Barcelona World Race / Des conditions dignes des mers australes

Depuis le temps qu’ils les attendaient, ils finissent par ne pas y croire. Mais il faut se rendre à l’évidence, c’est bien un régime dépressionnaire classique qui s’installe sur les 40èmes. Avec son cortège de glissades sur la houle, de bascules à négocier entre le nord-ouest et le sud-ouest, de surfs qui affolent le speedomètre. On en oublierait presque que les équipages sont toujours en course, tant ils manifestent leur soulagement d’en avoir fini avec plusieurs jours terribles.

© GAES Centros Auditivos

Ça va mieux… Même si les conditions ne sont pas encore idéales pour tous, la flotte bénéficie enfin des régimes de vents portants typiques des mers du sud. Pour certains, c’est la voie royale : ainsi Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron, solides leaders à bord de Virbac-Paprec 3 profitent de conditions parfaites pour creuser à nouveau l’écart avec leurs dauphins Iker Martinez et Xabi Fernandez (MAPFRE). Et c’est un Jean-Pierre Dick parfaitement reposé et lucide qui pouvait répondre à la vacation du jour, évoquant la nécessaire vigilance qu’il convient de garder malgré un avantage estimé à une grosse journée de mer… Les deux hommes apprécient visiblement de pouvoir un peu lâcher la bride, après un début de course qui ne leur a guère laissé de répit. Une descente de l’Atlantique à couteaux tirés avec le Foncia de Michel Desjoyeaux et François Gabart, une entrée dans l’océan Indien particulièrement tactique avaient précédé ces derniers jours de course, particulièrement éprouvants tant physiquement que moralement. Etre secoué comme un prunier est une chose. Vivre de surcroit l’angoisse de la casse, de même que supporter les bruits du carbone encaissant les chocs sont autant de facteurs de stress et de fatigue.

Dies irae
Dans ce type de conditions, le moindre pépin peut vite tourner à la catastrophe. L’équipage de Neutrogena en a fait l’amère expérience hier. A la lutte avec Mirabaud, Ryan Breymaier et Boris Hermann s’apprêtaient à changer de spinnaker, quand lors de la manœuvre, un ballast s’est vidé complètement sous le vent. Immédiatement, le bateau a enfourné et s’est couché juste quand un des deux équipiers s’affairait à rentrer le code zéro dans le bateau. La voile partait sous le vent, arrachait un chandelier et passait à l’eau. Le temps d’affaler le petit spinnaker, de faire demi-tour contre le vent, de suivre la trace du GPS grâce à la fonction homme à la mer (qui fonctionne aussi bien pour une voile d’avant) et le tandem perdait plus d’une heure à revenir sur le lieu du crime. Mais comment retrouver un gennaker passé à l’eau dans une mer aussi formée ? C’est une concentration anormale d’oiseaux de mer qui donnait la piste ; Boris et Ryan pouvait localiser leur voile d’avant sur laquelle un albatros avait élu domicile. Dans l’affaire, les deux hommes ont récupéré leur code zéro, mais ont abandonné près de quarante milles à leur plus proche adversaire et laissé beaucoup d’énergie. Autant dire que le congé de fin de semaine sera particulièrement bienvenu.

Fluctuat nec mergitur
Les dames de GAES Centros Auditivos goûtaient aussi particulièrement cette rotation des vents. En bordure de l’anticyclone, elles bénéficient d’un gradient de pression suffisant pour avancer poussées par un vent d’ouest soutenu, tout en étant gratifiées de rayons de soleil particulièrement réconfortants. Dee Caffari, elle-même, dont on sait à quel point elle est dure au mal, reconnaissait que ces derniers jours avaient été les pires rencontrés depuis le départ de la course, ajoutant même qu’elle avait rarement rencontré des conditions aussi dures. Son équipière Anna Corbella en guise de baptême du feu, s’est trouvée en proie à un mal de mer aussi imprévisible que tenace. Seul équipage à être encore confronté à des conditions particulièrement difficile le tandem de MAPFRE, qui navigue juste en bordure de l’activité frontale générée par le talweg, perd non seulement sur les leaders mais voit son avance grignotée par ses compatriotes d’Estrella Damm … Les deux navigateurs attendent avec impatience de franchir la porte de la Nouvelle Amsterdam pour mettre du sud dans leur cap et bénéficier de conditions plus stables. Vivement dimanche…


Ils ont dit :
Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 : « Nous sommes au portant et les conditions devraient continuer à s’améliorer. Nous allons avoir des conditions plus calmes qu’il y a vingt-quatre heures. Les deux derniers jours étaient vraiment speed, le bateau était un vrai shaker envahi de ces bruits de carbone. Cinq cents milles d’avance, c’est à la fois beaucoup et ce n’est pas énorme par rapport à la distance qui reste à parcourir. On n’oublie pas que nous sommes dans un sport mécanique.
Jusque là nous n’avons pas eu trop le temps de lire ou d’écouter de la musique : entre la navigation, les manoeuvres, le besoin de s’alimenter, sans compter que bien souvent, on tombe de fatigue et qu’on s’endort sans demander notre reste. Pour fêter les grands moments, le passage du détroit de Cook, le cap Horn et le franchissement de l’équateur, on a prévu trois canettes de Coca…»

Juan Merediz, Central Lechera Asturiana : «On est arrivé avant-hier au soir à Cape Town. Dès que l’on a pu, on a travaillé non stop sur le bateau… Le temps des formalités de douane, on a réussi à prendre une douche et à dormir un peu dans un vrai lit. L’accueil que l’on a reçu à Cape Town était vraiment fantastique. Maintenant nous naviguons dans 20 nœuds de vent… On espère revenir au contact des autres. Pour partir de Cape Town, on a eu la chance d’apercevoir des phoques, de même qu’une baleine»

Dee Caffari, GAES Centros Auditivos : « Tout va bien : le soleil brille, on va vite et dans la bonne direction. Ces dernières quarante-huit heures, ce sont les conditions les pires que l’on ait rencontrées depuis le début de la course. Anna a même eu le mal de mer, mais maintenant tout va bien. Tout était trempé dans le bateau et c’était difficile à vivre. »
Anna Corbella, GAES Centros Auditivos : « C’était très difficile. Du fait de la tension, je n’ai pas réussi à manger pendant douze heures. On pouvait croire qu’à chaque instant le bateau allait se briser… Maintenant ça va mieux, j’ai réussi à récupérer, je suis de nouveau contente d’être là… »

Classement du 5 février à 15 heures (TU+1) :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 15 143,3 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 515,3 milles du leader
3 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 604,4 milles
4 GROUPE BEL à 658,3 milles
5 RENAULT Z.E à 938,1 milles
6 MIRABAUD à 1454,1 milles
7 NEUTROGENA à 1482,1 milles
8 GAES CENTROS AUDITIVOS à 2177,3 milles
9 HUGO BOSS à 2359,6 milles
10 FORUM MARITIM CATALA à 2851,4 milles
11 WE ARE WATER à 2976,8 milles
12 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 3158,4 milles
ABN FONCIA
ABN PRESIDENT

Source : PFB / Barcelona World Race