Classe Mini / Météo complexe à la veille du départ des Sables - Les Açores (13h02)

A moins de vingt-quatre heures du départ de cette édition 2012, ça s’agite sur les pontons. Entre derniers bricolages, avitaillement des solitaires et choix de route, les concurrents ont fort à faire. Et leurs choix témoignent aussi de leurs priorités entre les obsédés de la performance qui partent à la chasse au poids, les maniaques de la trajectoire idéale et les philosophes qui se réjouissent simplement de se retrouver enfin seuls en mer…

Les Minis à quelques heures du départ de la SAS
Credit : Ch.Breschi

Ça bruisse autour du village des Sables – Les Açores – Les Sables. Entre les familles, les copains venus respirer un parfum d’aventure, les anciens qui s’offrent une bouffée de nostalgie, le ponton du Vendée Globe à Port Olona respire l’ambiance des grands départs. A bord des 6.50, c’est l’heure des derniers préparatifs. Ici, pas de préparateur attitré pour remettre clés en main à son skipper une monture parée pour la traversée. Ce sont encore les bonnes volontés, les réseaux d’amitiés qui font office de Sésame pour décharger le skipper de toutes les dernières tâches.

Le grand écart
Internet oblige, certains navigateurs solitaires passent le plus clair de leur temps, rivés devant leur ordinateur, à compulser fiévreusement les différents routages possibles. Pour ce faire, il faut disposer d’une polaire de vitesse fiable – la polaire permet, en théorie, de déterminer la vitesse du bateau en fonction de l’angle et de la force du vent – et recouper les différents fichiers de vent fournis par les divers offices météorologiques. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les choix de route s’avèrent d’une grande complexité : en cause, une petite bulle anticyclonique au milieu du golfe de Gascogne, centrée sur la route vers les Açores.

En choisissant une route nord, on limite les risques d’une navigation sans vent, mais certains routages donnaient, hier encore, une navigation jusqu’à la latitude de la pointe de Bretagne. Soit un écart de route qui ne permet pas de rectifier son option. Deuxième inconvénient, cette route implique plusieurs jours de navigation au près, l’allure la moins favorite des Minis. Autre choix, tenter de contourner cette bulle par le sud, le long des côtes d’Espagne. La formation d’une petite dépression orageuse sur la péninsule ibérique peut provoquer des vents plutôt de secteur nord-est, mais par nature très instables. Avec en filigrane, le risque de se faire emprisonner par des calmes pour peu que la bulle redescende un peu en latitude.

Difficile de choisir dans ces conditions. Au final, peut-être que l’issue de ce dilemme sera de faire un choix, puis d’observer la conformité ou non des conditions rencontrées pour décider de s’y tenir ou de changer son fusil d’épaule. Direction et force du vent, observation des nuages et surveillance scrupuleuse du baromètre seront peut-être les clés de la réussite.

Vieux sages
Certains coureurs n’ont pas ces angoisses existentielles. Pour eux, l’essentiel est de savoir rentrer dans sa bulle dès la ligne de départ franchie, de se débarrasser au plus vite des scories de la vie terrienne. Savoir opérer cette mutation, c’est avoir la garantie que dès les premières heures de course, on sera efficace… les premiers milles peuvent se révéler déterminants, ne serait-ce que pour marquer psychologiquement ses adversaires. Pour ces gaillards-là, passer le temps nécessaire à bord pour vérifier que tout est bien en place comme on le souhaite, ranger son matériel avec un soin méticuleux, faire corps avec son bateau est tout autant essentiel que de brûler quelques neurones sur des supputations stratégiques.

Ou Jeunes sages 
Enfin, reste le contingent de tous ceux pour qui cette course est une grande première. Tous, pour avoir le droit de prendre le départ, ont dû en passer par des épreuves qualificatives : justifier d’un certain nombre de milles en course sur leur bateau et avoir accompli hors course, un parcours de 1000 milles en solitaire sur son bateau. Mais, partir en course sur une étape de huit à neuf jours est une autre paire de manche. Dans un parcours de qualification, la pression n’est pas de même nature. Là, il faudra demain matin, déposer le téléphone portable auprès de l’organisation, signer la feuille d’émargement signifiant acceptation des instructions de course… Bref, ces instants-là concrétiseront cette bascule dans un autre monde : on a beau être venu le chercher, s’être battu pour être sur la ligne, certains sourires seront un peu plus figés à l’heure de quitter les pontons de Port Olona. Enfants, tous ont connu l’angoisse du cagibi sombre au fond d’une pièce de la maison de famille. Et tous savent que le meilleur moyen d’exorciser cette peur, c’est d’ouvrir la porte… Savoir braver l’inconnu, c’est aussi grandir.