultats.
Source : Delta Dore